Située à Varsovie, la capitale polonaise, la « Fundacja Pociechom » (« Fondation pour les enfants ») n’a rien d’un centre équestre classique, comme le laisse supposer son aire de jeux ou encore son chapiteau rose. Créée en 1997 par Piotr Kołodziej, cette fondation propose un large spectre de thérapies pour les enfants en situation de handicap. Sur les seize chevaux de l’établissement, quatre sont en effet utilisés pour des séances d’hippothérapie hebdomadaires avec des enfants, principalement atteints d’autisme, de trisomie 21 ou du syndrome d’Asperger, comme l’explique Paweł Kołodziej, le fils du directeur du centre équestre. Lui-même hippothérapeute spécialisé, il expose avec passion les bénéfices de cette pratique. La plus-value, bien sûr, c’est le contact avec le cheval. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de monter dessus pour obtenir des bénéfices, puisque ce sont les qualités sociales de l’enfant ainsi que sa confiance en lui que vise principalement l’hippothérapie : « Si vous êtes un enfant et que vous adorez les animaux, vous aller vouloir leur faire un câlin mais s’ils fuient devant vous, vous aurez encore plus envie de les approcher, de faire des efforts et lorsque vous réussissez, vous serez directement récompensé ». Ce mécanisme fonctionne avec les chevaux, mais aussi avec les quatre alpagas pensionnaires de ce centre équestre. L’alpacothérapie est préférable pour certains enfants car ces alpagas sont plus petits et donc moins imposants. Cependant, la monte de ces animaux n’est pas possible, ce qui laisse donc le monopole aux chevaux.

Rééducation par l’équitation

Le chapiteau et l’aire de monte ©Pauline Boudier

A la Fundacja Pociechom, tous les chevaux sont essayés à l’hippothérapie, quelle que soit leur race et caractéristiques. Les chevaux de petite taille et robustes sont préférés, surtout ici, où l’on ne dispose que d’un montoir en escalier pour mettre les cavaliers à cheval. Kasia Preiskon, équithérapeute pendant près de 20 ans, explique qu’en Pologne les poneys locaux sont préférés pour ces pratiques car ils sont « robustes et généralement dociles ».  La stimulation musculaire par la monte est bénéfique pour les enfants qui souffrent d’un manque d’équilibre, ou bien d’un handicap moteur plus ou moins important. Bien sûr, Paweł précise que l’hippothérapie, comme l’alpacothérapie, sont des thérapies d’accompagnement qui fonctionnent avec d’autres, et sur le temps long. « Nous avons des enfants qui viennent ici depuis 10 ou 15 ans, en grandissant, leur comportement s’apaise. Aujourd’hui adultes, ils peuvent interagir calmement», raconte le jeune homme en souriant.

Non contente de ces deux activités, la Fundacja Pociechom propose également nombre d’autres thérapies (orthophonie, thérapie EEG-Biofeedback, méthode Good Start, thérapies sensorielles…) dont les séances se déroulent au sein du centre équestre, dans des bâtiments spécialement prévus à cet effet. Un lieu de détente est aussi aménagé pour les accompagnants, juste à côté des ruches mises en place lors d’un précédent projet. « Nous aimons l’idée d’être multitâches », admet Paweł en montrant les panneaux dédiés à la faune des bords de la Vistule, le fleuve qui traverse la capitale. Il évoque aussi un ancien projet social, « Klub Młodzieżowy Podkowa », le Club pour les jeunes, un programme qui visait à fournir un soutien scolaire pour les jeunes socialement défavorisés du quartier.

Gratuité et liste d’attente

Mais la vraie spécificité de ce centre équestre, c’est la gratuité de la prise en charge des différentes thérapies. La fondation bénéficie en effet de programmes du Fonds d’État pour la Réadaptation des Personnes Handicapées qui finance des séances de thérapie hebdomadaires pour accroître l’indépendance des enfants. Si ce financement n’est pas suffisant pour la survie de la Fundacja Pociechom, qui propose aussi des cours d’équitation classiques et fait également appel aux dons, c’est néanmoins une exception en Pologne comme le précise Kasia. En effet, l’entretien des chevaux, l’achat de matériel adapté – Kasia utilisait une selle espagnole avec un troussequin haut, qui offrait un bon maintien – implique des coûts plus élevés que d’autres thérapies. Au sein de sa structure, cette interprète de formation a été maintes fois confrontée à des familles qui abandonnent l’idée d’accéder à l’hippothérapie, par manque de moyens. « Une heure de monte coûte en moyenne 100 zlotys (22€), ce qui est cher si on considère que le revenu moyen par personne et par mois est d’environ 1.817 zlotys (402€)», explique-t-elle. Pour que cette thérapie soit efficace, il faut au minimum une séance par semaine, ce qui augmente rapidement le coût. La plupart du temps, les familles cherchent des sponsors privés ou bien des associations pour subventionner les séances, et les places sont chères.

Rani, une des ponettes utilisées pour l’hippothérapie ©Pauline Boudier

Même à la Fundacja Pociechom, certains enfants attendent pendant plusieurs années avant que leur dossier puisse être subventionné. D’ailleurs, d’après Kasia, l’hippothérapie est très demandée en Pologne mais peu pratiquée à cause de ces problématiques de prix, mais aussi de structures trop peu nombreuses selon elle. C’est pourtant une thérapie qui se démocratise de plus en plus, après un démarrage tardif dans les années 1970, dû au passé communiste du pays. C’est l’influence de docteurs étrangers, notamment anglais, français et allemands qui a permis le développement de ces pratiques pour les personnes en situation de handicap moteur d’abord, puis mental. En 1992, la Société polonaise d’Hippothérapie a été créée, entraînant une forte démocratisation de ces pratiques, malgré les coûts. Paweł est donc particulièrement fier de l’accessibilité de son centre équestre : « Je suis vraiment très heureux de voir que de plus en plus de personnes viennent ici. » Prochain objectif : doubler l’activité actuelle dans les cinq prochaines années. D’ailleurs, un cinquième alpaga a rejoint la ménagerie en ce début mars, une nouvelle arrivée qui fera assurément, de nombreux heureux !

Pauline Boudier, mars 2021

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