Égalité dans la vie quotidienne ? La compensation du handicap est devenue un leurre. La Prestation de Compensation du Handicap ne couvre pas la réalité des dépenses liées aux handicaps, et les montants accordés sont en baisse régulière. Les revenus de remplacement ne sont plus revalorisés et commencent à être grignotés par la forte augmentation des loyers, électricité, gaz, transports… Les pauvres n’ont pas la cote dans les politiques publiques en temps de crise, et l’inflation des discours à leur égard est proportionnelle à la réduction de leur soutien social.

Égalité devant le cadre bâti ? Ce n’est pas cette année que l’accessibilité des constructions neuves sera garantie, elle sera même réduite au moyen d’une révision des normes et obligations légales; la mise en accessibilité des immeubles anciens connaitra également le même sort, le tout au nom de la crise économique et des mesures d’économie nécessaires. Quant au logement, moins de 40% des appartements neufs sont construits accessibles, la plupart des immeubles n’atteignant pas le seuil d’obligation d’ascenseur.

Égalité dans les transports ? Là encore, une révision des obligations et des normes viendra récompenser les opérateurs et les collectivités territoriales qui ont estimé urgent d’attendre. La prime aux voyous s’appellera Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’Ap). Ce gadget est en cours d’élaboration pour renvoyer à 2019 ou 2022 l’accessibilité de la chaine du déplacement, c’est-à-dire aux politiciens qui succéderont lors des prochaines échéances électorales à ceux qui détiennent actuellement le pouvoir et auxquels on ne peut reprocher d’être logique : les partis politiques de l’actuelle majorité gouvernementale ont unanimement et par quatre fois voté contre la loi du 11 février 2005 obligeant à la mise en accessibilité des transports d’ici le 13 février 2015. Les partis de droite avaient seuls votés cette loi, il y a fort à parier que le « bébé » leur reviendra dans trois ans et demi.

Égalité face à la pollution ? Le Gouvernement projette de réactiver dès cet hiver la circulation automobile alternée en cas de pic de pollution. Les modalités d’application restant à définir, on ne sait pas encore si les personnes handicapées seront contraintes à rester chez elles ou à tenter d’emprunter des transports collectifs mal ou pas accessibles. Mais comme tous les autres contribuables, elles acquitteront l’amende que l’Union Européenne va certainement infliger à la France pour ne pas avoir entrepris la moindre action en faveur de la qualité de l’air malgré la première directive européenne de 1996 applicable en 2005.

Égalité devant la formation professionnelle ? Les syndicats patronaux et de salariés ont conclu un accord unifiant les conditions d’accès à la formation, sans prévoir de dispositions en faveur des travailleurs handicapés pour la plupart peu ou pas qualifiés. Dans les années 1980 et 1990, ces derniers étaient prioritaires pour accéder à une formation, sans délai d’inscription au chômage, avec prise en charge à 100% du coût du stage et rémunération égale au dernier salaire brut revalorisé. Depuis 2000, les chômeurs handicapés ont progressivement rejoint le cadre commun de prise en charge et la seule filière adaptée restante, celle des Centres de Rééducation Professionnelle, est financièrement asphyxiée : chaque automne, il manque du budget de l’État pour payer la rémunération des stagiaires.

Égalité dans l’emploi ? Si l’hypothèse gouvernementale d’une reprise économique se confirmait, les chômeurs handicapés n’en profiteront en terme d’embauche qu’avec un effet habituel de retard de 12 à 18 mois. Par contre, la mise en oeuvre d’une décision du Comité Interministériel du Handicap du 25 septembre dernier devrait entrainer un traitement égalitaire des salariés qui perdent leur emploi : tous seront accueillis par Pôle Emploi, le réseau spécialisé Cap Emploi n’accueillera plus que les « travailleurs handicapés les plus éloignés de l’emploi ». Gageons qu’au terme d’un stockage de 18 mois à Pôle Emploi des nouveaux chômeurs handicapés, ceux-ci se retrouveront suffisamment éloignés de l’emploi pour être pris en charge par Cap Emploi… Les ministres auteurs de cette initiative ont la mémoire courte ou une amnésie volontaire : l’expérience du tout ANPE avait été tentée dans les années 1990, sanctionnée par un échec dont les salariés handicapés ont été les premières victimes.

Alors, bonne année ?

Laurent Lejard, janvier 2014.

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