C’est en créant un Réseau des femmes déficientes visuelles que Catherine Oelhoffen souhaite tisser des liens et informer sur leurs conditions de vie, leurs problèmes conjugaux, leur intégration sociale. « Nous avons conduit deux enquêtes parmi les femmes déficientes visuelles, pour constater que la violence et la maltraitance sont dix fois plus élevées que dans le reste de la population : sur les 82 réponses reçues, 90% évoquaient des violences. L’homme peut être attiré par une femme handicapée, il la protège, a de l’autorité sur elle. Le rôle social de la femme est atteint par la cécité, elle perd le statut d’administratrice du foyer. C’est particulièrement fort chez les femmes qui deviennent malvoyantes ou aveugles, elles perdent leurs valeurs, se sentent perdues. Le handicap créé un déséquilibre dans le couple, le mari ne comprend pas. Il peut surprotéger son épouse, en la déchargeant de toutes les tâches, au risque qu’elle se sente inutile ». La violence n’est pas loin. Pour Catherine Oelhoffen, la femme doit se reconstruire « à part » pour pouvoir ensuite reprendre la vie commune avec son mari.

La cécité demeure un enfermement pour les femmes: « celles qui sont aveugles de naissance, et il y en a heureusement de moins en moins, épousent rarement un voyant, elles restent célibataires ou vivent avec un homme aveugle. La cécité est parfois évoquée par le mari dans une procédure de divorce, pour que les enfants ne soient pas confiés à leur mère aveugle. Un père est allé jusqu’à faire placer ses enfants sous tutelle plutôt que de les voir confier à leur mère. Les tribunaux hésitent maintenant à faire droit à ce genre d’arguments: le Traité d’Amsterdam, qui s’applique dans tous les pays de l’Union Européenne, et plus précisément son article 13 interdit toute forme de discrimination. La femme déficiente visuelle est également tenue par le pouvoir sur l’argent: elle a besoin d’un tiers pour gérer, faire des opérations, et ce tiers est souvent l’époux. Plus grave, la femme handicapée risque de devenir un objet sexuel, elle n’ose plus dire non. La victime de ces abus a honte, le mari est assuré de l’impunité tant que sa femme ne brise pas le silence. Il faut oser en parler ».

Le Réseau des femmes déficientes visuelles souhaite créer des cellules de soutien mais cherche encore comment procéder. Des actions de formation à l’auto- défense, de gestion des situations de crise, sont envisagées pour apprendre à se comporter face à une situation de violence, pour la contenir et la maîtriser. Pour cela, il lui faut les moyens qui manquent actuellement. La volonté, c’est d’aller dans les régions, au contact des femmes et de l’activité de terrain.

Ce Réseau résulte de l’expérience de vie de Catherine Oelhoffen, qui en parle pudiquement: « j’ai connu ce cheminement, des gens m’ont aidé à sortir du ghetto. La détresse des femmes est accentuée par la cécité, ma propre expérience me permet de les comprendre. J’ai connu cela, j’en suis sorti et suis d’autant plus malheureuse de ne pouvoir faire davantage. Je voudrais pouvoir donner suffisamment de force ».

Laurent Lejard, septembre 2002


Pour contacter le Réseau des femmes déficientes visuelles : Fédération des Aveugles de France – 58 avenue Bosquet – 75007 Paris – Tél : 01 44 42 91 91 – Fax : 01 44 42 91 92. Catherine Oelhoffen est également rédactrice en chef de La Canne Blanche, organe trimestriel de la Fédération des Aveugles de France, et auteure d’un dossier consacré à la déficience visuelle ainsi que d’un récit de sa rencontre avec le grand Akir Pacha

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