William Renault, 56 ans, est l’une des figures de la contestation contre le projet de loi de réforme du logement dite ELAN. Il a participé au blocage d’un convoi de pièces monumentales Airbus, de cimenteries, et au murage de la permanence du député Jean Terlier (La République en Marche, lire l’actualité du 18 septembre 2018). « Avec mon amie Odile Maurin et Handi-Social, même si je ne partage pas toutes ses idées, le combat est le même contre la loi Elan. C’est une honte qu’on ait fait cette loi, elle n’apporte rien si ce n’est des emmerdements ! Quand on parle de diversité de la population, de pacte républicain, d’inclusion, on a une distorsion. La loi Elan est l’antithèse du pacte républicain, on est en train de diminuer le droit à l’accès au logement pour 6 m² ! »

Comment un homme de droite, qui a sa carte au parti Les Républicains, en est-il arrivé à participer à de telles actions ? « J’ai une grande peur. Il va y avoir des gens qui vont déborder, qui montent sur des grues, arrêtent des Airbus. Est-ce que d’autres n’en auront pas marre à tel point qu’il faudra faire force, monter au créneau et faire exploser la situation ? C’était la deuxième fois de ma vie que je descendais dans la rue en bloquant Airbus. Je suis ecoeuré. Quand je croise le député Terlier, il me salue… et m’éconduit quand je vais le voir dans sa permanence pour qu’il explique son soutien à la loi ELAN. Il fait sa pub et ça ne nous apporte rien. Les gens en ont marre, je suis bluffé de voir leur détresse. »

Cette empathie est ancrée dans le parcours de vie de William Renault, marié à « une femme formidable », père de quatre enfants et qui leur ont donné sept petits-enfants. « J’ai travaillé une dizaine d’années dans le bâtiment en poursuivant l’entreprise artisanale de mon père, jusqu’à ce que ma santé se dégrade du fait d’une myopathie liée au manque d’anticorps. C’est une maladie rare, inconnue, non déterminée, qui entraîne des séquelles cardiaques et osseuses. » Cela l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant. « À chaque étape de ma vie, j’ai dû me déterminer en faisant autre chose. J’ai arrêté le rugby, suivi une formation à la Croix-Rouge qui m’a conduit à travailler pendant 20 ans comme agent de service hospitalier à l’hôpital de Lavaur. Ma vie s’attache à des valeurs, l’entraide forgée par 25 années de Croix-Rouge, le respect des gens. Je suis un homme politique très discret parce que chacun a le droit d’avoir ses idées et de les exprimer. Ce qui compte dans la vie, c’est de s’entraider quelles que soient ses difficultés. Le respect des autres provient de l’éducation reçue par mes parents, et parce que je crois qu’un regard respectueux est nécessaire. Le respect, c’est se mettre assis à côté de quelqu’un qui est assis, c’est encore assez rare de la part d’interlocuteurs. J’ai pallié cela d’une autre façon en me verticalisant, et je mesure 2 mètres de haut ! »

Avoir une vie citoyenne est une évidence pour William Renault, notre époque semblant plus ouverte. « Nous, les personnes en situation de handicap avons beaucoup de travail de pédagogie à faire. Il y a 20 ans, on m’aurait mis dans un placard. Aujourd’hui je suis élu municipal Les Républicains dans une ville de 11.000 habitants. Il faut se poser des questions sur les raisons de la discrimination. Je vais dans les écoles pour parler des différences. Je suis toujours très surpris que des enfants parlent avec leurs parents, qui finalement ne croient plus que le handicap s’attrape. La perception qu’on a des choses dépend du point de vue. »

Après ses années à travailler dans un hôpital, William Renault a changé d’activité. « Je suis médiateur professionnel, depuis une formation. Ça m’a permis d’envisager toutes les possibilités, j’ai rencontré le maire de Lavaur via la Croix-Rouge et je lui ai proposé de soutenir l’action municipale. Ce n’est pas simple, parfois des personnes handicapées me le reprochent. Je défends tous les handicaps et toutes les personnes. Au sein de la commune, je n’ai pas vraiment eu de déception, il y avait beaucoup de choses faites, Lavaur était bien notée. Tout est fait ou programmé. J’ai ouvert la possibilité de recevoir des gens qui n’habitent pas la ville, parce qu’elles ont peu d’accueil, de soutien et d’écoute. Il est incroyable que l’administration départementale soit aussi défaillante, je suis obligé de combler cette carence. Lorsqu’une personne handicapée demande une aide à la Maison Départementale des Personnes Handicapées pour financer l’aménagement d’un véhicule, la réponse est de jouer sur un prix moins élevé pour compenser. Il y a une volonté de filtrer les demandeurs. C’est très grave, inhumain. Je siège pour l’AFM-Téléthon à la Commission des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée, je fais remonter cela et je ne suis pas bien vu, cette fonction est parfois difficile : ‘on n’est pas là pour faire de la psychologie, me répond-on, mais pour prendre des décisions. » Si le Tarn a créé une commission restreinte pour recevoir les demandeurs avant la décision de la CDAPH, cette dernière décisionne chaque semaine des listings de centaines de dossiers. « Le mal-fonctionnement des MDPH est uniquement pécuniaire : il est facile d’envoyer un enfant vers un Institut Médico-Educatif parce qu’il y a la ligne budgétaire départementale et celle de l’Agence Régionale de Santé. ‘Mais pourquoi vous ne descendez pas dans la rue ?’, voilà ce qu’on m’a répondu. »

Il estime que les personnes handicapées n’ont pas toute leur place dans notre société. « Une réponse que je voudrais faire en tant qu’homme de droite : mettons les personnes handicapées au travail, on verrait des gens compétents, capables, et qui amèneraient beaucoup de choses. Et une personne au travail coûte beaucoup moins cher qu’une personne qui ne travaille pas. » Tout en constatant des obstacles sociaux qui ne se justifient pas, notamment en matière de prise en compte des revenus du conjoint pour calculer l’Allocation Adulte Handicapé. « Ça me choque, une personne handicapée peut plaire à une personne valide, c’est juste de l’amour ! Si on avait une structure sociale rémunératrice, les gens vivraient, sortiraient, consommeraient sans thésauriser. » Et les difficultés d’accès aux soins le préoccupent. « Je suis inquiet de la réduction des budgets des hôpitaux. Comment vont faire les personnes qui ont une pathologie lourde ? Une personne atteinte d’une sclérose en plaques ne va pas bénéficier d’un plateau technique, la médecine de ville est réduite, les sujets malheureusement ne manquent pas. Dans l’Aveyron voisin, certaines carences médicales me font peur. Faudra-t-il habiter Toulouse ou Montpellier pour se faire soigner avec une lourde pathologie ? Se soigner est un besoin. »

Malgré ce constat assez sombre, William Renault reste confiant dans les capacités de l’Homme. « Être handicapé n’empêche pas la qualité de la relation. Le plus important, c’est de vivre heureux. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, octobre 2018.

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