J’avais envie de Namibie depuis des années. On m’avait raconté que c’était un endroit situé entre la Lune, l’Allemagne des débuts du XXe siècle et l’Afrique des grands parcs nationaux. Après 18.000 km en avion et 3.000 en auto sur des pistes de terre, je peux confirmer ! Et même ajouter que pour une personne handicapée en fauteuil roulant avec accompagnateur ce n’est pas un voyage difficile, bien au contraire. Commençons par Windhoek, la capitale : une ville étrange. Centre très moderne, grands boulevards, centres commerciaux, palais de style saxon. Autour, des étendues de maisons disséminées sur des collines dénudées. Au- delà, la savane semi- désertique à perte de vue. A 17h30, les boutiques ferment, la ville se dépeuple et la vie semble se figer.

Première étape, la zone la plus célèbre et la plus photographiée de Namibie : les méga- dunes de sable de Sossusvlei, au coeur du désert du Namib. Situées à 400 km de Windhoek, elles s’étendent le long de la côte sur plus de 300 km en une mer de gigantesques vagues de sable, ordonnées comme des vallées dont la couleur passe, au fil de la journée, du rose au rouge brique, puis au rouge vif. Certaines culminent à 300 mètres; ce sont les plus hautes du monde: un spectacle qui impressionne et les rares buissons et acacias qui s’y accrochent semblent minuscules. De gros 4×4 vous conduisent au coeur de l’aire visitable. On arrive à Sossusvlei en passant par Solitaire, un lieu mythique qui ressemble au Far West, poussière comprise, et qui a inspiré le célèbre Bagdad Café. On y sert, paraît- il, le meilleur strudel (chausson aux pommes) de toute l’Afrique !

400 km plus loin, on arrive à Walvis Bay et Swakopmund, les deux principales villes sur l’océan Atlantique. La première était encore un port Sud- africain il y a une dizaine d’années, la deuxième est définie comme « la ville plus allemande en dehors d’Allemagne ». On peut y savourer une étrange atmosphère de Mer du Nord : palais germaniques fin de siècle (rue Bismark !), villas aux toits de paille au beau milieu du désert africain. On trouve même ici du brouillard et une température qui dépasse rarement les 15 degrés du fait du courant froid de la Benguela qui vient se heurter aux masses d’air brûlantes de l’intérieur. La mer y est la plus poissonneuse du monde et le désert y « fleurit » jusqu’à 50 km de la côte grâce à la condensation du brouillard. On y découvre des plantes étonnantes, tels ces lichens à peine visibles qui éclatent en une myriade de petites feuilles vertes à la moindre goutte d’eau; ou la Wetwischia, grande plante rampante dont les deux uniques feuilles filtrent les particules de brouillard avec pour résultat considérable de vivre jusqu’à 1.500 ans !

En route vers le grand parc national Etosha, il faut absolument faire halte à Cape Cross, qui vaut le voyage pour son incroyable concentration de phoques et d’otaries. En fauteuil roulant, on peut facilement accéder à un muret au- delà duquel des milliers de ces mammifères sont étendus sur les écueils ou barbotent dans une mer toujours agitée. L’odeur du guano, le cri des phoques, le ressac et le hurlement du vent rendent l’expérience vraiment impressionnante. Et ce d’autant que même sans jumelles on peut apercevoir de nombreux chacals errer aux abords de cette véritable marée de corps noirs, à la recherche de quelque bébé sans défense…

L’étape du Damaraland, en revanche, n’est guère conseillée aux personnes handicapées motrices, malgré ses splendides paysages de montagnes et de savane, sa forêt pétrifiée et ses gravures rupestres, du fait de son inaccessibilité et de ses températures diurnes très élevées.

Le parc Etosha, quant à lui, est un lieu incontournable du pays. C’est un lac préhistorique asséché long de plus de 300 km et large d’une centaine, plate étendue blanche éblouissante et apparemment déserte. Apparemment seulement, car en réalité les nombreuses pistes qui le traversent dévoilent peu à peu une authentique Arche de Noé d’animaux sauvages. Contrairement aux grands parcs d’Afrique Orientale, l’activité ici se concentre autour des mares d’eau où les animaux se relaient jour et nuit. Le spectacle est donc continu et accessible à tous : éléphants, lions, springboks, phacochères, zèbres, antilopes, gazelles, girafes, écureuils, oiseaux… Le parc mérite qu’on lui consacre au moins trois à quatre jours et il est possible de camper (sous la tente ou en bungalow) dans des aires réservées à cet effet et pourvues de piscines bien utiles par la chaleur ambiante.

Au retour, on peut faire étape à Waterberg, une grande plate- forme de 50 km sur 10 qui domine la savane d’une centaine de mètres. On loge dans des bungalows construits au pied d’une falaise dont les couleurs feraient pâlir le Cap Corse. Du reste, on trouve ici les minéraux les plus rares et la deuxième mine à ciel ouvert du monde. L’endroit se visite à pied ou avec des 4×4 panoramiques. Avec un peu de chance, on peut même apercevoir quelques animaux rares, tel ce rhinocéros blanc rencontré au soleil couchant et fort peu enclin à nous laisser le passage !

Il faudrait encore parler de l’imposant et sauvage Fish River Canyon, de l’autre ville « allemande » de Luderitz et du bassin minier fantôme de Kolmanskop, au sud du pays; et aussi, au nord, de la Côte des Squelettes hantée seulement par les épaves de bateaux, ou, au nord ouest, des parcs riches en gibier. Mais le temps et la place nous manquent ! Nous repartons émerveillés, remplis du souvenir inoubliable de ces paysages sculptés par des millions d’années de soleil et de vent, ces myriades d’animaux et ces nuits où la Voie Lactée paraît exploser dans le ciel.

Roberto Zucchi, février 2003. Traduit de l’Italien par Philippe Gimet avec l’aimable autorisation de Superabile, portail transalpin des personnes handicapées.


Sur le web :
 les Editions Horizon proposent un guide de voyage multimédia peu esthétique mais fort bien documenté, cartes et renseignements pratiques à la clé. Pour les images, on pourra admirer ce très beau « Portrait de Namibie » réalisé par un photographe professionnel, sans commentaires hélas. Enfin, un voyageur lyonnais a réalisé un poétique carnet de voyage en Namibie qu’il vous invite à feuilleter…

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