Dans le nord de la France, en 2004, un enfant âgé de six ans est victime d’un grave accident de la circulation en qualité de piéton. En 2006, ses parents confient la défense de ses intérêts à un avocat spécialisé en droit du dommage corporel, qui les représentera jusqu’au terme de son procès en 2018. L’enfant, victime d’un traumatisme crânien grave, fut hospitalisé à temps complet et en hôpital de jour, et retournait à son domicile en 2005.

L’avocat, après avoir rassemblé toutes les pièces médicales, sociales et administratives, choisissait un médecin conseil de victimes, pour assister l’enfant avec lui durant toutes les opérations d’expertise. L’avocat mit en place immédiatement une expertise médicale judiciaire, à l’effet de faire évaluer le préjudice corporel de l’enfant. En 2006, le juge des référés désignait un expert judiciaire d’une grande compétence pour l’évaluation du jeune traumatisé crânien, qui remplira sa mission jusqu’en 2016, date du dépôt de son rapport de consolidation. Ainsi, les opérations d’expertises furent longues. S’agissant d’un enfant, le juge des référés et le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Paris furent saisis par l’avocat plusieurs fois, à l’effet d’obtenir la mise en place de l’expertise médicale et des provisions pour permettre à l’enfant de ne manquer de rien, de permettre à sa famille d’assurer en toute sécurité et dignité son éducation, tout en préservant les intérêts légitimes de la fratrie. Ainsi, plusieurs procédures de référé suivies d’audiences et d’ordonnances eurent lieu en 2006, 2007, 2008, 2012, sans compter les incidents de procédures devant le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Paris en 2013 et 2014.

De nombreuses expertises médicales

Plusieurs opérations d’expertises médicales eurent lieu en 2008, 2012 et 2015. A chaque fois, l’enfant était assisté par son avocat spécialisé et son médecin conseil de victimes et avait pour adversaire, la compagnie d’assurances, l’avocat et le médecin conseil de la partie adverse. De très nombreuses pièces médicales étaient produites, les parents de l’enfant ont essayé, par tous les moyens, même à l’étranger, de trouver toutes les solutions de rééducation et de réinsertion possibles pour leur enfant. L’amour et le travail de la fratrie pour aider l’enfant ont été exceptionnels. Par ailleurs, l’avocat avait préféré, pour des questions de procédure et une meilleure efficacité, de saisir dès juillet 2012 le Tribunal de Grande Instance de Paris, afin de solliciter la liquidation du dommage corporel.

En octobre 2015, lors de la mise en place de l’expertise de consolidation, l’avocat spécialisé avait pu obtenir pour l’enfant des provisions pour un montant total de 600.000€. L’expertise médicale judiciaire ayant duré 10 ans, l’enfant n’a pas été pénalisé financièrement pendant cette période. L’expertise judiciaire de consolidation n’a pu avoir lieu qu’en octobre 2015, ce qui est parfaitement normal, bien que le délai puisse paraitre très long. En effet, il convient de préciser que la consolidation d’un enfant est toujours particulièrement longue, les médecins experts ne consolident que très rarement un enfant avant l’âge de 18 ans. Cette consolidation tardive leur permet de mieux comprendre et d’évaluer les besoins et l’avenir de l’enfant devenu adulte, surtout en ce qui concerne son préjudice professionnel et ses besoins en tierce personne. Pour les victimes traumatisées crâniennes graves qui sont majeures, la consolidation est beaucoup plus rapide, en général de 3 ans à compter de l’accident.

La contestation de la compagnie d’assurance

Lors de cette dernière expertise, les avocats et les médecins conseils de parties étaient en total désaccord. La compagnie d’assurances contestait la consolidation de l’enfant, estimant qu’il faudrait attendre plus longtemps pour le consolider, essayer d’autres insertions, et surtout, la partie adverse sollicitait la présentation d’un projet de vie, alors que tout avait déjà été essayé. Cette notion de projet de vie permet aux régleurs de retarder le paiement des indemnités, et elle est hélas utilisée contre les victimes ce qui est scandaleux.

On peut comprendre la réelle motivation de la compagnie d’assurances, tant qu’il n’y a pas de consolidation, il n’y a pas de rapport d’expertise définitif et donc la saisine du Tribunal pour obtenir la liquidation du dommage corporel n’est pas possible, ce qui retarde bien sûr le paiement définitif du dossier. Le projet de vie est souvent invoqué par les compagnies d’assurances et régleurs, alors que juridiquement la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, ni de présenter un projet de vie, ni d’accepter une consolidation situationnelle et non médicale.

L’argumentation de la compagnie d’assurances était fantaisiste et des plus infondée. De même, les besoins en tierce personne étaient fortement contestés et sous évalués. La compagnie d’assurances, assistée par son médecin conseil, estimait que la victime pouvait en partie rester seule et que ses besoins en tierce personne ne pouvaient donc être évalués à 24h sur 24h. Bref, c’est toujours au moment du règlement des litiges à la consolidation, notamment, que l’on voit les réelles intentions des régleurs, cherchez l’erreur…

Le rôle de Maître Meimon Nisenbaum

L’avocat spécialisé contestait donc énergiquement la position de la compagnie d’assurances, qui avait adressé un dire de contestation à l’Expert judiciaire sur les conclusions de son pré-rapport. L’avocat spécialisé établissait quant à lui deux très longs dires en réplique pour défendre son client, une telle situation n’étant acceptable ni juridiquement, ni humainement.

Finalement, en juin 2016, l’Expert judiciaire déposait son rapport. Il consolidait la victime, retenait un taux de DFP (déficit fonctionnel permanent) de 70%, des besoins en tierce personne de 24h sur 24h, dont 16h actives de jour et 8 h actives de nuit. L’enfant devenu majeur, l’avocat spécialisé mettait en place la mesure de protection et un jugement de tutelle fut rendu. En avril 2016, l’avocat spécialisé prenait des conclusions en ouverture de rapport devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et sollicitait la liquidation des dommages corporels de la victime et de sa famille. La compagnie d’assurance prenait des conclusions en défense et contestait bien sûr le rapport d’expertise judiciaire, estimant notamment que ce dernier était nul, que l’expert judicaire n’avait pas respecté le principe du contradictoire, que la consolidation ne pouvait être retenue, et contestait bien sûr l’évaluation de la tierce personne.

Pourquoi les besoins en tierce personne étaient-ils contestés ?

Bien évidemment, les besoins en tierce personne étaient au coeur de la contestation. D’une part, la compagnie d’assurances estimait que pendant son jeune âge les besoins de la victime étaient moindres et qu’ils étaient moindres également lors des prises en charge par des services tiers, et elle contestait les taux horaires sollicités par la victime. D’autre part, la compagnie d’assurances contestait l’évaluation des besoins en tierce personne active après consolidation, proposant de la voir fixer à 6 heures par jour alors que la victime confirmait l’évaluation de l’expert à hauteur de 16 heures par jour, soit une différence de 10 heures d’aide active en moins, ce qui était considérable. Le coût de la tierce personne, par le choix du taux horaire et du barème de capitalisation, était également contesté.

L’avocat spécialisé a dû conclure longuement, prenant 4 jeux de conclusions pour contester les prétentions de la compagnie d’assurances et communiquant 145 pièces pour obtenir satisfaction après 14 années de procédure. L’affaire fut longuement plaidée en novembre 2017, et un jugement fut rendu par la 19ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Paris le 16 janvier 1918 qui donnait gain de cause à l’enfant. Ce jugement n’a pas été contesté par la compagnie d’assurances, il est définitif. Le Tribunal allouait à la victime une indemnisation totale de plus de 11 millions d’euros, soit une somme en capital de 3.000.000€ ainsi qu’une rente annuelle viagère et indexée de 191.000€ au titre de la tierce personne et une deuxième rente annuelle au titre du préjudice professionnel, totalisant la somme capitalisée de 8.500.000€.

L’avocat spécialisé remercie la victime et ses parents. Durant ces 13 années de procès tout a été obtenu, l’avocat a eu la chance d’avoir une famille exemplaire qui lui a toujours fait confiance, sans remettre en question ses décisions. La confiance a toujours été là, ce qui a permis l’aboutissement heureux de cette procédure, qui permet à la jeune victime, âgée maintenant de 20 ans, de vivre en toute sécurité, toute sa vie, avec les siens.

Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, octobre 2018.

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