La greffe avait été réalisée en septembre 1998 à Lyon par une équipe internationale sous la direction du Docteur Dubernard. Techniquement, l’intervention qui avait duré plus de quinze heures n’était pas révolutionnaire. La difficulté venant essentiellement du fait que le patient allait être contraint de suivre pendant toute sa vie un traitement immunosuppresseur pour éviter les phénomènes de rejet.

À l’instigation du chirurgien, cette « première » avait bénéficié d’une large couverture médiatique, dès la sortie du bloc opératoire. On parlait même de l’avenir de ce type d’intervention pour réparer les dégâts dus aux mines antipersonnel. La presse spécialisée s’étant quant à elle, fait l’écho d’une réserve plus que prudente de la part de la communauté scientifique.

Deux ans après, les faits sont là : Clint Hallam ne supporte plus les effets indésirables d’une médication qu’il a d’ailleurs bien du mal à suivre comme elle lui a été prescrite. Il a peur de contracter une affection banale qui le tuerait et se sent incapable de garder cette main étrangère. Il veut qu’on la lui coupe. Malgré cet appel, le Docteur Dubernard, à l’abri derrière la loi française, refuse pour l’instant toute idée d’amputation.

Il n’y a pas lieu de s’attarder ici sur certains aspects sordides de cette péripétie médicale : un patient à l’histoire personnelle douteuse choisi par des spécialistes qui ne sont pas des experts, les interférences de la politique et de la chirurgie, etc… En revanche, il faut bien insister sur l’un des problèmes éthiques posés par cette aventure, celui qui nous touche peut-être de plus près : comment persuade- t-on une personne handicapée d’être transformée en malade à vie quand le pronostic vital n’est absolument pas mis en jeu par la déficience ?

Espérons que les médias couvriront ce qu’il faudra bien appeler l’échec Hallam- Dubernard avec autant de zèle qu’ils en ont mis pour vanter en 1998 le succès potentiel de cette intervention. Un vrai débat pourra alors s’instaurer sur les limites à ne pas franchir quand les savants veulent aider l’humanité en détresse.

Pierre Brunelles, octobre 2000.

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