Au terme de cinq ans de travaux, Marseille était fière d’inaugurer, le 5 mai dernier, une extension de sa première ligne de métro vers l’est de la ville. Quatre nouvelles stations relient désormais La Blancarde à La Fourragère, accessibles par ascenseur du sol jusqu’au quai. Mais entrer dans les voitures du métro est impossible sans être aidé : un écart vertical d’une quinzaine de centimètres subsiste entre le plancher des rames et les quais, les concepteurs n’ayant pas été capables, lors de la création du métro en 1976, d’élaborer un accès de plain-pied. Les usagers en fauteuil roulant devront attendre le renouvellement de ces rames (soit au moins une dizaine d’années) pour emprunter le tout neuf tronçon du métro de Marseille, dont le slogan fut longtemps « Notre métro, c’est le plus bô »… et qui reste de facto le moins accessible de France avec celui de Paris.

Une énième galéjade marseillaise, dira-t-on, tant la deuxième ville de France persiste à se désintéresser de l’accessibilité aux personnes handicapées, comme en témoignait l’ouverture en décembre dernier d’une patinoire « Palais de la Glisse » inaccessible en autonomie. Mais dans cette affaire de métro, la ville n’est pas seule en cause car elle a délégué la compétence Transports à sa communauté urbaine, Marseille Provence Métropole. Fait remarquable : un élu marseillais UMP paraplégique, Didier Garnier, préside la commission Transports d’une communauté urbaine qui a mis en chantier à la toute fin 2007 son schéma directeur d’accessibilité des transports, quelques semaines avant la date-butoir de réalisation ! Ce schéma sera présenté mi-juin à la commission consultative intercommunale d’accessibilité, puis voté quelques jours plus tard par le Conseil de la communauté urbaine. Les associations peuvent déjà imaginer le sort que connaitront leurs réserves ou demandes de modification…

La Cité Phocéenne devrait donc avoir son Schéma directeur d’accessibilité des transports (avec 30 mois de retard sur le délai légal) mais pas de plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE), sans doute pour se donner encore le temps de la réflexion : logique, la réglementation obligeait à l’élaborer avant le 23 décembre 2009 ! Avec les délais nécessaires aux études et passations de marché, Didier Garnier déclare déjà que l’échéance 2015 de mise en accessibilité des transports ne sera pas tenue, et ne se prononce pas pour la voirie. Un chantier qui devrait coûter au moins 80 millions d’euros, pour les seuls transports de surface, le métro en étant exclu puisque la loi autorise qu’il déroge.

Mais à la condition de proposer un transport de remplacement dès février 2011, ce qui va obliger la ville à organiser un service spécialisé : avec une seule ligne (sur 80) adaptée aux voyageurs en fauteuil roulant (sur les trois-quarts seulement de son parcours), Marseille ne pourra pas dire que le transport de remplacement est constitué par les lignes de bus. Problème : s’il existe dans la cité phocéenne un service de transport spécialisé, longtemps géré par le GIHP (dont Didier Garnier était d’ailleurs administrateur) avant d’échoir au groupe Transdev en 2006 au terme d’une procédure enfin conforme au droit applicable, la concession est en cours de révision : « Ce service Handi’Lib fonctionne sans satisfaire les usagers, ni respecter la commande publique, explique Didier Garnier. La Délégation de Service Public va être revue, avec le souhait d’améliorer l’offre. Toutes les solutions sont envisagées, y compris la mise en régie ». Nouvelles délibérations, appel d’offres et passation de marché prenant du temps, Marseille ne disposera certainement pas d’ici l’échéance légale de février 2011 d’un transport de remplacement à ses deux lignes de métro inaccessibles. « On élabore ce qu’est une Marseille accessible ! », proclame Didier Garnier. Pourra-t-on demain y crier « Plus belle l’accessibilité ! » ?

Laurent Lejard, mai 2010.

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