« Mercredi 7 mars 08h00 : Entretien avec les députés LaRem du Groupe d’étude ‘Autisme’ à l’Assemblée Nationale (Secrétariat d’État chargé des Personnes handicapées). » Cette ligne de l’agenda de la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, a mis en ébullition d’autres députés membres de ce groupe d’études. Son co-président, Daniel Fasquelle (Les Républicains), a ainsi tweeté sa réprobation le 8 mars : « Pourquoi la ministre Cluzel a-t-elle réuni les seuls députés En Marche du groupe d’étude autisme ce mercredi matin au ministère ? Triste de voir que le gouvernement divise et fait de la politique sur ce sujet autour duquel on doit se rassembler. » Tweet doublé d’une lettre de protestation adressée à la secrétaire d’État, et au chef du Gouvernement, Edouard Philippe.

Pourquoi n’avoir reçu que les seuls députés La République En Marche (LREM) ? « Ils ont été réunis pour faire le point sur le 4e plan autisme, et faire le point sur leur réflexion », justifie le cabinet de Sophie Cluzel comme s’il s’agissait d’un processus normal. « On a été surpris, et même scandalisé que madame Cluzel n’ait réuni que les députés En marche, s’insurge Patrick Hetzel au nom du groupe Les Républicains. C’est assez inhabituel de voir un traitement partisan de la part d’un membre du gouvernement. Alors que les groupes d’études ont pour objectif de mener un travail au-delà des clivages partisans. C’est vraiment choquant, il y a une forme d’instrumentalisation de la part d’un ministre. Je vais prendre un exemple : lorsque Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de l’Education Nationale a décidé la suppression des classes bilingues, nous avons demandé audience et la ministre a reçu l’intégralité des membres du groupe d’amitié France-Allemagne. Il y a des sujets qui méritent qu’on les traite avec un maximum de consensus. »

Ce que confirme la précédente ministre de l’Outremer, la socialiste Ericka Bareigts : « Je tiens à préciser que je ne suis pas membre du groupe d’études Autisme puisque j’appartiens à trois autres groupes d’études pour cette législature (Economies insulaires, Pauvreté et précarité, Parcs nationaux et naturels régionaux). Concernant la décision d’inviter uniquement les députés LREM membres du groupe d’études, il est de pratique que l’ensemble des membres des groupes d’études – majorité comme opposition – soit convié à des réunions avec les membres du gouvernement. L’intérêt d’un groupe d’études est de fédérer autour d’un même sujet l’ensemble des députés intéressés par cette question afin d’avancer ensemble au-delà des clivages politiques: il est essentiel de maintenir cette logique et encore plus pour un sujet comme l’autisme où nous avons besoin de l’énergie de chacune et chacun. »

L’origine de cette bévue de Sophie Cluzel réside probablement dans le processus d’élaboration du 4e plan Autisme. « On ne sait strictement rien, on n’est pas au courant malgré une longue concertation, explique Danièle Langloys, présidente d’Autisme France. On ose espérer qu’une partie des points qui font consensus se retrouveront dans le plan. On met tous l’accent sur l’aide aux familles et l’attention à porter aux plus de 500.000 adultes oubliés des précédents plans autisme. Ils n’existent nulle part, ne sont pas repérés dans les classifications en France. On ne sait pas s’il y aura de nouveaux moyens, on n’en sait strictement rien ! »

Ce serait donc la méthode gouvernementale qui serait en cause : d’abord écouter les associations et les acteurs de terrain, puis discuter entre ministères et administration, enfin rendre des arbitrages entre ministres concernés. L’annonce du 4e plan Autisme devrait être faite le 6 avril par le Président de la République lors d’une « grand-messe » au palais de l’Elysée. Dans ce processus, on comprend mieux le souci d’informer en avant-première les députés du parti présidentiel pour leur distiller les indispensables éléments de langage qui leur permettront de vanter un plan que les acteurs associatifs redoutent décevant : le communiqué commun publié le 6 mars dernier par l’Unapei, Sésame Autisme et Autisme France est imprégné d’inquiétude sur le contenu du 4e plan Autisme. L’organisation de la mobilisation des députés LREM autour du Président de la République et du Gouvernement prend alors tout son sens, au risque de politiser l’autisme. Ce que n’apprécie pas Danièle Langloys : « Je trouve ça choquant et regrettable, contre-productif. L’autisme n’a pas de parti politique, il n’est ni de droite, ni de gauche, ni République en marche ! »

Laurent Lejard, mars 2018.

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