Élise Loimon vit en Guadeloupe, sur Grande-Terre; elle est depuis 1995 conseillère municipale de la commune des Abymes, chargée des personnes handicapées. Paralysée de membres inférieurs à l’âge de 16 ans, du fait d’un accident, Élise a quitté l’archipel antillais pendant quelques années pour suivre une rééducation et vivre en Métropole. Durant cette période, elle a complété des études qui l’ont conduite à un diplôme en comptabilité. « J’ai pu travailler à certaines périodes de ma vie, confie-t-elle, mais j’ai toujours été confrontée à des problèmes d’accessibilité. A mon retour de Métropole, je pensais trouver facilement du travail, avec mon diplôme en poche, mais il n’y avait pas d’accès ».

En Guadeloupe, Élise a affronté le regard des autres : « Sur l’île, on voit peu de personnes handicapées, il y a une certaine curiosité de la part des gens. Mais ils nous acceptent, on fait partie de la vie de la cité. En Métropole, je passais davantage inaperçue ». Ses principales difficultés, elle les a trouvées dans l’inaccessibilité urbaine : il y a trop de voitures et les trottoirs sont trop étroits pour circuler en fauteuil roulant, les transports publics ne sont pas adaptés, les transports spécialisés coûtent trop cher. Élise ne s’est pas mariée et elle n’a pas voulu avoir d’enfant : « Je ne voyais pas comment j’aurais pu m’en occuper ». Elle s’est pourtant occupée de ceux des autres en créant une école garderie : « Je donnais des cours de rattrapage aux enfants, j’en ai reçu beaucoup. C’était du bénévolat, j’étais très passionnée à m’occuper d’eux, à leur apprendre à lire ». Pour Élise, les enfants sont une priorité; elle insiste sur l’indispensable mise en accessibilité des établissements scolaires : « Aux Abymes, tous les enfants en fauteuil roulant sont scolarisés. Dans les crèches, on accepte maintenant les enfants handicapés. On doit donner aux établissements les moyens de le faire, pour accueillir du plus jeune âge jusqu’à la terminale ».

« On n’est jamais si bien servi(e) que par soi-même », telle est la raison de l’engagement politique d’Élise. « Les élus s’intéressent aux personnes handicapées, aux personnes âgées, aux exclus, mais ces actions ne sont pas faciles à mener. J’ai été sollicitée par plusieurs formations politiques, j’ai réfléchi longtemps, et en 1995 j’ai accepté. Je n’ai pas choisi un parti politique mais un groupe d’hommes et de femmes pour mener à bien un projet pour ma ville. J’étais déjà entourée d’autres personnes handicapées, pour lesquelles je menais des actions sociales ». Élise espère poursuivre cette activité politique jusqu’à son dernier souffle, et sa vie est bien remplie par de multiples activités tournées vers les autres. Elle s’occupe même d’associations de personnes valides : « Je participe à des croisières dans les Caraïbes, je suis la seule en fauteuil roulant, et quand je n’y vais pas, les autres personnes ne veulent pas y aller » ! Élise préside le comité de quartier : « Il regroupe voisins, parents et amis, je ne suis jamais seule chez moi ». Elle préfère vivre son handicap en Guadeloupe plutôt qu’en Métropole : « Ici, nous vivons dehors »…

L’espoir d’Élise est de voir les personnes handicapées « vivre debout, vivre comme tout le monde. Cela prendra du temps, il suffit de peu de chose pour qu’un lieu soit accessible, mais il faut montrer aux autres la petite marche qui empêche d’entrer comme tout le monde. Mon espoir est qu’il n’y ait plus de barrières, ça va arriver » !

Laurent Lejard, septembre 2004.

Élise Loimon préside l’association KAHMA (Karukera Association Handicapé Moteur Adulte) 93 bis du boulevard Général de Gaulle 97190 Le Gosier.

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