Les handicaps ont de tous temps été portés au cinéma, sous un angle fréquemment pitoyable ou fantastique; l’opposition entre cécité et lumière a longtemps fait fantasmer les cinéastes (et continue d’ailleurs de le faire). Mais la réalité, la vraie vie, semble désormais stimuler davantage le cinéma contemporain, même si la fiction est encore présente.

On peut actuellement voir sur grand écran l’histoire d’un tétraplégique qui choisit de mettre fin à sa vie (Mar Adentro) et la biographie sans concession du jazzman aveugle Ray Charles qui a tenu, quelques mois avant sa mort, à régler ses comptes avec la drogue, la ségrégation raciale et le show-business (Ray). Le 16 mars prochain, ouverture sur la surdité avec Dear Frankie, de Shona Auerbach, histoire d’une femme qui invente un père imaginaire à son enfant malentendant. Ouverture également sur la trisomie avec Leon et Olvido, cohabitation parfois difficile mais pittoresque et vivante entre une jeune femme et son frère trisomique. Réalisé par Xavier Bermúdez, le film présente sous un jour inattendu la vie quotidienne de jeunes gens que l’on désigne comme « différents » en France et qui vivent intégrés dans l’Espagne d’aujourd’hui. La mutité viendra sur les écrans le 23 mars, avec Les Mots Bleus, adaptation par Alain Corneau du roman de Dominique Mainard contant l’histoire d’une fillette muette qui découvre la langue des signes à l’école Laurent Clerc. Le même jour, Million Dollar Baby montrera le côté obscur de la boxe, celui qui peut transformer en quelques instants une jeune femme valide en tétraplégique condamnée à mourir.

Il faudra attendre le 25 mai pour savoir si Titoff est bien entré dans la peau de Poisson- Chat, héros tétraplégique du roman largement autobiographique de Bruno de Stabenrath, Cavalcade. Et on découvrira peut- être durant l’année, si un distributeur français s’y intéresse, comment un expert en énergie cinétique vient au secours d’un paralytique (Rory O’Shea was here, de Damien O’Donnell). Les Indiens de Bollywood s’intéressent également à la représentation sociale de personnages handicapés : dans Black, Sanjay Leela Bhansali (Devdas, son troisième film, fut le premier film bollywoodien présenté au Festival de Cannes en 2002) conte la vie d’une sourde- aveugle dans l’Inde d’aujourd’hui, sans séquence de chant ni danse. Là encore, la distribution de ce film en France n’est pas encore définie. Quant à Pedro Almodovar, il prépare l’histoire d’un cinéaste qui devient aveugle.

2005 sera bien l’année de la réalité du handicap, sur les écrans du moins…

Laurent Lejard, mars 2005

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