Un portique, sept modules enchaînés, des panneaux explicatifs, quelques accessoires, un jeu de rôles, voici le Surdimobil. En 1995, ce parcours découverte de la surdité et de ceux qui la vivent a été créé au Foyer des sourds de Liège (Belgique) lors d’une semaine portes ouvertes. Le succès de cette première présentation a conduit ses initiateurs à professionnaliser et faire voyager le Surdimobil. L’an prochain, il sera peut-être installé dans un semi-remorque afin de multiplier les présentations itinérantes : telle est la promesse d’un sponsor, Electrabel. D’ici là, des rendez-vous prestigieux sont prévus : Washington en juillet 2002, pour les festivités Deaf Way, et Montréal en juillet 2003 pour le Congrès Mondial des Sourds.

Le parcours.


Vous passez un portique métallique pour être coiffé(e) d’un casque « assourdissant », du type de ceux qui sont utilisés par des travailleurs lors de travaux bruyants. Presque coupé(e) de l’environnement sonore, vous parcourez les modules dont chacun présente un thème. Le premier donne des notions des techniques employées par les sourds pour communiquer : lecture labiale, langue des signes, systèmes de télécommunication, et présente quelques aides techniques (signaux lumineux et vibrants pour remplacer les appels sonores dans une maison comme la sonnette, le réveil, le bébé qui pleure, etc.)

Le second module vous fait entrer dans le vif de la communication et de l’accès à l’information: vous êtes à un guichet, vous devez acheter un voyage, vous êtes sourd(e), débrouillez- vous! Ce jeu de rôle place deux personnes, un sourd et un visiteur, dans une situation d’échange qui oblige chacun à tenter de comprendre l’autre. A leurs cotés, une télévision diffuse des émissions sous- titrées ou non. Vous découvrez ensuite l’histoire des sourds, et les personnalités qui ont agi sur leur perception par la société, et êtes invité(e) à vous exprimer au moyen de la langue des signes…

Le quatrième module vous introduit dans la vie professionnelle, par la désignation d’emplois possibles ou difficiles à occuper pour un sourd. Ensuite, place au débat avec un interprète : débarrassé de votre casque, c’est le moment d’échanger vos impressions et de demander des précisions. Une Charte des Sourds est affichée, ainsi que des revendications. Le sixième module présente des vidéos sur le mode de vie des sourds et leur culture, le septième expose l’audition sous son aspect médical et les prothèses pouvant en pallier les troubles.

Une militance floue. Le Surdimobil centre sa démonstration sur la langue de signes présentée comme « langue naturelle des sourds ». Cette affirmation prend la forme d’une véritable revendication : Surdimobil est né en Belgique, pays qui ne reconnaît pas officiellement la langue des signes malgré une directive européenne. Mais la démonstration fait quelques impasses majeures, et parmi elles l’absence de précision du nombre de sourds pratiquant une langue des signes par rapport à leur population globale. On estime à environ 100.000, soit la moitié des sourds profonds, le nombre de ceux qui s’expriment au moyen de la langue des signes en France (LSF), seuil en dessous duquel les linguistes estiment qu’une langue est condamnée à disparaître. En l’absence de chiffres précis, et si on applique la même proportion en Belgique, les personnes utilisant une langue des signes devraient être aux environs de 20.000. Mais combien parlent la langue des signes francophone belge, dans un État fédéral qui compte trois communautés et langues officielles, le néerlandais, le français et l’allemand ?

Une question essentielle est évoquée mais laissée en suspens : la langue des signes n’est pas unifiée alors qu’elle aurait pu être une langue universelle parlée par l’ensemble des sourds de la planète. Actuellement, dans de nombreuses régions du monde, les sourds ont inventé leur langue, comme dans une tribu des monts de l’Adamaoua (Cameroun) ou sur l’Ile Maurice (lire cet article consacré au projet Surdinet). Face aux progrès de la médecine et des prothèses, des langues nationales des signes sont menacées de sclérose ou de disparition. On peut regretter que Surdimobil n’ait pas dépassé le stade de la simple revendication nationale pour ouvrir davantage le débat et faire comprendre que les sourds pourraient avoir un avantage particulier : être compris par d’autres sourds, où qu’ils se trouvent de par le monde, grâce à une langue vivante universelle intégrant les particularismes locaux. Ce rêve est encore à la portée de leurs mains…

Laurent Lejard, février 2002


Pour en savoir plus : Surdimobil asbl, rue de l’avenir, 75, 4460 Grace-Hollogne (Belgique). Tél. fax: (00) (32) 43 44 05 30. Email : surdimobil@skynet.be.

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