Le Maroc reste à juste titre l’une des destinations touristiques préférées des Européens : le climat y est agréable, l’accueil chaleureux, la vie peu onéreuse, les paysages et les architectures magnifiques. De nombreux Tours Opérateurs proposent des « tout en un » qui se résument souvent en de simples séjours en hôtels clubs, ou des circuits au cours desquels on peut avoir l’impression frustrante d’avoir simplement « effleuré » le pays (et accessoirement accumulé de la fatigue). Le Royaume Chérifien mérite pourtant que l’on s’y attarde et que l’on ose y sortir du cocon illusoire des voyages organisés.

Agadir. Point de chute des voyageurs qui y atterrissent (débarquement sur le tarmac et assistance peu professionnelle), la capitale régionale ne présente d’autre intérêt que de servir de base de départ à la visite du sud Marocain. La ville, entièrement reconstruite après le terrible tremblement de terre qui l’a quasiment rayée de la carte le 29 février 1960, n’a plus guère que sa plage à offrir, et sa très belle baie (découvrez en ici une vue panoramique). L’infrastructure hôtelière y est la première du pays en importance et offre un éventail de choix qui va de la résidence de grand luxe fonctionnant en vase clos au petit hôtel désuet (mais toujours propre). Quelle que soit votre option, vous vous garderez simplement de boire l’eau du robinet y compris en vous lavant les dents, vous n’oublierez pas votre crème solaire (même en hiver) et vous veillerez, si vous possédez un fauteuil roulant, à être accompagné(e) dans vos déplacements en ville : les trottoirs sont très hauts (sans abaissés) et, plus généralement, l’accessibilité aléatoire. Il est néanmoins possible d’accéder à la plage au moyen de rampes larges. Sachez que les « petits taxis » (orangés) sont très nombreux et bon marché; convenez cependant à l’avance du prix de la course.

Agadir est un grand port de pêche. Les plus téméraires pourront aller visiter sa Criée aux poissons, riches en couleurs… et en odeurs! Les autres se satisferont sans doute de contempler le port depuis le rocher, ancienne médina détruite qui offre une vue imprenable sur la région. En contrebas, un paysage de steppe, espace préservé et inconstructible, rappelle l’emplacement de l’ancienne cité ravagée. La ville nouvelle évoque irrésistiblement les stations balnéaires européennes, les palmiers, les massifs d’ibiscus et de bougainvillées en plus! Comme partout, attendez- vous à être assailli(e) de vendeurs et quémandeurs en tous genres, parfois très jeunes; il vous faudra rester souriant(e)… mais ferme. Côté finances, inutile de vous encombrer de chèques voyages ou même d’euros, une carte de crédit internationale suffit (acceptée dans la plupart des commerces) et les distributeurs de billets ne manquent pas. Le Dirham, monnaie locale, équivaut à 10 centimes d’euros.

Côté shopping, ne vous attendez pas à des miracles (la plupart des produits proposés se retrouvent en Europe à des prix similaires pour une qualité meilleure) et évitez la prétendue « Médina d’Agadir », piège à touriste néo- orientaliste et hors de prix situé loin du centre. Vous vous en rendrez compte très vite, Agadir ne vaut vraiment que pour son climat et son bord de mer : les couchers de soleil y sont inoubliables…

Les remparts de Taroudannt. © François Nagot.

Taroudannt. A environ deux heures de voiture (ou de bus) au sud- est d’Agadir, la majestueuse cité, dont les remparts en pisé se découpent sur les contreforts de l’Atlas, offre un réel dépaysement. La voie qui y conduit traverse en outre des paysages somptueux. Elle est bordée d’arganiers à perte de vue, sur lesquels les chevriers font parfois paître leurs bêtes. On tire des noyaux des fruits de cet arbre une huile à l’odeur très forte et aux vertus réputées nombreuses. Évitez cependant d’en acheter aux marchands qui en proposent aux bords des routes : les mixtures qu’ils vendent sont au moins aussi hasardeuses que la circulation ! Le code de la route semble en effet très optionnel dans un royaume où les accidents ne sont pas rares malgré une police très présente. On double quand et où l’on veut, parfois même sur le bas- côté. Chacun vous le dira : ne conduisez pas de nuit ! Et ne vous étonnez pas de croiser nombre d’immatriculations familières (principalement françaises et allemandes), beaucoup de Marocains émigrés reviennent au pays pour les vacances et empruntent, à l’instar des touristes européens, les ferries débarquant à Tanger.

Encore préservé du tourisme de masse, le dédale de ruelles de Taroudannt abrite de multiples surprises : échoppes et petits métiers, restaurants minuscules, habitants en grande conversation sur le pas de leur porte, enfants allant ou revenant de l’école, costumes traditionnels, antiques mobylettes pétaradantes, chariots tirés par des ânes… Si un tour extérieur s’impose pour apprécier la beauté des lieux, il faut oser franchir les portes de la casbah quitte à s’y perdre (les sols sont toutefois en très mauvais état). Et n’hésitez pas à pénétrer dans le souk : c’est l’un des rares au Maroc où l’on ne vous importunera pas durant votre promenade au milieu de boutiques dignes des Mille et une nuits. Les fauteuils roulants passent juste, mais ils passent ! Si on vous adresse la parole, ce sera surtout pour mieux vous connaître, savoir d’où vous venez et, parfois, parler ensemble de votre ville : nombreux en effet sont les Marocains qui ont étudié ou travaillé en Europe et ils prennent un plaisir réel à échanger avec leurs visiteurs. Taroudannt la poussiéreuse vous laissera de beaux souvenirs si vous acceptez de vous y attarder à la terrasse d’un café, devant un jus d’orange frais ou un thé à la menthe, vous imprégner de la vie qui y règne en abandonnant toute notion du temps…

Essaouira. © François Nagot.

Essaouira. A trois heures de voiture (ou de bus) au nord d’Agadir, l’antique Mogador excite depuis toujours les rêves d’Orient des occidentaux, qu’ils soient artistes, écrivains ou simples touristes. Au départ d’Agadir, la route sinueuse qui longe l’océan vaut à elle seule le temps qu’il faut pour la parcourir. Aux villas hollywoodiennes, construites à flanc de falaise par des émirs saoudiens ou de riches européens, succèdent de misérables hameaux et d’honnêtes villages de pêcheurs. Pas un arbre sur des kilomètres, un ciel immense et une mer qui roule son écume avec fracas… Après un long passage par l’intérieur des terres au milieu des arganiers (leurs chèvres, leur huile), on finit par déboucher, presque à la dérobée, sur une colline du sommet de laquelle se découpe la silhouette fantomatique d’une ville posée sur la mer : Essaouira, fidèle à son mythe ?

as tout à fait. S’il est exact que le site en est exceptionnel, voire irréel, la ville souffre, dès qu’on s’en approche, de sa trop grande notoriété. Quiconque aura connu le Mont Saint- Michel, Saint- Tropez ou les Baux de Provence un jour d’affluence s’y sentira immanquablement en terrain connu. Certes elles sont bien là, les murailles immaculées, les ruelles, la lumière argentée; il ne manque pas un canon au chemin de ronde ni une barque au port. Le centre historique est piétonnier, débarrassé des voitures et de leur pollution qui rendent les villes du sud parfois difficilement respirables. Mais il ne faut guère chercher l’authenticité et la vie en dehors de certains quartiers miraculeusement préservés: les boutiques et les restaurants à touristes (au sens le plus dépréciatif du mot) sont en effet partout et on entend bien davantage parler anglais, allemand ou français qu’arabe ou berbère.

Les habitants ont été chassés de la médina par une industrie touristique envahissante et par de riches occidentaux qui ont élu domicile (et souvent commerce) là où jadis Nicolas de Stael, Matisse et tant d’autres n’ont fait que passer. Mais il restera agréable de longer les remparts et ses échoppes d’artisans travaillant la racine de thuya – une idée de cadeau – pour accéder au chemin de ronde (accessible par une pente qui nécessite d’être aidé). On y méditera sur les heurs et malheurs de l’influence et des transformations auxquelles, qu’il le veuille ou non, tout visiteur contribue.

Notre périple s’arrête là mais le sud Marocain c’est également Ouarzazate, aux portes du désert, Trafraout, Erfoud, Zagora, la vallée du Drâa, et puis Laayoune, sur la route de la Mauritanie, et la lointaine Dakhla… Autant de noms qui font rêver et de destinations qui illustrent, s’il en était besoin, la nécessité de visiter différemment le Royaume Chérifien pour que le terme même de voyage retrouve cette « splendeur orientale » chère à Baudelaire…

Jacques Vernes, novembre 2003


Vous pourrez consulter utilement les liens suivants pour davantage d’informations sur Agadir et son tremblement de terreTaroudanntEssaouira ou le Maroc en général.

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