Tous les jours, la presse apporte son lot d’informations sur les chantiers d’accessibilité entrepris sur le territoire national. Il est fréquent d’y lire le désarroi des élus locaux et des entrepreneurs confrontés à une réglementation et à des normes d’accessibilité qu’ils comprennent mal. Face à eux, une myriade de sociétés plus ou moins sérieuses assure des prestations de diagnostic, de conseil et de maîtrise d’ouvrage.

Aucune association nationale de personnes handicapées n’avait investi ce terrain, jusqu’à ce que l’une des organisations membres de la Fédération des Aveugles de France (FAF) décide de créer un service spécialisé : baptisé Argos Services (pour Accessibilité Repérage Guidage Orientation Sécurité) il est géré par l’Association des Aveugles d’Alsace-Lorraine (AAAL) dont le siège est à Strasbourg. « On travaille pour et par les personnes handicapées, avec une vingtaine d’organisations partenaires, explique le directeur d’Argos Services, Denis Leroy. On oeuvre essentiellement sur les handicaps visuels et cognitifs, en développant également des produits adaptés. On ne réalise pas de diagnostic d’accessibilité parce que l’on ne veut pas être juge et partie. On fait de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, de la conception, de la recherche-développement comme on peut le voir dans le Home Lab de l‘Institut de la Vision à Paris. On va jusqu’à la fabrication dans nos ateliers et la commercialisation en collaboration avec des industriels. On les conseille sur l’évolution des besoins des personnes déficientes visuelles ». Par exemple, les plaques murales signalétiques de la gamme Jericho ont un marquage braille sur le rebord supérieur, ce qui facilite la lecture à plat grâce à une position horizontale du doigt.

L’AAAL gère deux entreprises adaptées et trois centres de distribution de travail à domicile, qu’elle met naturellement à contribution pour fabriquer certains des produits du catalogue d’Argos Services. Cet ouvrage, de plus de 200 pages, référence des matériels et équipements d’accessibilité de la voirie, d’établissements recevant du public ou d’immeubles de logements, présente la réglementation ainsi que des conseils de conception, d’aménagement, de réalisation. »On a une loi handicap depuis 2005 qui a décidé de mettre notre pays en accessibilité, poursuit Denis Leroy. Il me paraît très légitime que des associations travaillent dans ce domaine. Et c’est presque un marché réservé : la loi va faire évoluer les produits et les matériels, les usagers ne doivent pas être simplement spectateurs mais acteurs de ces changements. Je trouve cela très noble ». Dans le domaine de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, Argos Services travaille essentiellement en Alsace, mais a également oeuvré sur une agence Pôle Emploi à Nantes (Loire-Atlantique), sur l’Institut de la Vision à Paris, bientôt sur le siège national de l’Association Valentin Haüy (AVH).

Président de la Fédération des Aveugles de France, Vincent Michel appuie politiquement la démarche : « Nous nous sommes aperçus que l’accessibilité était le plus souvent traitée par de grands cabinets privés qui maîtrisent relativement peu les techniques nécessaires aux personnes handicapées. Des entreprises qui sont là, appelons les choses par leur nom, pour faire de l’argent et profiter de la loi. Il nous est apparu nécessaire que les déficients visuels et leurs collaborateurs prennent en main ce dossier qui est vital pour nous puisqu’il concerne la vie quotidienne ». Pour l’instant, la FAF et Argos Services n’ont pas fait l’objet « d’attaques » de la part des professionnels, mais cette situation pourrait changer en fonction de l’évolution du marché de l’accessibilité : « Si on est un peu trop présents, je pense que cela ne tardera pas à venir, estime Vincent Michel. Le secteur associatif doit investir ce domaine et ne pas le laisser exclusivement au secteur commercial. Mais cela n’exclut pas le secteur marchand : la présence des associations doit être stimulante et nous permettre d’avancer dans le domaine de la recherche. C’est nous qui sommes au contact des personnes handicapées, avec elles nous pouvons éprouver les systèmes que nous proposons, et après, tant mieux si les sociétés commerciales les reprennent et les développent sur l’ensemble du territoire. »

Laurent Lejard, décembre 2010.

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