Quelque chose a changé lors de cette rentrée scolaire 2012 : le nouveau Gouvernement affirme sa volonté de faire de l’éducation une priorité nationale et lance une grande concertation de refondation de l’école. L’espoir est grand de sortir enfin les familles comptant des enfants handicapés en âge d’être scolarisés de l’actuel bricolage qui préside, depuis une dizaine d’années, à leur intégration dans les établissements ordinaires : enseignants sans formation à l’accueil de jeunes handicapés, personnels d’accompagnement (Auxiliaires de Vie Scolaire) à statut précaire, temps partiel et salaire mensuel inférieur à 600€. Dans ce contexte, la Fédération Nationale des Associations au Service des Élèves Présentant une Situation de Handicap (FNASEPH), qui fédère 35 associations de parents et représente des dizaines de milliers de familles, a dressé un premier bilan de la rentrée scolaire et de l’évolution annoncée par le Gouvernement de l’accompagnement des élèves handicapés.

« Cela fait trois ans que j’entends les inspecteurs dire que ça ne peut plus continuer comme ça, explique le délégué à l’intégration des personnes handicapées au ministère de l’éducation nationale, Philippe van den Herreweghe. On a identifié depuis plusieurs années les problèmes à résoudre, maintenant on va voir quel tri sera fait et quelles propositions seront lancées. »

La rentrée des élèves handicapés s’est globalement bien déroulée, même si certains n’ont pas immédiatement disposé de l’AVS qui devait être affecté : le recrutement des 1.500 postes supplémentaires créés par le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, est en cours. « La situation est la même que l’an dernier, estime Sophie Cluzel, présidente de la FNASEPH. Il reste encore de 5.000 à 6.000 enfants et jeunes sans solution éducative. »

Moins de problèmes de rentrée.

Du 27 août au 14 septembre 2012, Philippe van den Herreweghe a recensé 303 appels au service de veille Aide Handicap Ecole (0810 55 55 00) de son ministère, qui apporte des conseils et intervient pour régler des problèmes. Des appels en régression : 428 étaient comptabilisés durant la même période de 2011. Et les requêtes des parents nécessitant une action de terrain ont baissé de 15%. « Il y a moins d’appels, précise Philippe van den Herreweghe, mais toujours le même problème, l’AVS. Il n’est pas nommé, ou le nombre d’heures d’accompagnement demandé par la Maison Départementale des Personnes Handicapées n’est pas respecté, ou l’AVS ne vient pas prendre son poste. Les établissements essaient de répondre positivement dans la plupart des cas mais il y a parfois des refus, en maternelle par exemple, lorsqu’un enfant est hyper actif. Il demeure une grande difficulté à obtenir un accompagnement à 100%, l’Éducation Nationale doit avoir une organisation de meilleure qualité. La solution, on est tous d’accord, on en parle depuis 2009, c’est la professionnalisation des personnels d’accompagnement, mais également de ceux qui aident les professeurs handicapés, qui sont dans la même situation que les AVS. » Ce langage de vérité se traduira-t-il par des actes ?

La balle est maintenant dans le camp des politiques : « La professionnalisation est étudiée en interministériel, avec Marie-Arlette Carlotti [Chargée des personnes handicapées], Vincent Peillon et George Pau-Langevin [Chargée de la réussite éducative], reprend Sophie Cluzel. Un groupe de travail va être créé, probablement animé par Pénélope Komites, ancienne adjointe aux personnes handicapées à la Mairie de Paris. Il faut que l’on aille vers un référentiel de formation des personnels, chiffrer, budgéter, arrêter les considérations philosophiques. On ne part pas d’utopies, des services gestionnaires d’AVS existaient quand ils étaient employés par des associations il y a dix ans, ça fonctionnait, ils ont démontré que c’était possible. » Le sujet est d’importance, le Gouvernement acceptera-t-il de créer une nouvelle catégorie de personnels, avec un statut fonctionnaire, préférera-t-il sous-traiter au privé ?

Quelle que soit la solution finalement retenue par les « politiques », une autre tâche de grande ampleur subsiste : « Sur le terrain, on sait bien que le dossier handicap est assez méconnu des personnes, et complexe, appuie Philippe van den Herreweghe. Les décideurs locaux ne prennent pas assez de recul, et ne voient que des cas particuliers. On est obligé de les rappeler à l’ordre sur leurs obligations. »

Ce que traduit parfaitement Jean-Philippe Toribio-Mercier, père d’un enfant autiste léger privé d’AVS et d’école le jour de la rentrée : « Dans le Béarn, il y beaucoup de refus de scolarisation de la part d’enseignants. J’ai été obligé de changer chaque année mon fils d’école, alors que ce n’est pas bien pour lui, il perd ses repères, ses copains. J’ai fait une quinzaine d’écoles à chaque rentrée pour en trouver une qui l’accepte. » Si Philippe van den Herreweghe rappelle que les professeurs n’ont pas le droit de refuser un enfant pour lequel est établi un Projet Personnalisé de Scolarisation, il ne peut que constater cette pratique : « Les enseignants ne sont pas suffisamment formés, et les AVS professionnels n’existent pas. Une réflexion est en cours avec le projet de refondation de l’école. Je suis très satisfait des propositions qui reposent sur des mesures d’organisation, sans textes réglementaires. » Ce qui permettrait d’éviter des arbitrages ministériels retardant ou supprimant de nouvelles dispositions.

« On peut faire à financement constant, estime Sophie Cluzel au sujet de la professionnalisation des AVS. En mutualisant les actions de l’État, des collectivités locales, des financements de l’insertion professionnelle. » En conclusion, Philippe van den Herreweghe se veut à la fois optimiste et lucide : « Le tableau n’est pas noir, il y a plus de 216.000 élèves handicapés et de belles réussites, des bacheliers avec mention. Mais franchement, il faut être exigeant et 2012 devra nous éclairer sur les décisions. Elles doivent être prises avant la fin de l’année. En 2013 ce sera trop tard. » Rendez-vous donc dans quelques mois pour vérifier si les élèves handicapés seront lauréats de la refondation de l’école selon Vincent Peillon.

Laurent Lejard, septembre 2012.

Partagez !