Luis Antonio Cruz, danseur et chorégraphe en fauteuil roulant, est plus connu sous le nom de Cabral. « Je suis coordinateur de l’association de Salvador de Bahia de personnes en fauteuil roulant, et de la Companhia Rodas No Salão dans laquelle je danse également. La compagnie a la particularité de faire travailler ensemble valides et personnes en fauteuil roulant. Une des raisons principales de notre action est d’amener des personnes différentes à travailler en harmonie. » Un travail qui l’a conduit, avec sa compagnie, au Festival Orphée (Versailles) en novembre 2011, pour un spectacle mêlant création contemporaine, samba, capoeira, bossanova : un enchantement musical, et une invitation à danser que la configuration de la salle ne permettait hélas pas.

La Companhia Rodas No Salão a été créée en 2005, d’abord pour la danse de salon avant d’évoluer vers des formes plus artistiques mixant création et folklore. Mais antérieurement, Cabral et son épouse Anete travaillaient déjà en duo, en danse sportive mixte debout et fauteuil roulant. Ils ont participé à un stage lors d’un symposium international de danse, qui leur a donné les bases techniques pour importer la discipline au Brésil. A leur retour, ils ont créé, avec des personnes intéressées, la Fédération brésilienne de danse en fauteuil roulant, dont chaque membre fondateur a ensuite développé l’activité dans son État de résidence.

Cabral et Anete se sont produits en duo à Bahia, ont participé à des championnats nationaux, puis internationaux. Anete apprécie : « J’avais déjà dansé, avant Cabral, avec une personne en fauteuil roulant. En fait, il n’y a pas pour moi de différence entre danser avec une personne debout et une personne en fauteuil : il faut avoir la même attention. Chaque danseur a sa particularité, et j’ai dansé avec une personne en fauteuil qui était plus fluide qu’une personne qui ne l’était pas, c’était plus facile. » Cabral et Anete aiment participer au carnaval de Salvador de Bahia, sans « Sambadrome » comme à Rio, et bien plus spontané, avec des groupes qui marchent et dansent dans les rues, des jeux improvisés au milieu de tous. « Le Brésilien a cette particularité de danser naturellement, reprend Cabral. Notre intention est de créer, de trouver la fluidité dans le mouvement du danseur en fauteuil roulant avec le danseur qui ne l’est pas. »

« Notre désir, complète-t-il, c’est de montrer que le fauteuil roulant est comme un prolongement des jambes, qu’il fait partie du corps, qu’il est tonique, qu’il n’est pas simplement un outil. Il y a de plus en plus de carnavals auxquels participent des personnes handicapées. Actuellement, à Salvador de Bahia, un groupe est composé uniquement de personnes handicapées et de leurs accompagnants. Des écoles de samba ouvrent des cours spécialisés pour les personnes en fauteuil roulant. A Rio et Sao Paolo, des écoles de samba défilent derrière un porte-drapeau handicapé : c’est un symbole fort. Il est très fréquent de voir des personnes handicapées qui suivent les groupes en dansant ! »

Reste que l’un des problèmes auxquels sont confrontés les Brésiliens handicapés est l’inaccessibilité. Cela rend difficile l’accès à l’école, au travail, à la vie sociale, cela créé un cercle vicieux. « Si vous n’avez pas une bonne mobilité dans la cité, poursuit Cabral, vous dépendez des transports adaptés et il est difficile de se former, de travailler, de devenir un bon professionnel. Alors qu’il y a de l’emploi au Brésil. Mais il manque une prise de conscience politique pour améliorer les accès aux personnes handicapées afin qu’elles s’intègrent mieux à la société. Alors que les préjugés à leur encontre sont presque inexistants, la diversité est tellement grande au Brésil que l’acceptation des différences est importante. » Les enquêtes officielles estiment à 14% la part des personnes handicapées dans la population. Les médias ne rechignent pas à traiter l’actualité sportive et culturelle des événements impliquant des personnes handicapées, ce qui influe sur le regard des autres. Et donne envie de danser ensemble !

Laurent Lejard, janvier 2012.

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