Lala a laissé pour plusieurs mois femme et enfants à Hyères-les-Palmiers, ville varoise dans laquelle il réside habituellement. 25 ans après sa cécité, survenue brutalement lors d’un accident de chasse qui faillit lui coûter la vie, il a décidé d’apprendre le braille et suit des cours au siège de l’Association Valentin Haüy à Paris. A 45 ans, Lala commence à accepter d’être aveugle. Né en Algérie, il est arrivé bébé en France et y a vécut en permanence, hormis les périodes de vacances. Vacances qu’il ne prend plus en Algérie depuis une quinzaine d’années, à cause des troubles qu’a connu ce pays. Alla est un prénom atypique pour un homme d’origine maghrébine : « Il a plu à mon père, je crois que l’idée lui est venue de marins grecs ». Est-ce ce prénom court, qui se prête à la facétie, qui a influencé la vie de Lala ? « J’ai toujours été un déconneur. J’improvise, je pars d’un fait, et je fais rire avec ça. Je le faisais avant ma cécité, j’ai gardé cet aspect de mon caractère. J’écris mes sketches, le premier était sur le chien guide ». Lala parle des aveugles, des autres personnes handicapées, des beurs, des paysans. Une petite société qu’il tourne gentiment en dérision, en renvoyant aux spectateurs leur perception habituelle de ces catégories de la population.

« J’ai débuté sur scène à Toulon en 1999, avec un sketch dans lequel je tournais en dérision un militaire algérien ». Lala joue avec les accents: le sien d’abord, et celui des méridionaux, des noirs africains ou des maghrébins résidant en France. Actuellement, il a écrit et peut jouer treize textes; le personnage qui revient le plus souvent c’est l’aveugle. Son séjour prolongé à Paris lui permet de participer à des tremplins, des scènes ouvertes comme au Point Virgule ou au Trévise: « Faire son trou dans le spectacle n’est pas évident. Ce travail est une occupation, une bouffée d’oxygène qui m’a permis de revivre, séduire le public, exister en étant présent. Découvrir la scène et le public, c’est comme redécouvrir la lumière. Ça donne de grandes sensations. Tu écris un sketch, tu montes sur scène, tu peux pas imaginer, je le ressens mieux que si je voyais ! Ça donne envie de vivre, les gens parlent avec toi, tu oublies ton handicap, tu es à l’égal des autres. La cécité infériorise. Pour la surmonter, il faut faire aussi bien qu’un voyant ».

A Marseille, au Quai du rire, Lala a fait une entrée « au noir », la lumière des projecteurs s’est allumée une fois qu’il fut assis, les spectateurs ne pouvant deviner que le comique aux lunettes noires qui leur parlait était aveugle : « Ça m’a beaucoup plu. Le public a réagi comme avec un autre artiste. Nous, les aveugles, on est capable de monter sur scène. On se recroqueville dans notre coquille, je veux la faire péter. Les aveugles sont très fiers de mon travail. C’est un étendard. Ils me demandent de venir animer des soirées, des fêtes… »

Les sketchs de Lala sont bien perçus par le public : « On me dit qu’ils ‘percutent’ tous. Les spectacles que j’ai faits m’ont donné envie de prendre des cours de théâtre. Quand on perd la vue, on perd aussi des gestes et des attitudes, on est plus raide, rigide. Pour corriger cela, je demande à ma famille, aux amis, il me faut un feed- back visuel ». L’une de ses amies comédiennes, Elisabeth Edde dite Carats trouve que « par rapport à un voyant, Lala a un ‘plus’ parce qu’il ne se laisse pas déconcentrer. Ça lui donne plus d’impact sur scène. Il a une présence, il capte l’attention, on en oublie le texte »…

Laurent Lejard, avril 2005.


Le spectacle de Lala, « C’est vous qui voyez », s
era présenté au Point Virgule, 7 rue Sainte Croix de la Bretonnerie à Paris le 5 juin 2005 à 19h45.

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