Depuis le 21 décembre 2001, la loi accorde « une priorité dans l’attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ». Yann Vandevivère, qui vit dans le Val d’Oise, a bénéficié de cette disposition. Il a effectué une demande il y a un peu plus d’un an, et a failli obtenir rapidement le logement social qu’il souhaitait, un deux pièces neuf lui a été proposé : « L’immeuble était parfait, mais je ne pouvais pas entrer en fauteuil roulant dans les toilettes, impossible de me déplacer dans la minuscule cuisine sans risquer de tout renverser, cet appartement n’était pas prévu pour une personne paralysée ». Les organismes H.L.M lui prédisent désormais trois ans d’attente…

L’inadaptation des appartements proposés a également desservi Pascal Léger, qui réside dans l’Essonne mais voudrait s’installer à Paris. Il a présenté une première demande de logement social en 2002, il en est à son 3e renouvellement : « La Préfecture m’a proposé trois logements, à chaque fois avec des problèmes d’accessibilité. Le premier avait des marches avant l’ascenseur, alors que mon spina bifida m’oblige à utiliser un fauteuil roulant. Dans les autres, je ne pouvais pas entrer dans certaines pièces ».

Parfois, l’urgence est pressante : Corinne Iovino habite à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), dans un appartement qu’elle devait quitter en novembre, le propriétaire privé lui ayant donné congé en la prévenant un an à l’avance. Elle a présenté une demande de logement social en novembre 2004, que les bailleurs sociaux ont voulu limiter à la ville d’Hendaye : « On m’a répondu que la liste d’attente était longue. Le seul logement proposé était au troisième étage d’un immeuble dont l’ascenseur connaît des pannes fréquentes; j’y entrais en fauteuil manuel, mais pas en fauteuil électrique. On m’a demandé de le prendre avant même de le visiter, j’ai refusé ». Déçue par le Maire d’Hendaye qui l’avait assurée de son soutien, elle a fini par étendre sa recherche aux villes voisines. « Le Maire d’Urugne, presque limitrophe d’Hendaye, m’a assuré qu’il m’octroierait un appartement dans un programme de logements qui sera achevé en novembre 2006 ». Dans l’intervalle, Corinne Iovino, qui poursuit activement ses recherches, se retrouve occupant sans droit, sous la menace d’une procédure judiciaire. Et même si les autorités locales l’assurent qu’un tribunal n’accordera pas au propriétaire l’expulsion de sa locataire handicapée motrice, sa nouvelle situation lui pèse…

Ses relations politiques n’ont pas davantage servi Pierre-Marie Giacometti, dont le fauteuil roulant bute depuis 35 ans sur la même grosse marche à l’entrée de l’immeuble marseillais dans lequel il réside : « Les services municipaux sont venus à plusieurs reprises, il n’y a rien à faire selon eux ». Confronté au décès de sa mère, avec laquelle il habitait, et à une mésentente familiale, il a demandé un logement social en espérant que ses relations avec certains élus municipaux l’aideraient : « Le seul appartement qu’on m’a proposé en 3 ans et demi était un duplex ! ». Il attend son tour sur une liste qui comporte plus de 10.000 familles…

Le logement social en crise. L’Association Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL) n’a pas d’élément tangible sur le traitement des personnes handicapées en demande de logement social. Son antenne pour la Dordogne avait organisé, en 2004, une table ronde sur le logement adapté : « On fait des logements adaptés, constate le directeur de l’Adil 24, mais on ne trouve pas les personnes qui correspondent. Et souvent, on ne regarde que les accès, pas l’occupabilité du logement ». Un problème qu’a rencontré Miguel Barbero, paraplégique. Il vit à Jalognes, village du Sancerrois, dans une maison qu’il a fait construire. Mais lors d’un séjour en région parisienne, il a rencontré Claudie, ils se sont plus et veulent vivre ensemble. L’appartement de Claudie étant au troisième étage sans ascenseur, elle a demandé il y a 18 mois un autre appartement à l’Office HLM de Gennevilliers (Hauts de Seine), où elle réside. « On nous a proposé un appartement dans la chambre duquel je ne pouvais pas faire le tour du lit en fauteuil roulant, précise Miguel. On me répond que je suis prioritaire, second sur la liste d’attente ».

L’Office H.L.M est moins optimiste : « La liste d’attente est ‘redoutable’, constate Chantal Rocchi du service logement, nous avons 4.000 demandeurs. On a livré une centaine d’appartements en 2005, et en 2006 nous n’avons pas de crédits pour construire ». Elle n’est pas en mesure de préciser comment sont traités les candidats locataires handicapés, estimant qu’entre 30 et 50 se voient attribuer un logement chaque année.

La flambée des prix des terrains constructibles, le vieillissement du parc d’H.L.M et la baisse constante du nombre de logements sociaux neufs génèrent une situation de pénurie qui empire au fil des ans. Les publics prioritaires sont multiples et les logements disponibles fréquemment attribués aux familles en situation de péril, vivant dans des appartements insalubres ou dangereux pour la santé. Par exemple, en Île de France, 350.000 demandes sont en attente, dont plus de 100.000 concernent des publics prioritaires. Dans le même temps, 12.000 logements neufs seront construits pour 2005, contre 16.000 en 2004, soit 25% de moins. Une évolution négative qui n’assurera pas aux personnes handicapées le bénéfice d’accéder dans un délai décent à un logement social, en tous cas pour celles qui ont besoin d’un appartement adapté, ce que l’on ne trouve guère que dans les rares programmes de logements neufs.

Laurent Lejard, décembre 2005.

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