« Chaque animal devrait avoir des droits [qu’il] soit mignon ou pas […] qu’un humain y soit attaché ou pas, de la même façon, un handicapé mental a des droits, même s’il n’est pas mignon ou si personne ne l’aime ». Cette stupéfiante comparaison figurait jusqu’à la fin du mois d’août sur la Foire aux questions de l’antenne française de l’organisation activiste américaine en faveur des droits des animaux PETA. Un propos qui a révulsé des organisations de défense des droits des personnes handicapées, dont les dirigeants se sont scandalisés de voir des membres de leur famille ravalés au rang d’animal. Car tel est bien le fondement de la doctrine de PETA : tous les êtres vivants sont des animaux qui doivent avoir les mêmes droits. « En Argentine, explique ainsi Ernst Cyril, porte-parole de PETA France, le chimpanzé est reconnu comme une personne par la justice, il a le même droit à la liberté. » Et de défendre l’argument selon lequel l’intelligence et l’aspect esthétique ne sont pas pertinents pour donner des droits aux êtres humains et pas aux animaux. « On ne dit pas qu’un humain est égal à un animal », précise-t-il toutefois, avant d’ajouter : « Ce n’est pas dépréciatif que de dire qu’un chimpanzé en possession de tous ses moyens peut mieux communiquer qu’une personne vivant avec une grave déficience intellectuelle. »

Un propos qui conduit à hiérarchiser la qualité de vie relationnelle entre les personnes qui rencontrent des difficultés de communication, et les animaux qui n’en subissent pas (ce qui suppose de faire abstraction du fait que les animaux ne « parlent » pas). Mais il n’y a rien d’étonnant dans cette approche quand on en connaît l’inspirateur : l’universitaire australien Peter Singer, qui enseigne la bioéthique à l’université américaine de Princeton. Qualifié de « philosophe le plus influent du monde » en 2004 par le prestigieux magazine The New Yorker, défenseur de l’égalité de traitement des animaux avec les humains au point de devenir végétarien pour ne pas se nourrir de leur chair, Peter Singer a élaboré une théorie de « l’altruisme efficace » basée sur une simple approche économique, de même qu’il défend le principe de rationalisation utilitariste des soins et considère que les nouveau-nés handicapés peuvent être euthanasiés parce que leurs soins vont coûter trop cher à la société. De même, il conteste l’intérêt de conduire des programmes de recherche médicale en faveur des personnes handicapées, arguant qu’elles préféreraient vivre moins d’années et valides que longtemps avec leur handicap, sans pour autant avoir conduit une étude clinique sur cette question traitée uniquement par raisonnement intellectuel.

Ces thèses ont valu à Peter Singer de multiples confrontations houleuses avec des activistes des droits des personnes handicapées, aux USA comme Allemagne où il venait faire des conférences. En juin dernier encore, des manifestants en fauteuil roulant faisaient le siège de l’université de Princeton pour réclamer le départ d’un professeur qui défend le dogme de « l’utilitarisme des préférences ». Pour lui, tous les êtres vivants sont des animaux, tous entrent dans cette équation des préférences : si leur vie est faite de souffrance ou n’a pas une qualité de vie digne d’être vécue, il devient légitime de les tuer. Ne reste plus qu’à déterminer le seuil de cette souffrance et de cette qualité de vie…

C’est malheureusement sur la pensée de cet universitaire que PETA fonde son action (parfois spectaculaire) en faveur de la vie animale. Non pas pour préserver des êtres différents des humains, mais parce que les humains sont des animaux parmi d’autres. « La formulation est malheureuse, reconnaît Ernst Cyril. On s’excuse du mal fait aux personnes qui ont été blessées. Notre argument est valide, mais pas la parodie qui en est faite. » Ce n’est plus un argument, c’est un dogme : à quelle catégorie d’ONG appartient donc PETA ?

Laurent Lejard, septembre 2015.

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