La participation des élèves handicapés aux examens officiels dans les différents ordres d’enseignements constitue encore, au Cameroun, un chemin parsemé d’embûches. Car le stress que connaissent généralement les élèves à l’approche des compositions se pose doublement pour les candidats handicapés dont le nombre va grandissant. En 2010, ce nombre était de 1.213; 1.106 en 2011, 1.322 en 2012. Selon le responsable en charge des questions d’éducation des personnes handicapées au Ministère des Affaires Sociales (MINAS), cette fluctuation serait due en grande partie à une collecte de données peu fiable des services déconcentrés de ce département ministériel. Lesquels évoquent le manque de moyens matériels et financiers pouvant leur permettre de mener à bien cette collecte sur le terrain.

Ainsi le chef d’un Centre Social d’une banlieue de Yaoundé déclare : « L’année dernière [2011-2012] je n’ai pas pu collecter les données dans près de quatre établissements scolaires, ceux-ci sont éloignés de mon lieu de service, je n’avais pas d’argent pour le faire et je n’en ai d’ailleurs jamais reçu. Je fais ce que je peux. Aussi, il faut relever que tous les établissements n’ont pas forcément d’élève handicapé. » Il serait donc logique de reconnaître que les chiffres avancés ne seraient pas réellement le nombre exact de candidats handicapés, ce qui pourrait déjà augurer des difficultés rencontrées par cette catégorie, en l’occurrence les « non identifiés ». En effet, les élèves handicapés, lorsque le moment des inscriptions aux examens officiels arrive, expriment des inquiétudes quant au lieu de dépôt de leur dossier, et ils se demandent souvent si leurs noms vont apparaître dans les listes des candidats.

Ainsi, pour toute la ville de Yaoundé, un seul centre d’examen a été réservé aux candidats handicapés, toutes déficiences sensorielles confondues, et pour tous les examens (BEPC, Probatoire et Baccalauréat), en l’occurrence le lycée de Nkol-Eton. Il est même parfois exigé aux candidats handicapés d’y déposer leur dossier de candidature.

« J’ai été repoussé une fois quand présentais le Probatoire, alors que j’étais au lycée de la Cité Verte, on m’a demandé d’amener mon dossier à Nkol-Eton, que c’est là- bas que les élèves handicapés déposent leurs dossiers d’examen », déclare Albert Camus, candidat au Baccalauréat série littéraire, qui ajoute : « On ne sait pas si ces dossiers sont pris en considération puisque cette année-là, mon nom n’était pas apparu sur les listes des candidats ! Il a fallu faire une requête. Pour éviter ces travers, nous sommes souvent obligés d’envoyer nos dossiers de candidature, soit avec nos camarades, soit avec nos parents, pour cacher notre handicap. On se comporte avec nous comme si nous n’étions pas des candidats à part entière. »

Au moment des compostions, les différents types de handicaps sensoriels sont rassemblés dans une même salle d’examen. Ceci ne semble pas arranger certains candidats, notamment les malentendants, tel qu’il ressort des propos d’Albert Camus: « Les aveugles font trop de bruit avec leurs machines à taper, et ça déconcentre certains d’entre nous qui sont malentendants. Ce serait mieux que l’on nous mette dans des salles par type de handicap. »

Les candidats handicapés visuels sont parfois autorisés à composer avec des machines à taper ordinaire qui font des bruits susceptibles de distraire. C’est ce qui fait que parfois, même dans ces salles communes, on les isole des autres. Comme le remarque Béatrice Tchouanga, élève déficiente visuelle en classe de seconde A au Lycée bilingue de Mendong, un quartier de Yaoundé, ex-candidate au BEPC : « Les gens se plaignent que nos machines font du bruit, on est obligé de nous isoler et pourtant ce n’est pas de notre faute, ce sont les correcteurs qui ne connaissent pas le braille! »

L’autre difficulté réside en effet dans la remise tardive des épreuves, surtout aux candidats malvoyants, à cause de la transcription de celles-ci en braille : « Nous commençons toujours la composition tard, puisque nous attendons que notre épreuve soit transcrite en braille, s’agace Béatrice Tchouanga. Quand les autres finissent, il nous reste entre 30 et 45 minutes. » Ce retard s’explique par le fait qu’aucun établissement public ou centre d’examen ne dispose de matériels adéquats pour la transcription d’épreuves en braille. On est obligé de recourir à l’expertise de personnels de certains établissements privés qui encadrent les élèves handicapés visuels. A Yaoundé, par exemple, le Cercles des Jeunes Réhabilités du Cameroun (CJARC) et Promhandicam-Association. Ainsi, c’est l’épreuve dépouillée ce jour-là qui est transcrite.

S’agissant des candidats malentendants, en cas de déficience sévère, l’épreuve est adaptée à l’instar de la dictée, remplacée par un texte contenant des fautes de grammaire, d’orthographe, de conjugaison, que le candidat est appelé à corriger. Si la déficience est légère, le candidat est placé au premier rang. Pour ce qui concerne les Infirmes Moteurs Cérébraux, notamment ceux ayant des difficultés de préemption ou de lenteur dans la réflexion, on ajoute selon les cas, du temps de composition, mais sans dépasser le tiers du temps prévu pour l’épreuve.

Toutes ces mesures sont contenues dans les dispositions de la Lettre Circulaire N°283, du 14 août 2007, signée conjointement par le Ministre des Enseignements Secondaires et le MINAS en vue de l’identification des élèves handicapés et ceux nés de parents handicapés indigents inscrits dans les établissements publics d’enseignement secondaire et à leur participation aux examens officiels.

Comme le reconnaît Béatrice Tchouanga, « avec ces mesures, nous composons souvent dans des conditions acceptables, même si nous ne sommes pas totalement sûrs du sort qui sera réservé à nos copies compte tenu de nombreux échecs qu’il y a parmi nous. » Albert Camus, qui a encore raté le Baccalauréat cette année, s’inquiète également : « Je ne sais pas si on corrige souvent nos copies ! » Au MINAS, aucun résultat d’examen n’est disponible mais l’espoir demeure pour les élèves handicapés, au regard des actions en envisagées pour la mise en place d’un système d’éducation inclusive au Cameroun.

Étienne Mbogo, APHMC, décembre 2012.

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