Quels événements apocalyptiques ont bien pu se produire à Périgueux en 2011 pour que la ville plonge de 63 places dans le classement des 96 chefs-lieux de département de Métropole établi par l’Association des Paralysés de France sous l’angle de leur accessibilité ? Elle était pourtant remontée à la 7e place en 2010, après avoir été classée 82e lors du premier baromètre de l’accessibilité APF-L’Express portant sur l’année 2009. La municipalité périgourdine aurait-elle détruit l’accessibilité des équipements municipaux et des transports, notée 15 en 2010, puis 4,3 en 2011 ?

Autre ville yo-yo : Châteauroux, 7e en 2009, 75e (!) en 2010 et enfin 6e en 2011 : avec un « cadre de vie adapté » noté 12, puis 4, puis 14, des « équipements municipaux et transports » obtenant 16 en 2009, la moitié l’année suivante et un dépassement de la note initiale en 2011 (17). Quant à la « politique municipale volontariste », elle est passée de 15 en 2009 à 18 en 2010 et 2011. « Ainsi, explique l’APF nationale, les municipalités qui répondent le plus précisément sont souvent récompensées; telle que Châteauroux par exemple qui gagne 6,5 points, notamment grâce à son implication sur les transports cette année, contrairement à l’an passé où la mairie n’avait pas répondu à la question. » Et pour cause : la compétence Transports est déléguée à la Communauté d’Agglomération Castelroussine. « Ce sont les transports et les notes des usagers qui ont fait plonger la note de la ville en 2010, explique David Dechambre, délégué départemental et référent accessibilité de l’APF de l’Indre. Cette année, on a pu ramener les notes à la réalité, les années précédentes on ne pouvait pas pondérer. » Des usagers handicapés ont noté sévèrement les équipements publics, et David Dechambre déplorait que des lieux accessibles qu’il fréquente (il se déplace en fauteuil roulant électrique) soient jugés inaccessibles par d’autres : « En 2010, des personnes qui ne sortent pas de chez elles ont répondu parce qu’il fallait répondre. En 2011, on a rempli le questionnaire Transports avec la communauté d’agglomération. » Ce qui a entrainé la réévaluation de la note de Châteauroux, supérieure de 2,4 points à celle de 2009, établie alors que la Commission Communale d’Accessibilité venait de s’installer et qu’il n’y avait pas de budget, se souvient David Dechambre.

« Ce baromètre s’appuie sur une méthodologie originale qui associe les réponses des délégations départementales APF et de leurs adhérents aux réponses des mairies », explique l’association dans son document de présentation. « L’évaluation de l’accessibilité du cadre de vie de la ville revient aux délégations; l’évaluation des niveaux d’accessibilité des équipements municipaux et la mesure de la politique municipale d’accessibilité reviennent aux chefs-lieux départementaux (résultats ensuite contrôlés par l’APF). »

L’exemple du Mans, chef-lieu de la Sarthe, témoigne du caractère original de cette méthodologie : 47e en 2009, elle se hisse à la troisième place en 2010… et rejoint la 42e en 2011. « Le classement 2010 n’était pas affiné et sérieux », explique Patrice Brun, référent accessibilité de la Délégation Départementale APF de la Sarthe, qui déplore l’absence de collaboration de l’élue municipale chargée du handicap, Sophie Moisy : « Elle est fantomatique, on ne la voit jamais, on n’arrive pas à travailler ensemble. » Pour sa part, la municipalité mancelle affirme ne pas avoir reçu, en 2011, le questionnaire de l’APF alors que de son côté la Délégation APF de la Sarthe a réalisé l’enquête qui lui incombait. « On a réalisé le questionnaire par téléphone, sans vérification sur le terrain, on a fait en 2011 les mêmes constatations qu’en 2010 », reprend Patrice Brun qui ajoute pourtant que l’accessibilité a progressé ces dernières années grâce à la rénovation de la gare, la création d’un tramway entrainant une modernisation de la voirie, des quais bus à bonne hauteur. Comment expliquer alors cette importante rétrogradation ? Elle n’est pas due à la quasi-inaccessibilité de la partie médiévale du Mans, la Cité Plantagenet, qui est exclue du champ du baromètre. « Le siège national de l’APF nous a appelé un mois avant la publication du baromètre, pour affiner le classement au téléphone », avoue Patrice Brun. L’intégration des commerces classés en 5e catégorie a suffit pour plomber la note du Mans, et l’expédier dans le ventre mou du baromètre; or, la plupart des commerces de proximité posent des problèmes d’accessibilité, au Mans comme ailleurs.

L’APF écrit ceci dans le dossier de présentation de son baromètre 2011 : « Le moindre relâchement dans la conduite d’une politique municipale d’accessibilité a une conséquence directe à moins de 3 ans de l’échéance de 2015 : -4,2 points pour le Mans […] A contrario, les volontés d’avancer sur le dossier accessibilité par les municipalités s’avèrent payantes : +4,1 pour Marseille ». La cité phocéenne avait plongé à l’avant-dernière place en 2010 à cause d’une note « cadre de vie » ramenée à 5 contre 12 en 2009, et finalement revenue à son niveau initial en 2011. Pourtant, le constat dressé par le référent accessibilité marseillais de l’APF ne témoigne pas d’une évolution positive dans ce domaine : « Malheureusement, expose-t-il dans le dossier de présentation de l’APF, on constate toujours la construction de bâtiments neufs non accessibles : après la patinoire [en 2009], c’est maintenant le ferry-boat qui n’est pas accessible aux fauteuils roulants électriques. Au niveau des transports, la situation reste toujours bloquée : seules 2 lignes de bus sont adaptées mais la voirie ne l’est pas, donc au final ils sont inutilisables pour les personnes à mobilité réduite qui doivent réserver des transports adaptés pour se déplacer. Malgré tout, cette progression dans le baromètre est pleine d’espoir, j’espère que, cette année, les efforts de concertation avec la mairie, porteront leurs fruits ! »

Lorsque l’on met en graphique les notes des trois années de ce baromètre, on remarque que peu de villes obtiennent un classement stable sur la période : outre Nantes, toujours première, Grenoble, Rennes, Bobigny, Nancy, Chartres, Valence, Gap, Angers et Auxerre sont les seules villes à n’avoir varié que d’une dizaine de places. En revanche, 17 villes ont gravi ou dégringolé d’au moins 50 places en trois ans, et les 69 autres de 11 à 49 places. Toutefois, l’APF veut tirer de son enquête le constat positif d’une progression de la moyenne annuelle qui « est passée de 10,6/20 en 2009 à 11,6/20 en 2010 puis 12/20 pour 2011. » A défaut de refléter la réalité de l’accessibilité des 96 chefs-lieux des départements de Métropole, ce baromètre sert au moins à ça…

Laurent Lejard, février 2012.


Sollicitée par nos soins, la direction nationale a répondu qu’aucun représentant de l’APF n’était disponible « pour des raisons d’agenda. » Une réponse qui en rappelle une autre… Téléchargez les graphiques montrant les variations des villes concernées, d’Agen à Chaumont, de Clermont-Ferrand à Nancy et de Nanterre à Vesoul, ainsi que les données brutes.

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