Nous clôturons un cinquantenaire mémorable de mobilisation et de militantisme pour et avec les personnes handicapées mentales, d’aventures humaines, difficiles mais joyeuses dont l’origine est un drame. Drame non pas de la différence mais drame de l’indifférence, voire du rejet, qui confinait l’enfant handicapé mental et sa famille dans un impossible avenir.

Grâce à ces combats de 50 ans, la plupart des droits ont été conquis, il faut maintenant qu’ils deviennent effectifs. Lors de notre cinquantenaire, nous avons parlé de 700.000 personnes invisibles, invisibles parce que notre société est normative sous prétexte de performance. Les personnes handicapées mentales ont besoin de comprendre l’environnement dans lequel elles vivent. Elles ont besoin d’accéder aux informations mises à disposition des citoyens par la diffusion du standard Facile à Lire et à Comprendre. Ce n’est qu’à ces conditions qu’elles pourront être actrices de leur propre vie et respectées de notre société.

Les jeunes enfants qui sont allés dans les écoles construites par leurs parents, les Instituts Médico-Educatifs d’aujourd’hui, ont pu grandir, travailler, et aujourd’hui, vieillir. La page de l’histoire de l’Unapei que nous refermons doit ouvrir pour ces personnes handicapées mentales vieillissantes celles d’un autre livre : celui de l’histoire d’un vieillissement réussi. Comment bien vieillir lorsqu’on est arraché aux relations qui ont été les nôtres pendant tant d’années ? Leur situation est d’autant plus dramatique que, du fait de leur handicap, les personnes handicapées mentales vieillissent plus précocement que n’importe qui. En 2008, dans notre réseau (les 600 associations fédérées à l’Unapei accompagnent 180.000 personnes handicapées mentales), 15.000 personnes étaient sans solution adaptées. Demain en 2013, elles seront 30 000. Pouvons-nous accepter qu’à 50 ans elles intègrent une maison de retraite où l’âge moyen est de 85 ans, âge auquel le projet de vie est circonscrit à un projet de fin de vie ? Peut-on accepter de les mettre en difficulté simplement parce que les moyens manquent ? Toutes les personnes âgées seront-elles concernées par la réforme de la dépendance y compris lorsqu’elles sont handicapées ?

Nous parents, sommes engagés dans cette aventure humaine pour porter solidairement un avenir à nos enfants. Nos yeux ne peuvent se fermer que lorsque nous sommes sûrs que nos enfants vieilliront bien malgré notre absence. Nous demandons aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures nécessaires au développement de solutions adaptées aux personnes handicapées mentales vieillissantes.

Un autre sujet nous préoccupe, celui de l’avenir réservé aux enfants déficients intellectuels. La loi du 11 février 2005 n’est pas qu’un texte de loi, c’est un texte sacré que notre esprit ne cesse de psalmodier en attendant sa mise en œuvre effective. La loi prévoit que les programmes scolaires intègrent une sensibilisation au handicap. Cette disposition n’a pas de réelle incidence financière sauf à changer des manuels scolaires. Pourtant, six ans après, les programmes ne frissonnent pas en intégrant un sujet qui les honorerait. Parler du handicap dans une école, c’est engager les futurs citoyens sur les chemins du respect. C’est la garantie d’une pleine cohésion sociale.

Notre pays a cependant fait beaucoup depuis 2005 en matière de scolarisation des enfants handicapés. Ils sont 60.000 de plus à être scolarisés. Mais ces chiffres honorables masquent une réalité qui l’est moins : beaucoup d’entre eux sont scolarisés à temps très partiel et leur famille doit assurer leur garde et la coordination des rééducations le reste du temps, nombre d’entre eux bénéficient d’une décision d’attribution d’un Auxiliaire de Vie Scolaire mais font leur rentrée sans cet AVS ou avec un AVS non formé, ou encore accompagnés par des personnes bénéficiant d’un contrat d’insertion. Aujourd’hui les solutions choisies ne donnent satisfaction ni aux enfants, ni aux enseignants, ni aux AVS, ni aux familles.

La loi prévoit aussi une collaboration entre l’Education nationale et le secteur médico-social. Même si les décrets sont récents, les expériences de collaboration restent marginales. Il faut plus de passerelles et un passage définitif d’une logique de filière à une logique de parcours pour les élèves handicapés. Ces collaborations sont aussi synonymes de suppression des moyens enseignants pour les IME. Ces signaux négatifs découragent les acteurs potentiels. Concernant la formation des enseignants, également prévue par la loi, même si elle existe sur la base du volontariat dans le cadre de la formation continue, la formation initiale, telle qu’elle est conçue depuis cette année, nous inquiète. Nous n’y retrouvons pas les contenus nécessaires pour les jeunes enseignants à l’accueil d’un élève handicapé mental.

L’Unapei vient de clore son premier cinquantenaire et en ouvre un autre, toujours avec la même détermination pour que toutes les personnes handicapées mentales trouvent pleinement leur place dans notre société.

Christel Prado, Présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), janvier 2011.

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