Le 29 mars dernier, un rapport établi à la demande conjointe du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité et du Secrétariat d’État à la Santé, à l’Action sociale et aux Personnes handicapées était présenté au public lors d’une conférence au siège de l’Agefiph : son thème, « Sur l’analyse comparative et prospective du système français de prise en charge des personnes handicapées ». On y admettait que malgré les nombreuses initiatives, souvent généreuses, la situation des personnes handicapées indiquait la persistance d’un décalage important entre les discours et les réalités vécues. L’existence de différences notables entre la France et les pays voisins était aussi signalée. Les pays scandinaves et anglo- saxons auraient notamment des politiques fondées sur une logique d’inclusion sans discrimination entraînant une attitude générale de plus grande tolérance ; des exemples dont il y aurait peut- être des leçons à tirer.

Constatant la distance à parcourir pour que notre pays tende vers une réelle égalisation des chances, les auteurs du rapport, sous la direction du professeur Michel Fardeau, émettent diverses propositions : cadre de vie, transports, école, emploi, tout semble avoir été soumis au crible de leurs observations. Dans leurs conclusions, il apparaît nécessaire d’une part, de faire appliquer et simplifier les dispositions législatives et réglementaires existantes, d’autre part d’associer davantage les usagers aux comités et conseils chargés des décisions prises à leur sujet. Pour concrétiser cette « évolution », il est indispensable de connaître avec plus de précision la nature du champ du handicap. Dans cette perspective, les auteurs recommandent de créer un Institut National de Recherche sur le Handicap et les Incapacités conçu en réseau avec des pôles régionaux, en interaction avec les structures homologues européennes, et doté de moyens suffisants pour un développement rapide et pluridisciplinaire.

Certains diront : « Ce n’est qu’un rapport de plus… ça ne changera pas grand-chose au quotidien des personnes handicapées ». Sans doute. Toutefois, il faut garder à l’esprit que derrière toutes les dispositions prises par les décideurs politiques, il y a toujours quelques idées issues de rapports apparemment éloignés de la vie quotidienne des citoyens. Ce qui est remarquable dans ce document, tant pour son contenu que pour l’avenir qui lui sera réservé, c’est l’étonnante persévérance de son auteur. Spécialiste des maladies neuromusculaires, chercheur à l’INSERM, responsable d’un enseignement sur l’insertion sociale des personnes handicapées au CNAM, Michel Fardeau est sur tous les fronts du handicap, il ne désarme jamais. Il y a près de vingt ans, il avait été l’âme d’un imposant rapport (paru en 1984 à la Documentation française) « Réduire les handicaps ». Dans la synthèse des résultats qu’il présentait, figuraient déjà parmi les propositions : Mieux définir les handicaps, en faire l’épidémiologie…

Avant d’attendre le prochain document nous avouant que l’on ne sait pas encore ce que représente le champ du handicap, ni qui sont les personnes handicapées, nous aimerions voir cet éminent chercheur initier une réflexion sur les résistances locales (milieu médical, associations de personnes handicapées) et globales (monde politique, environnement social et économique) qui sont responsables de l’échec patent des suggestions émises il y a vingt ans. On s’interroge en effet sur la nature des nouvelles cartes qui permettent aujourd’hui d’envisager demain avec davantage de confiance. Surtout lorsque Michel Fardeau nous précise que son rapport ne sera pas publié par les Ministères auquel il l’a remis !

Pierre Brunelles, avril 2001.

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