« Les parents ont peur », tel est le cri de Jean-Claude Cocquelet, père d’une enfant handicapée mentale hébergé à l’Institut Médico- Educatif du Domaine des Grands Champs, à Roissy en Brie (Seine et Marne). Il relate : « Dans la nuit du 22 au 23 mai 2005, une jeune fille handicapée mentale a été violemment agressée dans l’internat. Cette agression est la conséquence directe d’une réduction du personnel de nuit et d’une restructuration plus générale des effectifs éducatifs dans ce centre ». Depuis le 9 mai, et sans concertation préalable, le nombre de veilleurs de nuit est passé d’un par unité (il y en a douze au total), à cinq pour l’ensemble des trois bâtiments de l’établissement. Cette réorganisation, décidée pour des raisons financières, s’accompagnerait d’un abandon des enfants, adolescents et adultes hébergés : « Les pensionnaires sont lourdement handicapés, explique Jean- Claude Cocquelet, polyhandicapés, autistes, psychotiques. Des adultes maintenus au titre de l’amendement Creton [maintien d’adultes au- delà de l’âge de 20 ans dans des institutions pour enfants et adolescents] côtoient des enfants. Depuis peu, les clôtures entre les unités de vie ont été supprimées et cela accentue les risques d’agressions. La DDASS a constaté que les jeunes étaient laissés sans activités durant la journée, ils sont couchés à 21 heures, il n’y a pas de vie sociale le soir. Les jeunes autistes errent dans les couloirs. Certains sont mis sous sédatifs pour être calmés et dormir la nuit, d’autres sont enfermés à clés dans leur chambre ».

Directeur de l’I.M.E, Daniel Weber, réfute ces propos : « On traite 20.000 nuitées d’enfants autistes par an et on a eu un seul incident au demeurant bénin ». Il estime suffisante la dotation en personnel et considère que la restructuration de la surveillance nocturne, effectuée en binôme par des employés, procède d’une meilleure efficacité. « Avant, les personnels étaient enfermés dans chaque unité avec les pensionnaires ». Il s’inquiète toutefois pour l’avenir : « Nous avons 40 jeunes de plus de 16 ans, et on ne voit pas ce qui leur sera proposé dans quatre ans, quand ils auront 20 ans ». Normalement, à cet âge, ils doivent être accueillis dans une institution pour adultes, mais trop peu d’établissements existent en regard des besoins. Alors, le directeur de l’I.M.E a entrepris de restructurer l’établissement en séparant les enfants des adolescents et des adultes, les uns et les autres étant logés dans des pavillons distincts. Dans un contexte difficile de vétusté des installations, en cours de rénovation financée sur une dotation exceptionnelle de la DDASS, et de redressement judiciaire de l’établissement dont l’association support fut contrainte à déposer le bilan en 2001; l’I.M.E des Grands Champs est administré, depuis décembre 2004, par une grosse association de gestion, Les Amis de l’Atelier. Mais Daniel Weber reconnaît des insuffisances : « L’I.M.E n’est pas équipé de lits d’urgence pour traiter la décompensation d’enfants autistes ». Et il reconnaît que l’établissement qui accueille en internat 63 pensionnaires est victime de « l’empilage des âges » qui fait cohabiter des enfants de 8 ans et des adultes dont l’un atteint 32 ans.

Si le directeur de l’établissement répond aux interrogations en apportant des réponses de gestionnaire, ce n’est le cas ni des dirigeants de l’association support, Les Amis de l’Atelier, ni de la tutelle administrative et étatique. Face à cette inertie, Jean- Claude Cocquelet a décidé d’entreprendre une grève de la faim, action qui peut apparaître disproportionnée par rapport aux difficultés qu’il dénonce avec le Collectif de Défense des enfants de l’I.M.E, mais qui traduit bien son exaspération face au silence et au mépris. Il exige « la reconnaissance, le respect et la dignité des enfants handicapés ».

Il entend également dénoncer des propos menaçants émanant des dirigeants de l’Institut des Grands Champs et relatés par Jean- Claude Cocquelet dans un courrier adressé le 14 juin dernier à la DDASS, aux dirigeants des Amis de l’Atelier, au Ministère de tutelle et au Délégué interministériel aux Personnes Handicapées : « Prise en charge hospitalière pour les cas les plus lourds ou sinon qu’ils soient remis à leurs familles. Que les enfants seront dispatchés dans d’autres institutions si nous ne sommes pas d’accord avec les réformes mises en place. Qu’il n’existe pas de risque zéro et que les enfants handicapés sont forcément violents entre eux. Ainsi que d’autres intimidations usuelles entendues si souvent par des familles déjà confrontés au handicap de leurs enfants qu’il serait trop long d’évoquer dans ce courrier ». En substance, les parents n’auraient d’autre choix que d’accepter les décisions prises par les gestionnaires ou leur enfant subirait de fâcheuses conséquences. Un choix très éloigné des discours officiels sur le respect de la personne handicapée, et pour lequel un père de famille se bat avec la seule chose qu’il puisse mettre en balance : sa vie.

Laurent Lejard, juin 2005.

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