La péninsule du Yucatán, dans le sud-est du Mexique, a été le théâtre, il y a 65 millions d’années, du plus fameux cataclysme de l’histoire terrestre, lorsqu’une météorite d’une dizaine de kilomètres s’y est écrasée, entraînant l’extinction des dinosaures. Le cratère, dit de Chicxulub (prononcer tchic-tchouloub), découvert par les scientifiques à la fin des années 1970 au nord de la péninsule, fait environ 180 km de diamètre. Situé en majeure partie dans les eaux turquoises du Golfe du Mexique, il n’est plus visible, même d’avion, mais sa toponymie maya (« La queue du diable ») en porte encore la trace.

Car le Yucatán est le berceau d’une civilisation qui a brillé du IIIe au Xe siècle avant de décliner lentement, du fait conjugué de plusieurs facteurs néfastes : déforestation et appauvrissement des sols, crise économique, conflits entre cités, dépeuplement… Lorsque les Espagnols débarquèrent, au XVIe siècle, les Mayas, installés sur les côtes, avaient depuis longtemps abandonné leurs cités-états et leurs cultes : ils n’offrirent guère de résistance à l’envahisseur, contrairement aux Aztèques (qui s’appelaient eux-mêmes Mexicas, d’où le nom du pays). Circonstance fortuite : l’apparition des conquistadores s’inscrivait dans la mythologie maya, qui annonçait l’arrivée imminente des dieux après la fin du monde…

Site emblématique mondialement célèbre, Chichén Itzá est un incontournable dont la visite ne pose aucun problème majeur en terme d’accessibilité si l’on fait exception de l’escalade des monuments… qui est désormais interdite. Un parking réservé est disponible près de l’entrée, une rampe permettant d’atteindre l’esplanade sur laquelle se trouvent les constructions. Côté équipements, on trouvera également des toilettes adaptées ainsi qu’un prêt de fauteuil. Pas de tarif spécifique mais les prix, au Mexique, sont tout à fait raisonnables. Le site principal est plat (une dalle de bitume rouge recouvrait l’ensemble à l’époque maya) et l’on souffre davantage de la chaleur et du manque d’ombre (prévoir une visite matinale) que des inégalités du sol. Pour le reste, une fois dispersés les groupes de touristes, la magie et l’émerveillement sont intacts.

Contrairement aux pyramides d’Égypte, celles d’Amérique Centrale et du Sud ne sont pas des tombeaux mais des lieux de culte. Elles ne contiennent donc rien sinon, à l’instar des poupées russes, le temple plus ancien sur lequel elles ont parfois été bâties. Quant à la symbolique architecturale, elle est si riche (les Mayas étaient d’excellents astronomes) qu’un article entier n’y suffirait pas : suivez ce lien pour plus de détails.

L’un des rites mayas les plus frappants (c’est le cas de le dire) est le jeu de pelote, musicalement appelé Pok-Ta-Pok. Pratiqué en public sur de vastes terrains enceints de murs, il consistait à faire passer une lourde balle dans un cercle de pierre, sans s’aider des mains. Plus qu’un simple jeu (qu’il pouvait être, par ailleurs), il symbolisait la cosmogonie (la balle figurant le soleil, le terrain représentant notre monde, situé entre le Ciel et les Enfers) et servait d’oracle que les prêtres déchiffraient. La partie cessait dès qu’une balle traversait l’un des cercles. Honneur suprême, les vainqueurs étaient décapités et leur tête exposée sur un autel ad hoc. Barbare ? Que dire alors des « raffinements » en usage en Europe à la même époque… On retrouve autant de Pok-Ta-Pok dans les cités mayas que d’amphithéâtres dans nos villes antiques, et si la symbolique maya nous déconcerte, songeons à la nôtre…

Moins touristique et plus ombragée que Chichén Itzá, Uxmal (prononcer ouchmal) est également moins carrossable en fauteuil roulant, même si des toilettes adaptées ont été récemment aménagées à l’entrée du site. On accède par une longue rampe assez pentue et les ruines, spectaculaires, se laissent plus péniblement approcher lorsque l’on éprouve des difficultés motrices. Mais l’enjeu en vaut la chandelle : veillé par des dizaines d’iguanes qui y adorent le soleil paisiblement et en toute liberté, l’endroit compte une imposante pyramide, un Pok-Ta-Pok et de nombreux édifices civils et religieux richement décorés. Le splendide Palais du Gouverneur devrait bientôt être accessible par rampe mais rien n’est encore prévu, hélas, pour le célèbre Quadrilatère des Nonnes dont la richesse ornementale en fait l’un des sommets de l’art maya.

Plus au sud de la péninsule, Edzna est davantage « roulable » à équipement égal (toilettes accessibles, parking). Et peut-être plus romantique, car peu fréquentée : l’endroit idéal pour méditer (à l’ombre) sur le destin des civilisations…

Les Mayas d’aujourd’hui, toujours majoritaires dans le Yucatán, considèrent leur passé avec fierté mais sans arrogance. Leur regard sur le visiteur étranger, handicapé ou pas, est empreint de bonhomie : on vous salue dans la rue, on vous vient spontanément en aide et l’on apprécie les quelques mots d’espagnol que vous n’aurez pas manqué d’apprendre avant le départ… L’anglais, par ailleurs, est assez répandu, même si les touristes américains ne sont pas les plus nombreux. Plus généralement, l’industrie touristique n’est guère envahissante en-dehors des grands sites archéologiques et de la côte caraïbe (État du Quintana Roo et plus particulièrement Cancún).

Ce Mexique « différent », on le découvre à Mérida, capitale de l’État du Yucatán. Avec son million d’habitants et son histoire pluriséculaire, elle offre l’atmosphère d’une grande ville tropicale sans les inconvénients des métropoles polluées et socialement violentes du nord. Fondée au XVIe siècle par le conquistador Francisco de Montejo, son plan en damier s’organise autour d’une place centrale où s’élevait jadis une pyramide maya dont les matériaux ont été réutilisés pour construire les différents édifices, dont la très dépouillée cathédrale franciscaine (accessible) et l’impressionnante Maison Montejo (qui ne se visite pas). Ce sont parmi les plus anciens bâtiments édifiés au Nouveau Monde par les Européens.

Atrium et façade de l'église franciscaine d'Izamal

On peut s’attarder à toute heure sous les ombrages du coeur historique mais la ville comporte d’autres quartiers qui s’organisent autour de leurs propres places et églises, où l’ambiance bon-enfant offre l’opportunité de partager un peu de la vie quotidienne des habitants. Des concerts gratuits y sont organisés presque tous les soirs. Spécialité vestimentaire locale importée de Cuba et adoptée par tout le continent : la guayabera, élégante chemise de coton ou de lin particulièrement adaptée au climat chaud. Côté tequila, incontournable mexicain à base d’agave, mieux vaut l’acheter tout simplement en supermarché pour plus de choix à des tarifs raisonnables.

Autre cité construite avec des pierres mayas : Izamal, à quelques kilomètres de Mérida, resplendit de ses murs jaunes à rehauts blancs très photogéniques. Outre une place écrasée de lumière où se croisent, comme au cinéma, habitants vêtus de blanc, vendeurs ambulants et chiens errants, la ville s’enorgueillit d’un immense monastère franciscain construit à l’emplacement d’un temple et précédé d’un « cloître » (qui est en fait un atrium) aux proportions extraordinaires. Le sanctuaire abrite la Vierge d’Izamal, sainte patronne du Yucatan visitée par le pape Jean-Paul II en 1993. On y accède sur le côté par une longue rampe assez forte.

La richesse de la région s’est faite, durant tout le XIXe siècle et la première moitié du XXe, sur l’exploitation intensive d’une variété d’agave dont le nom local, henequén, est moins connu à l’étranger que celui du port depuis lequel ses fibres, utilisées notamment pour confectionner des cordages, étaient exportées : Sisal. Tuée par l’arrivée des matières synthétiques, cette industrie ne subsiste plus qu’à l’échelle artisanale (notamment pour la confection de hamacs) mais elle a laissé de nombreux témoignages architecturaux dans Mérida et en dehors. Les (très) riches planteurs, qui passaient le plus clair de leur temps aux États-Unis ou en Europe, ont en effet élevé de véritables palais à leur propre gloire sur le large Paseo de Montejo (que les habitants comparent à nos Champs-Élysées) et au coeur de leurs immenses domaines. Si la plupart des demeures urbaines ne peut être admirée que de l’extérieur, on peut en revanche visiter, voire séjourner dans certaines haciendas.

L’hacienda Sotuta de Peón, par exemple, a été transformée en écomusée. Une splendide maison coloniale entièrement meublée, largement ouverte sur un jardin paradisiaque qui aurait fait le bonheur du Douanier Rousseau, y règne sur une exploitation comprenant une usine de transformation du sisal, en fonctionnement. Tout a été restauré, y compris la petite ligne de chemin de fer qui permet à un wagon tracté par une mule de parcourir quelques kilomètres au milieu des agaves, jusqu’à un cenote (gouffre) dans les eaux mystérieuses duquel il est possible de se baigner. À mi-chemin, on laisse la mule reprendre son souffle en visitant, en langue vernaculaire, la reconstitution d’une hutte maya. L’accessibilité d’ensemble laisse à désirer (nombreux transferts, escaliers, etc.) mais l’intérêt de l’endroit compense d’autant mieux le désagrément que l’accueil est vraiment attentionné. Repas possible sur place : une bonne occasion de s’initier à la gastronomie locale et aux mille et une manières d’accommoder la tortilla (galette de maïs) !

Hacienda Uayamon

D’autres haciendas, telles la San José ou la Uayamon, ont été converties en hôtels de (grand) luxe et figurent en bonne place dans les catalogues des voyagistes haut de gamme et les livres de décoration. De véritables édens tropicaux perdus en pleine forêt, bercés par le chant des oiseaux, où l’on aimerait oublier qu’il faut disposer de beaucoup de temps… et d’argent pour espérer en profiter pleinement ! L’inoubliable a un prix (proche de nos hôtels 4 étoiles) mais c’est une folie que l’on peut néanmoins s’offrir pour une nuit ou deux. Certains établissements sont de plain-pied, donc raisonnablement accessibles en fauteuil roulant, et avec aide pour les services annexes.

Les amateurs de luxe ignorent le nom de Bécal, petit village situé à la frontière entre l’État du Yucatán et celui de Campeche (prononcer campètché), mais ils connaissent nécessairement celui du roi des chapeaux, panama, dont certains des modèles les plus fins sont fabriqués ici et exportés (avec une marge confortable) vers le monde entier. Les conditions climatiques particulières à l’Amérique Centrale permettent de travailler la fibre extraite d’un palmier (Toquilla) cultivé localement sous l’appellation de Jippi-jappa. Le prix est fonction de la finesse et donc du nombre de fibres nécessaires à la fabrication, et du temps passé à la réalisation : jusqu’à quinze jours pour les panamas les plus fins. Nul doute que vous trouverez le vôtre chez l’un des artisans du cru.

San Francisco de Campeche, capitale de l’État, est une ville à taille humaine située sur le littoral du Golfe du Mexique. Elle est parmi les (très) rares cités du continent enceintes de murailles, et la seule du pays. Sa richesse en faisait une cible de choix pour les pirates ! Désigné Patrimoine mondial de l’Unesco en 1999 (aux côtés, entre autres, de Chichén Itzá et d’Uxmal), le centre historique, qui a fait l’objet d’une mise en lumière particulièrement réussie, est remarquablement préservé sans verser dans la restauration à outrance ou les travers du tourisme de masse : certes les façades, harmonieusement colorées, peuvent parfois paraître un peu trop « fraîches », mais les Campechanos habitent ces maisons et les commerces traditionnels sont encore majoritaires.

Ne manquez pas, sur la place centrale, la Casa 6, ancienne maison coloniale (accessible) transformée en musée. La cathédrale franciscaine, quant à elle, est accessible par rampe. Le reste de la voirie, comme ailleurs au Yucatán, est aléatoire : abaissés de trottoirs parfois décalés, pavés cahoteux, etc. Mais, avec aide, on s’en accommode.

À l’instar des autres villes de la péninsule, Campeche offre une ambiance festive et débonnaire où l’on se sent bien et où il est agréable de se mêler à la foule, partager ses plaisirs, ses restaurants, sa musique. En dehors du centre historique, on peut également faire une longue et splendide promenade (aménagée) en bord de mer, sur le malecón : émotion garantie lors du coucher de soleil, et nombreux stationnements réservés… respectés. La ville compte, par ailleurs, de multiples musées, accessibles avec aide pour la plupart, dont certains installés dans d’anciens bastions. Ne manquez pas, sur les hauteurs, le musée maya du fort de San Miguel : ses collections, qui voyagent dans le monde entier, sont d’une richesse à faire pâlir les plus grands musées occidentaux.

La richesse la plus remarquable de cette destination (pas si lointaine : des vols directs existent pour Cancún) reste néanmoins la qualité de l’accueil, atout appréciable lorsque l’on appartient à la catégorie des voyageurs handicapés : ajoutez-y la beauté des sites et des paysages, et l’été perpétuel… Alors, on part quand ?

Jacques Vernes, avril 2008.

Sur le web, le site du secrétariat du tourisme de la province du Yucatán propose en français une information généraliste mais sans mention d’accessibilité. Idem pour le site Campeche Travel (en espagnol et en anglais seulement) ainsi que pour le portail officiel Visit Mexico.

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