Âgé de 41 ans, Samuel Landier a, derrière lui, 23 ans de militance au sein de Voir Ensemble (anciennement Croisade des aveugles), association de déficients visuels d’obédience chrétienne. Mais ce n’est pas par sensibilité religieuse qu’il l’a choisie : « C’est l’une des associations les plus démocratiques dans son fonctionnement, et avec un vaste engagement national dans les établissements, auprès des personnes âgées, dans les départements, pour que les déficients visuels prennent leurs décisions en main. Elle agit dans tous les domaines du quotidien, alors que la plupart des autres associations sont spécialisées ».

Samuel Landier a fait partie des créateurs de la commission « Accès à la cité aux personnes aveugles ou malvoyantes » du Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles et des Amblyopes (CNPSAA), en 1997. Il a présidé cette commission de 2003 à 2007 : « L’accessibilité concerne le quotidien, mais elle n’était pas aussi bien élaborée pour les déficients visuels que pour les personnes handicapées motrices. Pour les aveugles, l’accessibilité est plus compliquée parce qu’elle est davantage sensorielle, et du domaine de l’interprétation, une approche très individuelle qui est également fonction du degré de malvoyance et de l’âge d’acquisition du handicap ». La Commission a travaillé à l’élaboration de standards et de cas généraux, discutant des normes en interassociatif. « Les besoins des déficients visuels vont être recensés pour le cadre bâti, le logement, les transports. On va communiquer auprès des professionnels. On a commencé ce travail en 2000. On agit en s’appuyant sur la loi de février 2005, et on va au-delà de la réglementation ».

C’est en agissant au sein d’associations que Samuel Landier a pris conscience des limites de cette action et qu’il s’est engagé en politique pour mettre en oeuvre ce qu’il a contribué à élaborer. Après avoir été conseiller municipal de Rezé, une ville de la banlieue nantaise qui compte 38.000 habitants, de 2001 à 2008, il est depuis sa réélection en mars dernier adjoint à la solidarité, en charge de la santé, des personnes âgées ou handicapées, et du logement. C’est essentiellement ce dernier dossier qu’il suit, les autres domaines étant pris en charge par des conseillers municipaux délégués : « Dans le cadre de mon premier mandat de conseiller municipal, j’ai voulu que les personnes handicapées soient présentes dans l’action participative quotidienne, qu’on les prenne en compte dans chaque secteur de l’action communale ».

« Pour mon second mandat, j’ai préféré que ce soit une conseillère de la communauté d’agglomération qui préside la commission communale d’accessibilité. Ça évite que tout me retombe dessus, c’est important pour l’intégration. Ce qui me motive dans la politique, c’est le croisement de la pluralité de visions du monde. Parce qu’il faut sortir des vieux clichés, en s’engageant pour favoriser la transversalité : par exemple, faire porter les subventions pour le handicap par les secteurs concernés, comme la culture à l’occasion d’un spectacle adapté ».

« Je me situe à la gauche du Parti Socialiste; je me définis comme socialiste, laïque, engagé. J’ai été candidat à l’investiture pour les élections législatives en 2007, pour faire bouger les choses au sein du parti parce que seul le candidat sortant se présentait. Je me fixe l’objectif d’accéder à un mandat national. Mais il faut y aller pas à pas, en apprenant au sein de la ville et de la communauté urbaine, en construisant mon assise locale ». Comme tout militant, Samuel Landier participe aux distributions de tracts, au porte-à-porte. Tout en ressentant des freins à la relation du fait de sa cécité : « C’est moi qui dois aller vers les gens, alors que j’ai du mal à fonctionner comme ça dans les réunions publiques. À la longue, les gens viennent me voir. Mais le regard sur la cécité influe beaucoup, il faut que je travaille sur la prise de contact, sans aller trop vite en besogne ».

S’il estime que le fait que le Gouvernement du Royaume-Uni ait eu durant plusieurs années un ministre aveugle (David Blunkett) n’a pas influé sur la perception des citoyens français, quant aux capacités politiques d’un déficient visuel, Samuel Landier considère plutôt négativement l’action du chanteur Gilbert Montagné : « Il n’est pas pris au sérieux, son personnage fait rire alors qu’il a une force d’intervention auprès des médias. Cela ne nous aide pas. Au quotidien, c’est gênant et ça conforte les clichés sur la dépendance, le manque d’ouverture de l’aveugle. Alors qu’il suffit de regarder autour de soi pour relativiser, et prendre ce que l’on a en tenant compte de ce qu’il y a autour ! ». Samuel Landier encourage les autres à agir : « Il serait intéressant que les personnes handicapées s’engagent davantage dans les partis politiques, même si ce n’est pas toujours vivifiant, pour faire entendre ce qu’elles vivent ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2008.

PS : Samuel Landier n’a pas été investi par les militants socialistes pour l’élection législative de juin 2012, a été élu au Conseil Départemental de Loire-Atlantique en mars 2015, puis a quitté le Parti Socialiste en mai 2018.

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