Valérie Maria, née à Cannes-Ecluse (77) et jeune quadragénaire, a rencontré le handicap après la naissance de sa fille, en 1989; les médecins lui diagnostiquèrent alors une myopathie dont l’évolution par paliers l’a conduite à ne plus pouvoir se déplacer qu’en fauteuil roulant électrique. Rapidement, après ses premiers déboires en matière d’accessibilité, elle s’est investie au sein de l’Association des Paralysés de France. Valérie Maria ne travaille pas, son baccalauréat de comptabilité ne l’ayant pas conduit vers l’emploi. Outre ses fonctions électives, elle se consacre à son foyer conjugal et à sa fille.

Elle s’est tournée vers l’action publique par un concours de circonstance : « Le Maire de l’époque s’était assis sur un fauteuil roulant et y avait passé une journée entière, ça lui a ouvert les yeux. C’était mon ancien instituteur. A mon tour, j’ai voulu me rendre utile et apporter des idées nouvelles, je me suis présentée sur la liste opposée lors des élections de 1995 ». Comme il est de règle dans les petites communes (Cannes-Ecluse compte 2.600 habitants), le scrutin avec panachage des listes a entraîné l’élection de Valérie Maria. « Je n’ai pas d’appartenance politique, de même que la municipalité, on oeuvre ensemble pour le bien commun. Durant mon premier mandat, je me suis consacrée à la petite enfance, avec le souci de l’accessibilité ». Depuis, elle a obtenu la réalisation de travaux d’aménagements : abaissés de trottoirs, rampes d’accès notamment à l’Hôtel de Ville, qui dispose également de toilettes adaptées mais pas d’un ascenseur pour se rendre à l’étage : « Il y a d’autres priorités pour la commune, je n’en ai pas fait la demande et ça n’a pas d’utilité ». En pratique, les réunions du Conseil Municipal ou des commissions se déroulent dans une salle en rez-de-chaussée.

Après un premier mandat de conseillère municipale, de 1995 à 2001, Valérie Maria a accepté la fonction d’adjointe que le Maire lui a proposée après sa réélection en 2001 : « J’ai longuement réfléchi avant d’accepter. Je connaissais déjà le domaine, cela m’a simplifié la tâche. Ma délégation porte sur la petite enfance, l’école, les associations et l’animation. Je me fixe des objectifs et je m’y tiens, même si obtenir des résultats est parfois difficile. Il faut savoir recommencer ».

Elle participe également à la Commission Environnement et Tourisme de la Communauté de communes des deux fleuves (14 communes) dont les réunions se déroulent à Cannes-Ecluse, la salle ad hoc de Montereau étant inaccessible. Valérie Maria s’efforce de faire comprendre les enjeux de l’accessibilité : « Je discute beaucoup avec les élus, j’ai du mal à leur faire comprendre le besoin de mettre en accessibilité; nous n’avons pas la même conception du confort. Cela fait trois ans que je demande la création, à Cannes-Ecluse, d’un abaissé de trottoir que la Communauté refuse. Les gens sont individualistes ».

Valérie Maria est à l’aise dans ses fonctions : « J’ai eu moins de difficultés à m’intégrer à la municipalité qu’à l’A.P.F ! Dans la Seine-et-Marne, la Déléguée n’avait que faire des bénévoles. Aujourd’hui, je participe à des réunions mais je ne m’investis plus dans l’association ». A Cannes-Ecluse, cela se passe nettement mieux : « Après une première cérémonie, l’estrade sur laquelle se tenaient les conseillers a été supprimée. Toutes les cérémonies se font désormais de façon à ce que je sois parmi les autres conseillers ». Elle se rappelle également qu’au début, les employés de Mairie étaient un peu trop prévenants : elle leur a expliqué qu’elle tenait à faire ce qui était à sa portée, ne demandant d’aide qu’en cas de besoin.

Parmi les projets sur lesquels Valérie Maria travaille, figure le développement de voies vertes sur les berges de l’Yonne, aménagées également pour des personnes handicapées motrices. Des personnes qu’elle ne voit pas lors des manifestations organisées par la Municipalité, alors que des personnes âgées y participent, en venant sur leur fauteuil roulant. Valérie Maria déplore l’absence des personnes handicapées dans sa ville, recluses chez elle alors que des activités leur sont ouvertes. Et elle s’interroge sur le sens de l’action à conduire : « Quelque part, c’est un échec. On agit pour des personnes qu’on ne voit pas. On fait des spectacles gratuits, on voit tout le monde sauf les personnes handicapées de la commune. Je souhaite qu’un maximum de personnes handicapées s’investissent dans la vie communale, pour dépasser le handicap et se sentir utiles. C’est à elles de faire la démarche, comme je l’ai fait auprès de l’ancien Maire. Si ma santé me le permet, je repartirai pour un troisième mandat en 2008. Ma fille, maintenant âgée de 20 ans, me dit de continuer. Et je me sens utile »…

Laurent Lejard, février 2006.

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