L’Inde est, bien plus qu’un pays, un sous-continent couvrant plusieurs méridiens, des sommets de l’Himalaya aux mers tropicales en passant par déserts et rizières. Des milliers de villes, un milliard de personnes, dans un flux ininterrompu de beauté et de misère, et la plus grande dignité qu’il soit donné de voir. Un authentique « choc sensuel » : odeurs, surtout, et couleurs, sons, visions; tout est brillant, vivant, enchanteur ou choquant. L’Inde ne connaît pas le gris, la demi- teinte: elle vous conquerra ou vous insupportera mais ne vous laissera jamais indifférent !

Qui veut la visiter, du reste, sait déjà ce qui l’y pousse mais le risque émotionnel est réel : admirer un temple pendant qu’un gardien chasse les mendiants est fort éloigné de la simple contemplation d’un tableau dans un musée. Et pour un voyageur handicapé, c’est encore plus dur : l’Inde est en effet un pays du Tiers- Monde où la protection des personnes handicapées ne fait vraiment pas partie des priorités… Ceci étant précisé, un touriste en fauteuil roulant ne rencontrera pas autant de difficultés qu’on pourrait s’y attendre.

J’ai à mon actif trois voyages de deux semaines chacun : l’un au Rajasthan (centre- nord) et à Goa (côte est), et deux dans le sud du pays. Dans tous les cas avec accompagnateur(s): indispensable. Nous avons opté pour la formule « vol + circuit en auto avec chauffeur + hôtels réservés à l’avance ». Le mécanisme d’un tel périple est simple et sûr: vos chauffeurs vous prennent et vous ramènent à la porte de l’hôtel. L’itinéraire est établi avec l’agence de voyages, qui prévoit des nuits dans des établissements de luxe. Au- dessous de quatre étoiles, les conditions d’hygiène et d’accueil ne sont compatibles ni avec le handicap ni avec nos standards occidentaux. En outre les prix de ces hôtels sont le quart de ceux pratiqués en Europe, on y est très bien reçu et, avec un peu de chance, on peut même obtenir une chambre spécialement équipée. Seuls points négatifs : des perrons majestueux (difficilement accessibles) et un air conditionné sibérien !

La circulation en Inde est une attraction en soi; le chaos y domine, avec un impératif: passer quoi qu’il advienne et ne surtout pas s’arrêter. Automobiles, bicyclettes, autobus, charrettes à bras, piétons, cyclomoteurs, calèches, camions, vaches, enfants et vendeurs ambulants se frôlent continuellement en un magma unique. A la campagne, ce sont des chariots de foin larges comme la route qu’on découvre au détour d’un virage, des poids lourds renversés au milieu de la chaussée, entourés d’un cercle de pierres, une sorte de triangle qui signifie « il y a eu un incident, tôt ou tard nous le résoudrons, merci entre- temps de ne pas voler les pièces détachées »!

En route, donc, pour le Rajasthan : c’est l’Inde des maharajas, au confluent des civilisations hindoue, musulmane et britannique. Nous sommes partis de New Delhi, la capitale, pour faire escale à Agra et son éblouissant Taj Mahal (mausolée construit au XVIIe siècle par un empereur Moghol en la mémoire de son épouse). Puis ce fut la fascinante ville rose de Jaipur, Udaipur et ses palais fastueux (dont celui, sur le lac, où furent tournées des scènes d’un James Bond, Octopussy), Jodhpur et son imposante forteresse, le désert de Thar, entre l’Indus et les monts Aravalli. Et la lointaine, peu accessible mais unique Jaisalmer…

Le sud du pays, avec sa grande variété de paysages, c’est l’Inde hindouiste, celle qui n’a jamais connu l’influence islamique et très peu l’anglaise. Nous avons atterri à Madras (désormais nommée Chennai), sur la côte de Coromandel, pour rejoindre Kanchipuram, au milieu des saris multicolores, puis Mahabalipuram et ses temples monolithiques posés sur la plage. Nous sommes ensuite descendus vers la fascinante Pondichéry, ancienne colonie française patrie du grand philosophe Sri Aurobindo (1872- 1950) qui y a fondé un ashram toujours en activité. À Thanjavur et sa voisine Tiruchirapalli (ici on dit « Trichy ») nous avons admiré les premiers grands temples dravidiens mais c’est dans la ville sacrée de Madurai (ancienne Madura) que nous avons vu les plus grands (XVIIe siècle). Il faut absolument louer les services d’un guide local pour pouvoir comprendre et apprécier la signification de ces dieux et déesses sur ces énormes portails où grouillent des milliers de personnages dans un triomphe de couleurs et de formes. Avec un peu d’aide on peut même atteindre le toit du grand temple principal pour un superbe panorama.

De Madurai, nous nous sommes enfoncés dans les montagnes pour pénétrer au Kerala en passant par la verte et fraîche réserve naturelle qui entoure le lac de Peryar (où les tigres ont disparu) pour remontrer ensuite vers Cochin, sur la côte de Malabar. Ancienne colonie portugaise fondée par Vasco de Gama en 1502, les temples hindous y cèdent la place aux églises et même à une ancienne synagogue. L’atmosphère des lieux est renforcée par l’harmonie silencieuse des « backwaters », ces belles lagunes intérieures qui s’étendent parallèlement à la côte jusqu’à Alleppey.

Si on en a le temps, on peut y naviguer sur des barges (avec aide) jusqu’à la station balnéaire de Kovalam, où les plages sont ombragées de palmiers de cartes postales. De là, il est possible d’embarquer pour les Maldives voisines. Le voyage en bateau s’avérant agité, mieux vaut prendre l’hydravion qui présente en outre l’avantage d’offrir un spectacle inoubliable sur les atolls.

Une vie entière ne suffirait pas à décrire l’Inde, voilà pourquoi il faut oser s’y rendre !


Roberto Zucchi, mars 2003. Traduit de l’Italien par Philippe Gimet avec l’aimable autorisation de Superabile, portail transalpin des personnes handicapées.


Sur le web :
 l’office du tourisme de l’Inde vous promet « un voyage inoubliable ». Le plus accueillant Namasté est quant à lui une véritable mine de renseignements à la fois géographiques, historiques et pratiques. Autre site personnel, « voyage au pays des 330 millions de dieux » constitue également une escale d’autant plus instructive que son auteur vous y convie à une découverte l’érotisme hindou. Et pour d’autres belles images, rendez- vous sur « India 2000« , qui comporte quelques saisissantes vues panoramiques, ou sur « l’Inde en 1001 photos« …

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