Pour la seconde fois en dix ans, Paris est candidate pour obtenir l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Sans enthousiasme populaire, dans une ville et un pays vivant sous la chape d’un état d’urgence qui doit être prolongé de trois mois, pour préparer les citoyens au futur Etat policier dont le Parlement est instamment prié de voter la loi qui doit le régir. Dans un pays aux finances publiques exsangues, accumulant un endettement abyssal, dont des collectivités locales sont en quasi-faillite sans perspective d’un mieux à venir. C’est dans ce contexte à la fois sinistre et incertain que la capitale de la France et la région Ile-de-France voudraient investir des milliards d’euros pour organiser une vingtaine de jours de compétition sportive. De quoi siphonner les moyens encore disponibles pour un événement dont Parisiens et Franciliens subiront les inconvénients et profiteront peu, à quelques exception près.

Comment, dans un tel contexte, obtenir « honnêtement » du Comité International Olympique l’organisation de ces Jeux ? En écrivant du bla-bla pompeux dans un dossier de candidature, comme en témoigne ce propos à la fois présomptueux et erroné sur l’impact des Paralympiques : « Les Jeux Paralympiques constitueront l’apogée d’une aventure sportive de sept années, oeuvrant à une meilleure participation et intégration sociale des personnes en situation de handicap. » Or le handisport se joue, en France, quasiment sans public; rien ne permet de penser qu’il en ira autrement dans les années qui viennent : absence quasi-totale à la télévision, sur les radios, dans les journaux. Pourtant, le Mondial d’escrime 2010 mêlant valides et handi escrimeurs s’était déroulé à Paris devant des milliers de spectateurs payants et avait suscité l’intérêt du public. A l’inverse, trois ans après, le Mondial d’athlétisme handisport de Lyon s’était joué dans un stade de banlieue avec quelques centaines de spectateurs gratuits constitués en bonne part des familles et amis des participants.

Autre envolée lyrique du dossier de candidature : « La poursuite des actions mises en oeuvre pendant la préparation des Jeux contribuera à garantir l’égalité des chances pour les personnes en situation de handicap, non seulement en matière d’accessibilité dans les transports, les logements et les équipements sportifs, mais également en matière d’emploi, d’éducation, de culture et d’autonomie. » Rien n’est plus faux : depuis 2012, la politique gouvernementale est marquée par une loi de restriction de l’accessibilité aux Etablissements Recevant du Public et aux logements, une réduction des moyens consacrés à l’accès à l’emploi et à la formation des travailleurs handicapés dont le chômage a doublé, à la stagnation de l’action publique en matière culturelle, aux premières baisses budgétaires dans l’accès à l’autonomie. Aucun des projets gouvernementaux en cours d’élaboration n’envisage d’inverser cette spirale d’exclusion rampante.

En matière d’accessibilité, le dossier de candidature ment par omission dans le paragraphe 83 « La Loi française en faveur de l’accessibilité » : il cite « la loi du n° 2005-102 du 11 février 2005 et les décrets n° 2006-1657 et n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 », alors que cette loi a été réformée par l’ordonnance du 26 septembre 2014 qui a supprimé l’accessibilité à tout pour tous au profit de dérogations, exceptions nombreuses, allègement des normes et suppression de la continuité d’accessibilité de la chaine du déplacement ! Le dossier Paris 2024 ne contient aucune amélioration de cette accessibilité : les visiteurs handicapés ne pourront compter que sur les longs trajets en bus, taxis et VTC pour se déplacer, puisque le métro parisien ne sera pas plus accessible qu’aujourd’hui et que le réseau ferré hors Paris demeurera d’accès variant entre accessible en autonomie, avec aide du personnel à certaines heures, ou inaccessible. Comment accueillir des milliers de spectateurs ou sportifs handicapés dans une région aux transports globalement si mal accessibles ? Et où les loger ? L’offre en hébergements accessibles et adaptés n’est pas recensée et la labellisation Tourisme et Handicap est indigente en Ile-de-France. Là encore, le Mondial d’escrime 2010 avait révélé les carences parisiennes. Pour toutes ces raisons, Paris 2024 ne fait guère rêver que les politiciens…

Laurent Lejard, février 2016.

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