Mardi 25 octobre, j’ai appris avec stupéfaction que la politique cavalière si chère à Madame Edwige Antier, députée UMP de Paris, prenait à nouveau forme par le dépôt d’un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2012. Cet amendement reprend textuellement la même forme que celui de l’article 57 de la proposition de loi du 13 juillet 2011 modifiant la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ce même amendement 57 a été censuré par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 4 août 2011 en tant que « cavalier législatif » totalement non avenu dans ce projet de réforme hospitalière.

La même députée avait déposé le 13 juillet 2010 une proposition de loi visant à généraliser le dépistage précoce des troubles de l’audition, cosignée par les députés UMP Jean-François Chossy et Jean-Pierre Dupont. Discuté et adopté à l’Assemblée Nationale le 30 novembre 2010, le texte a été transmis au Sénat le 1er décembre 2010, mais n’a pas été examiné, car la procédure législative habituelle n’a pas été respectée. Mais pour contourner l’encombrement du calendrier parlementaire, les députés rapporteurs de la proposition ont choisi d’aller plus vite en passant directement par d’obscurs amendements dans des réformes ne concernant en rien le sujet essentiel et vital du dépistage précoce.

Mais le temps nécessaire d’une réflexion construite, de mise en recul et en partage a bien eu lieu avec le dépôt de la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des troubles de l’audition déposée au Sénat par Mme Dominique Voynet, sénatrice des Verts, le 24 mars 2011, avec le soutien de la Fédération Nationale des Sourds de France (FNSF). Ce texte équilibré organise le dépistage après la fin de croissance du système auditif du nouveau-né, soit entre le 4e et le 9e mois suivant la naissance, alors que la proposition des députés Antier, Chossy et Dupont demande qu’il soit réalisé dans les trois jours, au risque de nombreuses erreurs et drames familiaux.

Pourtant, Mme Edwige Antier impose deux fois en six mois un « amendement dépistage précoce des troubles de l’audition » dans des textes de loi, HPST le 30 mars 2011 puis Financement de la Sécurité Sociale le 20 octobre 2011. Cette politique médicale qui consiste à caser de force, et de manière arbitraire, me semble tout simplement opportuniste. Ce que je trouve assez scandaleux, c’est que pour contourner l’avis du Conseil National Consultatif d’Ethique publié le 6 décembre 2007 qui disait clairement que les conditions actuelles du dépistage posaient problème, les députés ne parlent plus seulement de dépistage, mais de « repérage ». C’est un abus sémantique qui permet de contourner toute réflexion. C’est vraiment lamentable. Je me pose la question éthique et sociale, de savoir quel est l’objectif véritable, caché, de ces amendements cavaliers et sans aucune cohérence politique, ni volonté de dialogue citoyen.

A ce jour, très inquiet, j’alerte donc le monde politique pour qu’enfin cesse ce déni de communication, et cet acharnement à refuser une réflexion globale sur un sujet qui mérite bien mieux qu’une politique raccourcie.

Patrick Fourastié ancien Président de la Fédération Nationale
des Sourds de France (FNSF), novembre 2011.

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