Didier van Cauwelaert ne débarque pas dans le milieu de la déficience visuelle version chien-guide, il connaît bien : « Les chiens d’aveugles sont l’une de mes premières passions de ma vie, explique-t-il à la fin de son roman, Jules paru chez Albin Michel. J’ai découvert leur univers à douze ans, en jouant dans des pièces destinées à financer leur formation. » Il est également l’un des fidèles de l’association Lire dans le noir dans laquelle on retrouve la journaliste Sophie Massieu, qui a inspiré le personnage de la maîtresse (Alice) du chien guide Jules. Jules, un chien symbiotique et devin, pétri d’indépendance et pourtant entièrement dévoué à sa maîtresse. Jusqu’à ce qu’une opération des yeux rende à Alice la vue perdue par un jet d’acide. Sauf qu’un humain un peu paumé sauve Jules d’un enfermement en plein chambardement prévisible de la vie d’Alice et que l’on est dans un roman trépidant…

Question : Jules, c’est un chien que vous avez connu ?

Didier van Cauwelaert : J’ai connu plusieurs chiens d’aveugles, je me suis inspiré de plusieurs, mais j’ai inventé Jules tel qu’il est.

Question : 
Un chien devin, qui va influer sur la vie des personnes qu’il va croiser, ça n’existe pas vraiment ?

Didier van Cauwelaert : 
Si bien sûr, ça existe. Tout ce que je raconte, notamment à la fin sur les chiens détecteurs de crises d’épilepsie, est une formidable réalité. En France, ce n’était pas du tout connu. Comme je suis parrain de la Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie, je suis en train de mettre sur pied l’organisation nécessaire pour détecter et former les chiens utiles aux épileptiques, comme cela se passe aux États-Unis, au Canada ou en Angleterre.

Question : 
Vous êtes un également compagnon de route de l’association Lire dans le noir…

Didier van Cauwelaert : 
Oui, c’est là que j’ai enregistré mes livres pour les non-voyants, et que j’ai rencontré la journaliste Sophie Massieu qui a inspiré le caractère d’Alice.

Question : 
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’introduire un personnage de journaliste aveugle qui retrouve la vue ?

Didier van Cauwelaert : 
J’avais déjà la situation, j’avais mon personnage, et je n’avais pas vu depuis longtemps Sophie Massieu. Je l’ai retrouvée devant RTL l’an dernier avec son chien Pongo qui allait prendre sa retraite. C’est justement un clin d’oeil par rapport au livre que j’avais en cours, je savais qu’Alice était peintre, je cherchais un petit boulot pour elle, et finalement elle est voix de radio. C’est l’interférence de la réalité dans un roman en cours !

Question : 
L’un des personnages est un médecin comportementaliste gourou, vous l’avez rencontré ou est-ce un personnage de pure fiction ?

Didier van Cauwelaert : 
J’ai cru que c’était un personnage de fiction… Je sais qu’il existe des médecins comportementalistes, c’est très à la mode. L’un d’eux, en lisant le roman, a cru se reconnaître et a parlé de moi à la radio ! C’est une profession très en vogue, très lucrative, et en même temps qui fait du bien aux bonnes personnes même si c’est parfois exagéré. Il y a toute cette ambiguïté dans ce personnage, sur l’interprétation de la réaction des chiens, des animaux en général.

Question : 
Depuis la parution de Jules, quelles sont les réactions de lecteurs qui vous ont particulièrement marqué ?

Didier van Cauwelaert : 
C’est le bonheur ! Tout le monde me dit « merci de ce roman qui rend heureux » ! La critique est particulièrement militante par rapport au ton du livre, à l’état d’esprit, au regard sur la société, sur la faculté de rebondissement. J’ai vu dans plusieurs salons du livre des familles d’accueil de futurs chiens guide qui sont venues me remercier de parler d’elles. En fait, c’est quelque chose que j’ignorais, le manque de familles d’accueil. Le manque de chiens guide, c’est une évidence, 2.500 chiens disponibles pour 110.000 aveugles et deux millions de malvoyants. Mais le manque de familles d’accueil, simplement parce que les gens ne pensent pas que c’est possible d’être candidat et de recevoir des chiens… Donc le livre a suscité des vocations, notamment chez les gens qui reculent devant l’idée d’avoir un chien tout le temps, quoi en faire pendant les vacances, le travail et tout, alors recevoir un chien le week-end pendant sa formation est quelque chose à la fois très utile et qui apporte beaucoup.

Question : Donc Jules est un roman qui rend heureux et qui est aussi très utile ?

Didier van Cauwelaert : 
C’est ce que les gens me disent; c’est ce que j’espérais. De toute façon, la manière de regarder les non-voyants et les chiens guides en situation dans un roman peut permettre de comprendre mieux de l’intérieur ce qui se passe entre eux. Et il y a des détails très techniques, par exemple les gens ont souvent tendance, lorsqu’ils voient un chien d’aveugle, à s’attendrir, à le caresser, à capter son attention : je rappelle qu’il ne faut pas le déconcentrer parce que cela fait partie de son dressage, on l’oblige à contraindre sa nature qui est d’aller spontanément vers l’être humain sauf lorsqu’il est avec le harnais. C’est poser un problème psychologique au chien que de le caresser lorsqu’il travaille.

Question : On pourrait retrouver Jules dans ses aventures de chien d’alerte ?

Didier van Cauwelaert :
 Je ne sais pas. C’est une question qu’on commence à me poser. Je ne l’avais pas prévu, je ne sais pas trop… Jules va revenir sous une autre forme ! Pour écrire un roman, il ne suffit pas d’en avoir l’envie, il faut que la nécessité s’impose. Je ne sais pas encore, mais pourquoi pas ?


Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2015.


Jules, par Didier van Cauwelaert, éditions Albin Michel, 19,50€ en librairies.

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