Aucun ministre n’avait le moindre rendez-vous sur son agenda public du lundi de Pentecôte 2010, à l’exception de Bernard Kouchner et Pierre Lellouche en séjour à l’étranger. Le Chef du Gouvernement et le Président de la République avaient également un agenda vierge à la date du 24 mai. Un bel exemple pour les 24 millions de salariés contraints de travailler durant le lundi de Pentecôte sans être payés, ou de perdre une journée de RTT. Et même si cette journée de solidarité forcée est souvent diluée dans la durée annuelle du travail au sein de la plupart des entreprises, constater la vacuité des agendas des ministres lors de ce fameux lundi rend perplexe : ont-ils profité de cette journée pour prendre un long week-end au détriment d’une population qu’ils forcent à travailler ce jour-là ? Non, on a mal compris, à entendre le service de presse du ministre chargé des personnes handicapées, Eric Woerth : « Il travaille durant le lundi de Pentecôte, et même plus dur que d’habitude, même s’il n’a pas de rendez-vous à son agenda »…

Six ans après sa création, la journée de solidarité travaillée non payée continue à faire polémique : d’abord parce que l’essentiel de l’effort porte sur les salariés, et ensuite parce que l’argent ainsi récolté ne va plus aux seules personnes âgées ou handicapées. Le jour de solidarité est censé financer le maintien à domicile des personnes handicapées au moyen de la Prestation de Compensation du Handicap. Mais au fil des années, cette dernière couvre de moins en moins les dépenses réelles. Dans le même temps, la rigidité des règles de gestion de l’argent du jour de solidarité entraine une sous-consommation des crédits budgétaires qu’il alimente : la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie accumule des excédents financiers que le Gouvernement utilise pour l’Assurance Maladie ou d’autres actions éloignées de l’affectation première de cet argent. Un milliard d’euros aurait ainsi été détourné.

Mais voilà que le débat public sur la création d’une deuxième journée de solidarité rebondit. On se souvient que l’ancien ministre des personnes handicapées, Philippe Bas, l’avait proposé en août 2009. Cette proposition vient d’être reprise par les élus de l’Association des Départements de France (ADF), pour financer leurs dépenses en faveur des personnes âgées ou handicapées. Si on comprend bien leur démarche, il s’agit de faire payer deux fois les salariés pour la même chose, puisque le maintien à domicile des personnes dépendantes est déjà financé par la première journée de solidarité. Quand une arnaque fonctionne, pourquoi se priver de la renouveler… 

Laurent Lejard, juin 2010.

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