Créés dans les années 1930, les séjours de vacances adaptées ont nettement évolué depuis. Aux camps scouts à visée sanitaire ont succédé des colonies de vacances éducatives dans les années 40. Et en 1945, l’Association des paralysés et rhumatisants (APR) crée une colonie de vacances pour 60 adhérents, ancêtre de l’actuelle APF évasion. Les standards de vie et de confort évoluant, une crise qualitative dans les années 1990 a généré une structuration des acteurs du secteur par la création du Conseil National des Loisirs et du Tourisme Adaptés (CNLTA), avec charte d’organisation, référentiel de formation, grille d’évaluation des niveaux d’autonomie des participants. Hier comme aujourd’hui, le tourisme adapté s’organise essentiellement au sein d’associations spécialisées et de centres de vacances dédiés, intégré au secteur du tourisme social et solidaire qui réalise 1,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel selon l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT). Fondatrice de la société spécialisée en accessibilité culturelle Polymorphe Design, Maud Dupuis-Caillot a suivi ce colloque « Le tourisme adapté de demain : Évolutions et perspectives » qui s’est déroulé fin octobre 2019 à l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour le handicap et les besoins éducatifs particuliers (INSHEA).

Le mot adapté est important, car il cible un tourisme particulier. D’une part il ne s’agit pas de tourisme individuel mais de groupes, et d’autre part on parle principalement de handicap mental et psychique, peu de handicap moteur ou sensoriel. Pour ma part, j’ai découvert un tourisme que je ne connaissais pas : les Vacances adaptées organisées (VAO), leur public particulier et leur règlementation. Je ne savais même pas que ces types de vacances étaient autant encadrées ! Et puis, j’ai pris conscience des conséquences de tout légiférer : je n’ai jamais été pour tout légiférer mais sans réellement savoir pourquoi, maintenant je sais !

On parle de personnes en situation de handicap mental ou psychique qui vivent en milieu protégé. Jusque là, ces publics étaient principalement en milieux fermés, et n’avaient pas accès à une vie ordinaire, en particulier se marier et avoir des enfants. La loi du 11 février 2005 a facilité l’inclusion des enfants, même quelques heures seulement par semaine, dans le milieu ordinaire. 14 ans après son adoption, ces enfants sont devenus adultes, et cette nouvelle génération a les yeux ouvert sur ce qui se passe en dehors des murs de l’environnement protégé. Il s’ensuit des demandes contradictoires (ils l’expriment eux-mêmes) : envie d’autonomie mais besoin de VAO pour avoir l’encadrement nécessaire. A quelle distance doit alors se tenir l’éducateur spécialisé ?

Ces publics ont des nouveaux usages, de nouvelles envies, ils ne correspondent plus aux publics très protégés et encadrés d’il y a seulement une vingtaine d’années. Ils tendent à l’autonomie, avec l’accès au logement, l’autonomie financière, mais aussi pour fonder une famille. Et alors, on voit que le cadre donné aux VAO d’un point de vue « décrets » ne correspond plus aux usages. La loi pour l’accessibilité deviendrait-elle elle-même le frein à l’accessibilité ? La règlementation de ces VAO est très récente (2005 puis 2015). Par exemple, elle serait contraignante en termes de mixité (enfant/adulte, homme/femme). Alors comment accueillir ces publics, que cette même loi ont rendu autonome et qui ont désormais fondé une famille avec femme et enfants, dans des VAO dont la règlementation sépare les dortoirs des hommes et des femmes, et qui ne mélange pas les publics enfants et adultes ?

Un autre point que j’ai retenu de ce colloque, c’est la limite de responsabilité. Un acteur du champ médico-social s’étonnait qu’un garçon de café sur la Côte d’Azur n’ait pas eu la patience d’attendre que l’un des vacanciers se décide pour choisir sa boisson. Ou encore ne sache pas gérer la crise d’angoisse d’un autre vacancier. Il s’étonnait, et reprochait le manque de formation de ce garçon de café. Mais on parle ici de public qui, dans la vie ordinaire, a besoin d’un accompagnement. Comment reprocher au garçon de café de ne pas être éducateur spécialisé ? De ne pas refuser le rythme imposé par la clientèle ordinaire ? Même s’il était formé, jusqu’où va son rôle, sa compétence et sa responsabilité alors qu’il s’agit d’un contexte de milieu ordinaire ? Je n’ai pas eu de réponse à cette question mais je suis toujours agacée que l’on rejette la faute sur l’incompétence supposée de l’acteur du tourisme qui devrait savoir gérer tous les handicaps, voire se substituer à l’éduc spé, ou encore anticiper l’encombrement d’un fauteuil roulant « hors normes » dont le gabarit ne rentre pas dans un ascenseur aux normes.

Enfin, et comme trop souvent à mon goût, il a été noté que les structures touristiques sont inaccessibles, sans faire mention de tout ce qui a déjà été fait, dénigrant l’énergie, les moyens financiers et humains qui sont déployés depuis 15 ans et qui font que, oui, les choses bougent et avancent. A ce titre, j’ai trouvé dommage qu’il n’y ait pas des acteurs de l’accessibilité pour confronter cette vision. Et, on vient de le voir plus haut, parfois le mieux est le mortel ennemi du bien : à vouloir trop protéger règlementairement les publics dans le cadre des VAO, on est incapable d’absorber les changements de la société.

J’ai apprécié ce colloque : j’ai découvert une nouvelle face de l’accessibilité touristique et rencontré des acteurs que je ne connaissais pas. Ce colloque a posé des questions ouvertes, et tenté d’y répondre sans tabou, au risque de remettre en cause des choix et des actions menées récemment. Il aurait mérité d’être ouvert à un auditoire plus large pour apporter d’autres points de vue, tel le tourisme et l’accessibilité.

Maud Dupuis-Caillot, Polymorphe Design, janvier 2020.

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