L’examen du projet de loi d’égalité des droits et des chances se poursuit cet automne au Parlement. Le texte adopté en première lecture contient, dans son article 24, l’obligation de mettre en accessibilité les transports collectifs dans un délai de dix ans. Il impose un moyen de transport adapté en cas d’impossibilité technique de mettre en accessibilité un réseau existant. Ce transport de substitution devra coûter, pour l’usager, le même prix que le transport public existant. En théorie, il sera possible en 2015 à toutes les personnes handicapées motrices de se rendre aux mêmes lieux que les personnes valides, aux mêmes heures et (presque) par le même mode de déplacement. La mise en oeuvre pose toutefois une série de questions auxquelles les principaux acteurs du transport terrestres ne peuvent actuellement apporter de réponse.
Dix ans : réaliste ? Le projet de loi présenté par le Gouvernement en janvier 2004 proposait une mise en accessibilité de tous les réseaux dans les six ans; estimé irréaliste, ce délai a été porté à dix ans par les parlementaires. « Six ans est un délai qui nous semblait tenable mais posait des problèmes aux collectivités locales, précise Catherine Bachelier, Déléguée ministérielle à l’accessibilité. Avec une période d’adaptation de dix ans, on est très raisonnable. Je n’envisage pas qu’un mode de transport collectif échappe à la mise en accessibilité ». Catherine Bachelier tempère toutefois son affirmation pour ce qui concerne l’autocar : « On ne dispose pas en France de matériels totalement accessibles et aisés d’utilisation ». Pour elle, la solution devrait résulter d’une normalisation européenne découlant de programmes d’études dont les résultats devraient être connus d’ici à la fin de l’année. Pour sa part Catherine Chartrain, présidente du Comité de liaison pour l’accessibilité des transports et du cadre bâti (Coliac) estime que la question n’a été envisagée que sous le seul aspect des transports urbains : « Ce qui est important, c’est la cohérence voirie- matériel : aucun délai n’est inscrit pour la voirie, un bus accessible ne sert à rien si on ne peut se rendre à ses points d’arrêt. Le Sénat a refusé la proposition du Coliac d’introduire un délai : rappeler une disposition obligatoire depuis 1978 n’aurait pourtant pas fait de mal ! ».
Côté chemins de fer, le réseau Grandes Lignes est déjà accessible pour les trains de jour. Des études doivent être lancées prochainement pour l’adaptation des trains couchettes et wagons lits. Actuellement, 10% seulement des gares disposent d’un aménagement destiné aux personnes handicapées motrices. La SNCF envisage de réaliser en l’espace de dix ans un schéma directeur consistant à mailler le territoire avec des gares accessibles : un tiers des 3000 gares seraient ainsi aménagées mais le coût de réalisation de ce schéma directeur reste à chiffrer. Un recensement de l’accessibilité du matériel roulant est en cours mais ce chantier est compliqué par un risque de privatisation prochaine des gares alors même que les quais appartiennent à une autre société nationale, Réseau Ferré de France. RFF a conçu un plan de rehaussement des quais, indispensable pour accéder aux trains… mais sur quinze ans ! Enfin, le transport régional ressort de la compétence politique et financière des Conseils Régionaux : la SNCF n’est, dans ce cadre, qu’un propriétaire- exploitant sans pouvoir de décision.
Transport de substitution. La nouvelle loi obligera les transporteurs à proposer un système de substitution en cas d’impossibilité technique de mettre en accessibilité un service existant (par exemple le métro parisien). Pour Catherine Bachelier « l’accessibilité totale des bus pourrait être un moyen acceptable : substitution veut dire pouvoir accomplir le même trajet même s’il prend plus de temps ». La Déléguée considère qu’un service de transport spécialisé peut constituer un moyen de substitution adapté aux villes moyennes. Catherine Chartrain estime pour sa part qu’il n’y a pas de solution toute faite et que les réponses devront être élaborées dans le cadre des plans de déplacement urbains (PDU). Et pour réduire le coût de ce transport de substitution, elle milite en faveur d’une prise en charge de l’accompagnement par la prestation compensation au titre d’une « aide à la mobilité ».
En pratique, le dernier mot appartiendra aux collectivités locales, fédérées au sein du Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART). Son vice- président, Jean- François Malbrancq, rapporte des avis contradictoires quant à la tarification identique du transport collectif standard et du mode de substitution : « Nous voulons conduire prochainement une concertation avec les associations, pour fédérer et homogénéiser les initiatives ». Mais c’est probablement le bâton qui sera le plus efficace : la loi réservera en effet les subventions publiques aux services mis en accessibilité…
Laurent Lejard, septembre 2004.