J’appelle ainsi un handicap qui apparaît uniquement lorsque l’on se trouve en contact avec une personne valide… Évidement, cela peut aussi apparaître avec les autres handicaps, tel que moteur, visuel ou mental. Pourtant, lorsqu’une personne s’adresse à un sourd et que celui- ci ne réagit pas, elle se trouve dans la situation d’un aphasique tentant de se faire comprendre et donc en situation de handicap. De même lorsqu’un sourd s’adresse a une personne, celle- ci se trouve paralysée du fait qu’elle se demande « comment vais- je me faire comprendre? »

Avec des amis handicapés, nous avons un jour évalué nos déficiences respectives et proposé : « si on pouvait les échanger, laquelle choisirai-je ? » Eh bien, chose curieuse, aucun, je dis bien aucun n’a voulu être sourd ! L’aveugle disait, « en entendant, je peux participer à la vie autour de moi, et finalement les échanges relationnels, même sans ‘visage’ derrière les voix, me sont indispensables ». Le paraplégique trouvait sa situation « pas trop pénible » et même parfois « plus avantageuse que s’il était valide » (sic!). Pour ma part, j’ai choqué tout le monde en offrant mes deux yeux pour avoir une oreille valide… Personne ne comprenait. Pourtant, si un aveugle ne voit pas, un appel a la cantonade, et une main secourable apparaît souvent. De même pour le paraplégique au bord d’un escalier… Le sourd, lorsqu’il ne comprend pas, on lui dit: « tu peux pas faire attention quand on te parle? » ou alors cette phrase si douloureuse: « Oh, t’inquiète pas, ce n’est pas important ». Et que dire d’une hilarité générale dont on ne comprend pas l’origine, et où parfois on se sent visé simplement par les regards surpris qui se posent sur nous du fait de notre absence de réaction ; ce qui souvent nous fait croire que c’est « nous qui régalons » ?

Le pire des handicaps est certainement celui qui nous coupe de l’environnement tant social que relationnel. D’ailleurs, si l’on se réfère aux différentes études sur la torture (dont celles d’Amnesty International), on remarque que celle qui est la plus « efficace » pour briser une personne est l’isolement psychologique. Ne pourrions- nous faire en sorte que notre société, nos associations et nos groupes d’amis soient vigilants sur ce fait et s’efforcent d’éviter tout isolement d’une personne handicapée… ?

Jean-Marie Meuger, décembre 2000.

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