L’immense parc équestre de la Fédération Française d’Équitation (FFE) à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher) ne recevra pas, malgré la gamme étendue de ses installations et services, les épreuves d’équitation des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, les organisateurs préférant dilapider leur budget dans le prestige d’une installation éphémère au château de Versailles… Un tout autre public que les amateurs « bling bling » de sport équestre s’était pourtant donné rendez-vous dans ce parc fédéral, fin mars, pour évoquer le rôle du cheval auprès des personnes handicapées lors du congrès Cheval et Diversité.

« La Fédération a créé Cheval et Diversité à la suite des assises Cheval et Différences d’il y a deux ans, précise Carole Yvon Gailloux, qui en est chargée. Il y avait une demande des professionnels d’accompagnement et de développement des activités équestres. Que ce soit l’équitation adaptée, mais aussi toutes les activités de médiation avec les équidés, l’équithérapie, l’hippothérapie, le développement personnel. » La pratique loisir et sportive repose sur les centres équestres affiliés, dont 200 sont labellisés Equi Handi moteur ou mental, avec personnel formé, accompagnement individualisé et équipements adaptés. « La Fédération s’est emparée de la problématique de l’encadrement des publics en situation de handicap il y a près de 20 ans en créant un brevet fédéral pour les enseignants, ajoute Véronique Chérubin Venancio, l’une des expertes équi handi et dirigeante de Cheval Vie. L’accueil de ces publics est pratiqué depuis longtemps sans que les enseignants aient les connaissances nécessaires. Beaucoup d’entre nous, j’en fais partie, se sont formés sur le tas. Ce premier diplôme offre un socle de formation. Et depuis deux-trois ans, la Fédération met en avant des actions de recherche de qualité, à travers le réseau Cheval et Diversité. »

« Sur l’aspect thérapeutique du partenaire cheval, poursuit Carole Yvon Gailloux, si les médecins ont identifié les bienfaits, l’intérêt, il manque une factualisation des données et l’un des objectifs de Cheval et Diversité est d’en rapprocher les acteurs, engager des travaux de recherche pour démontrer ses bienfaits. » Mais avec quelles différences par rapport aux autres espèces employées en thérapie animalière ? « Le cheval est un animal porteur qui génère d’autres bienfaits, d’autres émotions, un être vivant qui a une relation particulière et différente par rapport au chien ou au chat, une symbolique différente, qui permettent d’aller sur des objectifs très spécifiques par rapport à d’autres médiations. »

Des activités adaptées en tous genres.

Randonnée équestre d’abord, et au long cours : Aurélie Brihmat est partie d’Aix-en-Provence le 30 mars pour un tour de France à cheval des centres de rééducation, afin de montrer qu’il y a une vie après une amputation de jambe ou un handicap moteur. Polytraumatisée et amputée d’une jambe à la suite d’un accident de scooter, elle a repris goût à la vie grâce au cheval et l’équitation, une réussite qu’elle veut partager. Son Handidream que l’on peut suivre en temps réel par GPS (dont la FFE qui a fait d’Aurélie une ambassadrice Cheval et Diversité est partenaire) ira également au contact des écoliers et des pompiers.

Management d’entreprise et développement personnel aussi, pour la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), avec l’interaction non verbale des cadres dans leur relation avec le cheval : ils doivent composer avec l’animal, comme ils le devraient avec leurs subordonnés au lieu de chercher à les dompter ! Equithérapie pour France Alzheimer, union d’une centaine d’associations qui conduit localement quelques actions impliquant des chevaux et voudrait élaborer un partenariat avec la Fédération Française d’Equitation pour développer des séjours de vacances. « A Clermont-Ferrand, expliquait sa représentante, nous proposons une interaction entre chevaux et malades, pour un apaisement, une mémoire de la relation à l’animal. »

Réhabilitation de militaires blessés psychiquement, victimes du syndrome post-traumatique qui touche avec des mois et des années de latence des soldats engagés dans les guerres que la France mène à l’étranger. Rien que pour l’Armée de Terre, 12.000 militaires ont été blessés depuis 1993, mais ce n’est que depuis 2008, à la suite de la terrible embuscade d’Uzbin en Afghanistan, que ces victimes sont correctement prises en charge : les blessés psychiques sont deux fois plus nombreux que les blessés physiques. Pour eux, l’adjudant-chef Benoît Cheransac organise depuis quatre ans des stages d’équitation adaptée, participant à l’acceptation du handicap, retrouver des sensations, sortir du fauteuil roulant.

Le cheval est aussi un soignant.

Il est en effet étonnant de constater que le cheval constitue un instrument de rééducation fonctionnelle, l’équitation étant un sport à risque, de chutes ou escarres notamment. Eric Pantera, médecin-chef au Centre de Médecine Physique et de Réadaptation de Pionsat (Puy-de-Dôme) l’emploie pour des personnes cérébro-lésées, blessées médullaires, amputées de jambe. Il cherche à stimuler des muscles peu actifs en créant des déséquilibres qui aboutissent à des adaptations posturales. Des soins effectués en dehors de toute nomenclature et financement, sur lesquels existe peu de littérature médicale, mais qui sont recommandés en Suisse et Grande-Bretagne. Le centre de Pionsat va d’ailleurs bâtir un manège pour employer l’hippothérapie (ou hypothérapie) comme n’importe quelle activité de rééducation. Elle s’accompagne du contact avec le cheval, un travail à pied à ses côtés, que le praticien estime à la fois conscient et inconscient, avec des résultats notables sur la fonction motrice et la spasticité des personnes infirmes motrices cérébrales, plus intéressant selon lui que la kinésithérapie statique.

L’hippothérapie est également pratiquée depuis 20 ans par le docteur Pierre-Marie Bougard au CMPR Bel Air, à La Membrolle-sur-Choisille (Indre-et-Loire), en collaboration avec une équipe de soignants. Les soins reposent sur des objectifs de travail sur les abducteurs, la mobilisation passive du rachis lors de la marche, un travail symétrique sur les muscles des jambes et des pieds. Il fait également marcher des personnes hémiplégiques derrière le cheval tenu aux longues rênes, et a constaté une amélioration de la symétrie de la marche. « Pour être efficace, précise-t-il, le travail doit faire réagir le cheval, sinon c’est simplement mettre un patient sur un cheval. »

Laurent Lejard, avril 2019.

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