La loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, adoptée par le Parlement le 11 février 2005, a rénové et étendu l’obligation d’accessibilité du cadre bâti : voirie, logements, immeubles et établissements ouverts au public. Un premier décret d’application est toujours en concertation auprès des associations et organismes concernés : il devrait s’appliquer à compter du 1er janvier 2007, le temps que les spécifications techniques indispensables à sa mise en oeuvre soient élaborées, sous la forme d’arrêtés ministériels.

Lacunes.
 La nouvelle réglementation n’éclaire guère la problématique de l’accessibilité, encore confinée à une obligation technique indispensable pour que les personnes handicapées puissent entrer dans un logement ou utiliser un service public ou privé. Le législateur n’a pas voulu privilégier la notion « d’accessibilité à tout pour tous » et cette absence d’universalité se retrouve dans l’application de la loi : les personnes handicapées pourront accéder aux mêmes services et disposer des mêmes infrastructures que les personnes valides… sauf cas particuliers et dérogations ! Celles qui sont prévues par le projet de décret sont nombreuses et floues : impact économique des travaux d’accessibilité, immeuble classé ou limitrophe d’un monument historique, secteur sauvegardé… Un exploitant pourra ainsi arguer que la mise en accessibilité peut « compromettre le fonctionnement normal de l’établissement ou avoir un impact fort sur son activité ». De nombreux centres-villes anciens pourront continuer légalement à échapper à une mise en accessibilité; pourtant, l’Hôtel Matignon, siège du Premier Ministre, classé monument historique et situé en secteur sauvegardé, a récemment été rendu accessible sans nuire à l’aspect du bâtiment (lire Actualité au 13 janvier 2005). Autant d’exclusions légales et de stigmatisation du handicap : il semble que, dans l’esprit des rédacteurs du texte réglementaire, la mise en accessibilité soit forcement destructive et laide ! Or, cette conception fait fi de l’évolution des bâtiments anciens, désormais dotés d’équipements de confort moderne et de sécurité. Pour résumer, on admet qu’un visiteur valide puisse disposer de W.C dans un immeuble historique, on rechigne encore à les rendre utilisables par un visiteur handicapé.

La méconnaissance des besoins spécifiques liés à une déficience n’est pas abordée par la nouvelle réglementation. Par exemple, quelles adaptations un architecte peut-il réaliser pour que, selon le projet de décret, « les principaux éléments structurants du cheminement [soient] repérables par les personnes ayant une déficience visuelle » ? Comment appréhender la malvoyance et la cécité ? Qui peut fournir des informations et une documentation ? Il n’existe pas, actuellement, de centre-ressources national ouvert aux professionnels en matière d’accessibilité du cadre bâti. Pour le handicap moteur, les normes et préconisations ont essentiellement porté sur les utilisateurs de fauteuils roulants. Ainsi, nombre de lieux sont accessibles mais dépourvus de sièges pour que les personnes fatigables ou âgées puissent se reposer; les élévateurs sont souvent réservés aux seuls fauteuils roulants alors qu’ils seraient utiles aux poussettes ou aux personnes utilisant une canne.

Confiance en l’Administration ? Les services municipaux et de l’État sont en première ligne dans le nouveau dispositif. Ce sont eux qui instruisent les demandes d’autorisation de travaux, de permis de construire et décident d’accorder des dérogations en matière d’accessibilité. Sécurité et accessibilité, pourtant évaluées par les mêmes commissions locales, demeurent hiérarchisées : le respect des normes de sécurité est obligatoire alors que l’application des règles d’accessibilité demeure soumise à la décision du Maire ou du Préfet. Les Directions Départementales de l’Équipement disposeront de deux mois seulement pour se prononcer sur une demande de dérogation; à défaut de réponse dans le délai imparti, elle sera réputée accordée ! Les Commissions d’accessibilité ne disposeront, elles, que d’un mois pour se prononcer… La nouvelle réglementation reste dans la logique d’il y a trente ans : l’accessibilité est une contrainte obligatoire, elle ne résulte pas d’une égalité de traitement et d’accès aux prestations fondées sur le refus de toute discrimination, notamment du fait d’un handicap.

Les nouvelles dispositions. Les immeubles de logement, maisons individuelles (autres que celles d’un propriétaire occupant) et établissements recevant du public devront être accessibles à toutes les personnes handicapées à compter du 1er janvier 2015. Un diagnostic de mise en accessibilité devra être établi avant le 1er janvier 2011, tout usager pourra en prendre connaissance sur simple demande. En matière de construction neuve, les immeubles d’habitation collectifs et leurs abords, ainsi que les maisons individuelles, sont concernés : tous « doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique ». L’obligation porte sur tous les locaux et équipements : hall, couloirs, appartements, communs, ascenseurs, parkings avec places adaptées. Seule exception, la maison construite pour soi-même et pour laquelle le propriétaire occupant est libre de ne pas respecter l’obligation d’accessibilité; en cas de mise en location, la mise en accessibilité de la maison pourrait être exigée. Des exceptions, règles particulières et dérogations sont prévues, notamment pour les bâtiments classés. L’obligation s’appliquera aux permis de construire dès le 1er janvier 2007 pour les bâtiments neufs. Les équipements d’accessibilité devront être en fonctionnement prioritaire (par exemple, le guichet abaissé devra être ouvert si un seul est en service) et d’usage permanent. En l’absence de normes existantes, les spécifications techniques nécessaires seront publiées par arrêtés ministériels. Quatre autres décrets « accessibilité » sont actuellement en phase de concertation (carte de stationnement, organisation de séjours de vacances adaptées, accessibilité du web, transport), le texte voirie est en cours de rédaction. Affaire à suivre…

Laurent Lejard, octobre 2005.

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