La précipitation n’est jamais une bonne politique, et le communiqué diffusé par les ministres en charge de la fonction publique la veille de la manifestation nationale des personnes handicapées en a témoigné : le 28 mars dernier, Eric Woerth (ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique) et André Santini (secrétaire d’État chargé de la fonction publique) ont remis à la presse un « Premier bilan du plan pluriannuel de recrutement de travailleurs handicapés dans la Fonction Publique ». Lequel ne concerne que l’administration de l’Etat, ministères et services déconcentrés employant au total près de 2 millions d’agents (1.951.850 au 31 décembre 2005 selon l’Insee), pas les fonctions publiques territoriale et hospitalière qui comptent 3 millions de salariés. Ce bilan présente les flux de recrutements de travailleurs handicapés prévus par les ministères d’ici à fin 2012, mais il a été communiqué avant que soit annoncé le premier plan de rigueur qui limite à un poste sur deux le remplacement des agents partant en retraite. André Santini affirme néanmoins qu’il n’aura pas d’impact sur les plans d’emploi des travailleurs handicapés.

Dans le bilan publié, 3.305 recrutements sont envisagés par la voie contractuelle pour les cinq années 2008 à 2012. Deux ministères, Justice et Éducation nationale, pourtant tous deux dotés d’un délégué aux personnes handicapées, n’ont fourni aucune donnée… En 2008, 38 adjoints administratifs doivent être spécifiquement recrutés par la voie contractuelle dans l’administration pénitentiaire (Journal Officiel du 22 mars 2008), ainsi que 320 enseignants. Pour ces derniers, on ne trouve pas de publication au Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale, le recrutement étant délégué aux Inspections Académiques qui doivent visiblement se charger de la diffusion de l’information au risque que de nombreux candidats potentiels passent à la trappe : la date butoir est imminente, pour une intégration à la rentrée de septembre. La précédente campagne de recrutement n’avait d’ailleurs été remplie qu’aux deux-tiers de l’objectif : 161 candidats retenus sur 200 emplois à pourvoir par voie contractuelle. « 40% ont été placés en situation d’exercice car ils justifiaient déjà d’une expérience professionnelle d’au moins une année scolaire dans la discipline de leur recrutement », précise Thérèse Filippi, adjointe du directeur des ressources humaines du ministère de l’Éducation Nationale. Les autres ont intégré un Institut Universitaire de Formation des Maîtres. Notons que 11 autres postes de professeurs sont recrutés spécifiquement par le ministère de l’agriculture selon une procédure centralisée, pour l’enseignement agricole. Enfin, un tiers des ministères n’a fourni aucune prévision de recrutement au-delà de 2008, ni même le bilan de ses embauches spécifiques en 2007 (détails sur ce tableau Excel téléchargeable).

Pour 2008, ce sont 1.278 emplois qui sont proposés, ce qui représente 0,65% des 195.880 demandeurs d’emploi travailleurs handicapés (chiffre du 31 décembre 2007). Sur la période 2008 à 2012, le total des recrutements programmés à ce jour s’établit à 3.663, soit 1,87% des demandeurs d’emploi travailleurs handicapés. Parmi eux, 19% seulement ont un niveau Baccalauréat et plus, ce qui ramène à 3,43 sur 100 leurs chances d’obtenir l’un des postes à pourvoir en 2008 : 37.200 demandeurs d’emploi travailleurs handicapés pour 1.278 emplois.

Il ne faudra guère compter sur les recrutements contractuels de la fonction publique de l’Etat pour résorber significativement le chômage des travailleurs handicapés, et cela, même si elle dispose des moyens financiers de sa politique : le Fonds d’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (F.I.P.H.F.P) espère engager 120 millions d’euros dans des actions d’insertion en 2008. Si son directeur général, Jean-François de Caffarelli, n’est pas en mesure de préciser le budget affecté à la fonction publique de l’Etat, il reste ferme sur les missions du Fonds alors que les ministres de tutelle n’ont pas abandonné l’idée de lui faire financer la mise en accessibilité des locaux. Lorsqu’on lui pose la question, André Santini renvoie la balle chez sa collègue Valérie Létard. Il y a de l’argent pour l’emploi, et cela fait briller bien des yeux en ces temps de rigueur annoncée…

Laurent Lejard, avril 2008.

Partagez !