Les premières années. Ludwig Van Beethoven est né le 16 décembre 1770 à Bonn, d’un père musicien alcoolique et sans le sou. Il abandonne toute scolarité vers l’âge de onze ans, époque à laquelle il publie sa première oeuvre « Neuf variations pour clavier sur une marche de Dressler ». En 1782, il se lie d’amitié avec un riche étudiant en médecine, de cinq ans son aîné, qui l’introduit dans les milieux progressistes, aux aspirations pré- révolutionnaires, de la bourgoisie allemande. Ludwig subvient à ses besoins et à ceux de sa famille en occupant, dès l’âge de treize ans, les charges de répétiteur, musicien d’orchestre, professeur de musique et organiste à la cour du prince- archevêque électeur Maximilien Franz. Son talent est remarqué par ce dernier qui l’envoie à Vienne trouver Mozart (1787), sans grand succès apparemment : les grands esprits ne se rencontrent pas toujours ! Ludwig s’inscrit à l’université de Bonn en 1789, réussissant en quelques années à devenir le plus cultivé de tous les musiciens nés au dix-huitième siècle.

L’affirmation du génie. En novembre 1792, l’électeur le renvoie à Vienne, cette fois pour y devenir l’élève de « papa » Haydn et d’autres maîtres de musique. Il publie en 1795 les « Trois trios » de l’opus 1. Sa réputation de virtuose au piano précède celle de compositeur et il compose ses premiers concertos pour cet instrument dans le seul but de concerts qui consacrent son succès. Il commence à souffrir de la surdité dès 1796. On a souvent expliqué par là l’isolement volontaire qui a préservé son génie musical des influences et l’a incité à des hardiesses techniques incontrôlables, l’obligeant presque, à défaut de toute expérimentation sonore, à faire de sa musique une science abstraite. Mais on peut se demander, à la suite de Romain Rolland, dans quelle mesure la surdité n’a pas agi comme un stimulant de sa création, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Un médecin, le docteur Marage, après avoir établi un diagnostic sur la nature exacte de la surdité de Ludwig, fait la remarque suivante : « Si Beethoven avait été atteint d’otite scléreuse, c’est- à- dire s’il avait été plongé dans le noir acoustique, il est probable qu’il n’aurait écrit aucune de ses oeuvres à partir de 1801. Mais sa surdité, d’origine labyrinthique, présentait cela de particulier que, si elle le retranchait du monde extérieur, elle avait l’avantage de maintenir ses centres auditifs dans un état constant d’excitation, en produisant des vibrations musicales et des bourdonnements qu’il percevait parfois avec tant d’intensité. Si elle avait supprimé les vibrations extérieures, elle avait augmenté les bruits intérieurs ».

Le handicap. Ludwig gardera son secret jusqu’en 1801 mais il lui faudra attendre 1806 pour jeter, en marge de la partition des esquisses du Neuvième quatuor : « De même que tu t’élances ici dans le tourbillon mondain, de même tu peux écrire des oeuvres en dépit de toutes les entraves qu’impose la société. Ne garde plus le secret de ta surdité, même dans ton art ! ». Ses oeuvres majeures datent toutes d’après 1801 : symphonies II à IX, Fidelio (son seul opéra), Concertos pour piano III à V, ouverture de Coriolan, musique de scène pour Egmont, Missa solemnis, Sonates, de l’Opus 26 à l’opus 111, Variations Diabelli…

La maturité. Protégé des princes malgré ses penchants révolutionnaires, et pensionné par eux dès 1809, il connaitra néanmoins des embarras financiers jusqu’à la fin de sa vie, notamment du fait de la dispartition de ses mécènes et de l’occupation des troupes napoléoniennes. L’une de ses admiratrices lui fait rencontrer Goethe en 1812… sans plus de succès qu’avec les autres génies de son temps. La victoire des alliés en 1815 le consacre musicien national allemand mais la politique totalitaire et absolutiste de la Sainte- Alliance en font un opposant irréconciliable au régime de Metternich.

Les dernières années. Malchanceux en amour, et sans la moindre vie familiale, Ludwig se consacre entièrement à son art. Le 7 mai 1824, il donne un grand concert au cours duquel le public viennois peut entendre pour la première fois sa Neuvième symphonie : la salle est pleine, à l’exception de la loge impériale. Il est devenu si sourd qu’il ne perçoit rien de la formidable ovation finale jusqu’à ce qu’on le prenne par les épaules pour le retourner face au public en délire ! En décembre 1826, rentrant à Vienne après un séjour à la campagne, il prend froid et meurt, quatre mois plus tard, d’une cirrhose sans doute tuberculeuse (et non alcoolique), le 26 mars 1827 à l’âge de cinquante- six ans. On raconte que son dernier geste dans l’agonie aurait été de tendre le poing vers le ciel, comme pour un dernier combat contre le Destin…

Jacques Vernes, janvier 2001.

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