« L’alpinisme, ça fait partie de moi. Cela donne un sentiment de liberté, une énergie de fou, de faire ce qu’on aime ! » Vanessa François explique simplement sa passion de la montagne, inscrite viscéralement en elle bien qu’elle lui ait coûté la mobilité de ses jambes lors d’un accident, en avril 2010. Après sa rééducation, l’appel des sommets a été plus fort que la paralysie et elle a trouvé les moyens et la technique nécessaires à un alpinisme adapté qu’elle est, semble-t-il, la seule à pratiquer en France. Assise sur une sellette en tissu réalisée sur mesure et comportant quelques renforts ainsi qu’un rappel de sangles, elle se hisse à la force des bras avec une technique de grimpe employant des poignées autobloquantes sur cordes fixées et avec démultiplication, ce qui lui permet de ne soulever qu’un tiers de son poids. Ces ascensions éprouvantes nécessitent une importante préparation technique, alliée à la recherche de la plus grande sécurité possible, Vanessa Francois se retrouve toujours entièrement dans le vide : « Les ascensions mobilisent une dizaine de personnes, c’était le cas pour le Grand Capucin. » Pour conquérir cet immense obélisque de granit du massif du Mont-Blanc, en juin dernier, elle a dû utiliser une tyrolienne pour passer la première partie de l’ascension et adapter sa technique à la déclivité de la paroi.
Physiquement, Vanessa François n’a plus d’abdominaux mais elle a conservé les grands dorsaux qui lui assurent un maintien suffisant du buste. Elle effectue un travail permanent d’entretien de son endurance physique, pratiquant le handbike et la luge nordique, en s’entraînant en salle d’escalade.
L’appel de la montagne, elle l’a d’abord ressenti pendant un stage effectué durant son adolescence. Mais c’est quelques années plus tard qu’elle y est revenue : âgée maintenant de 43 ans, elle en a 23 d’alpinisme. D’autant que cette Belge de naissance vit à Chamonix depuis 2003, un immense terrain de jeux ! Comme elle n’a pas d’activité professionnelle et peu de ressources, l’accident n’ayant pas été indemnisé par une assurance, elle grimpe grâce à ses amis alpinistes, une forme de solidarité des montagnards, mais les expéditions coûtent cher. « Je cherche des sponsors. J’en ai trouvé plusieurs pour El Capitan. Cela fait de nombreuses démarches, pour suivre des pistes. » El Capitan, c’est un sommet californien de 600 mètres d’ascension verticale, qu’elle a atteint le 16 octobre 2013 après quatre jours d’ascension, une aventure dans laquelle elle a embarqué des montagnards chevronnés.
Ce qui la mobilise actuellement, c’est la popularisation d’un documentaire, Rêver sous les étoiles, réalisé par Gilles Chappaz et Jérémie Chenal: « Il sera diffusé dans des festivals, à Autrans, Grenoble, la Rochelle. C’est un portrait pour faire connaître la vie avec un handicap. » Outre son alpinisme, elle y parle notamment vie quotidienne, là encore sous la forme de l’exploit: « C’est plus facile d’aller au Grand Capucin que de se déplacer dans la rue, à Chamonix par exemple! » On la découvrira également comédienne, lors de sa participation au spectacle La danse immobile, écrit par Thierry Monfray (comédien mort en janvier dernier des séquelles d’une sclérose latérale amyotrophique) et mis en scène par la célèbre Clémentine Célarié: « Je jouais en fauteuil roulant électrique en alternance avec une autre comédienne, avec Clémentine Célarié et deux danseurs hip-hop. Le Graal, c’était d’être en fauteuil roulant à l’égal du roi paralysé. C’est un spectacle musical sans paroles, issu d’une rencontre entre Thierry Monfray et Clémentine Célarié. »
Si cette pièce ne sera plus représentée, on retrouvera peut-être Vanessa François dans une autre aventure théâtrale, mais plus probablement au bord de la paroi d’une de ces montagnes qui font sa joie de vivre.
Laurent Lejard, octobre 2015.