Dans des milliers de conseils municipaux, majorité et opposition jouent leur rôle respectif tout en respectant les principes démocratiques. Mais pas à Toulouse où le vieux routier de la politique Jean-Luc Moudenc régente à sa manière la vie municipale depuis plus de 11 ans, et espère bien rempiler lors des élections municipales de mars prochain malgré les poursuites judiciaires engagées à son encontre à la suite d’une plainte d’Anticor : en 2020, plusieurs de ses collaborateurs auraient consacré une partie de leur temps de travail rémunéré à faire campagne pour le maire sortant, une enquête préliminaire vient d’être ouverte pour vérifier ces soupçons. Monsieur Moudenc est également poursuivi par la même Anticor pour suspicion d’emploi fictif au détriment du ministère de l’Économie et des Finances.

Courrier du 31 août 2020 dans lequel le maire de Toulouse interpelle la ministre chargée des personnes handicapées

Justement, des économies la ville et métropole de Toulouse en font sur le dos de la remuante conseillère municipale et métropolitaine Odile Maurin : cumulant les séquelles physiques et physiologiques d’un syndrome Ehlers-Danlos, qui l’obligent à vivre en fauteuil roulant motorisé, avec des troubles autistiques, elle a besoin d’aide humaine pour exercer son mandat. Mais le maire de la Ville Rose a décidé d’appliquer au sens le plus strict le cadre juridique actuel prévoyant « le remboursement des frais d’assistance pour participer aux conseils, commissions et instances dont l’élu est membre ès qualités, justifie la porte-parole de la municipalité. Il ne permet pas, à ce jour, la prise en charge d’heures d’assistance pour la préparation, la tenue de permanences ou les visites de terrain. » Cela veut dire que les aides humaines nécessaires à la conseillère Odile Maurin sont à payer de sa poche, sauf si elle se laisse réduire au rang de figurante, ce qui n’est pas dans la nature de son engagement. Alors elle consacre 80% de ses indemnités d’élue à payer les personnels nécessaires. En pratique, Toulouse ville et métropole ont décaissé 7.140,53€ de remboursement d’aide humaine jusqu’en 2024, soit moins de 3,50€ par jour de mandat. Cela après fourniture d’une masse de justificatifs, payés tardivement, le tout pinaillé par les services : « Les retards constatés ne sont donc pas dus à une volonté de blocage mais tiennent à l’absence ou au caractère incomplet des justificatifs transmis, ainsi qu’à des désaccords sur certains calculs, comme cela a été relevé dans les échanges de septembre et octobre 2023 ou encore en septembre 2025 », commente la porte-parole de la municipalité qui précise que le maire a saisi le Gouvernement dès août 2020.

Théoriquement, ce problème soulevé par d’autres élus handicapés sera réglé dans quelques mois, après le vote définitif, dans les prochaines semaines, d’une proposition de loi examinée en deuxième lecture à partir du 21 octobre au Sénat. Plusieurs élus ont poussé à son élaboration, dont Frédérik Lequilbec, conseiller départemental de la Manche, et Julien Compan, conseiller municipal de Massy (Essonne). D’autres ont témoigné des difficultés d’exercice de leur mandat du fait d’une compensation insuffisante de leur handicap, mais sans être confrontés à son instrumentalisation pour le retourner contre l’élu sous prétexte qu’il est dans l’opposition.

C’est cette situation qui a conduit Odile Maurin à aller jusqu’au clash lors du conseil municipal de Toulouse du 26 septembre dernier. Elle revenait aux affaires après un burnout de 6 mois et n’a pas supporté d’être maltraitée : profitant de son absence pour satisfaire un besoin naturel, des dossiers sur lesquels elle souhaitait intervenir sont passés, l’ordre des délibérations n’étant pas respecté. Ce qui est remarquable dans cet incident intégralement filmé, c’est l’absence d’intervention d’autres conseillers municipaux, la séance se poursuivant comme si de rien n’était pendant près de dix minutes, jusqu’à sa suspension par le Maire. Les échanges qui ont suivi témoignent clairement d’une forme d’infantilisation, de minoration du fait de son handicap de l’élue municipale. Odile Maurin ne veut plus reculer face aux obstacles qui lui sont infligés, et à cette forme de condescendance vécue par la plupart des handicitoyens qui gagneraient à être soutenus plutôt qu’humiliés.

Laurent Lejard, octobre 2025.

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