Donner d’une main et reprendre de l’autre, telle est la pratique gouvernementale actuelle en matière sociale, comme on le constate avec l’exécution d’une promesse électorale. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle de mai 2017, Emmanuel Macron avait en effet promis de relever à 900€ le montant maximal de l’Allocation Adulte Handicapé. Quatre mois après son élection, le premier Comité Interministériel du Handicap de son quinquennat annonçait que ce montant serait atteint le 1er novembre 2019, soit 30 mois après l’élection présidentielle. Ce décalage dans le temps s’est accompagné de nombreuses réitérations de cette décision, à la manière d’un matraquage venant masquer des mesures nettement moins positives.

Si l’AAH augmente de 41€ en ce mois de novembre, soit près de 5%, les pensions d’invalidité et les rentes accident du travail-maladie professionnelle sont quasiment gelées : elles progresseront de 0,3% en 2019, soit sept fois moins que les prix qui ont augmenté de 2,2% sur les douze derniers mois. Ce sera la même chose en 2020, et si l’AAH sera portée à 900€ ce 1er novembre là, les 10% d’augmentation sur deux ans ne représenteront qu’environ 5% de gain supplémentaire inflation déduite. Les 750.000 pensionnés (chiffre 2014) et les rentiers AT-MP perdront, eux, près de 4% de pouvoir d’achat, et le bénéfice pour ceux qui travaillent de la prime d’activité (jusqu’à 240€ par mois pour un temps partiel), alors que les Allocataires Adultes Handicapés bénéficient du maintien de ce droit. Les pensionnés et rentiers sont totalement ignorés par le Gouvernement qui ne s’intéresse qu’à la communication positive.

Mais au moins 230.000 des 1.150.000 Allocataires Adultes Handicapés ne seront pas à la fête en 2019. D’abord ceux qui vivent en couple : le plafond de prise en compte des ressources du conjoint ou assimilé est abaissé; 80.000 bénéficiaires pourraient voir leur allocation ne pas augmenter et 150.000 constater une augmentation partielle. Ensuite, ceux qui vont déposer leur première demande ou un renouvellement à compter du 1er novembre ne pourront bénéficier que du complément le plus bas s’ils n’ont pas d’autres revenus et sont locataires d’un logement pour lequel ils touchent une allocation logement. Cette Majoration Vie Autonome au montant inchangé de 104,77€ depuis sa création en 2006 remplacera le Complément de Ressources de 179,31€. Ce dernier était destiné à maintenir l’AAH au-dessus de 80% du salaire minimum net de cotisations sociales, sa suppression marque une rupture dans la doctrine de solidarité nationale : le Gouvernement n’entend plus garantir un niveau minimum de revenus aux allocataires handicapés dont la capacité de travail est évaluée à moins de 5%, niveau nécessaire pour bénéficier de ce complément. Sa suppression représente près de six millions d’euros d’économies dès 2020, selon le document « Evaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2019 ». Si les 67.000 actuels bénéficiaires continueront à le percevoir, ce ne sera que jusqu’au terme de la décision d’attribution en cours, dans la limite de dix ans. La même Evaluation estime à 2% les demandeurs d’AAH qui, à compter du 1er novembre 2019, seront privés du Complément de Ressources auxquels ils auraient eu droit, et également de la MVA parce qu’ils ne perçoivent pas d’allocation pour leur logement : cette suppression fera près de 25.000 victimes qui perdront 100€ par mois. Pour elles, l’augmentation de l’AAH se transformera donc en baisse.

Laurent Lejard, novembre 2018.

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