René-Claude Lachal est né en 1938 dans un petit village du sud de la Charente Maritime. Sa naissance a été une épreuve difficile : une césarienne pratiquée tardivement et un manque d’oxygène lui laissent des séquelles irréversibles, sans autonomie physique. En entendant le terme IMC, il corrige immédiatement : « je préfère que vous disiez IMOC car, à tort mais c’est ainsi, l’Infirmité Motrice Cérébrale signifie pour beaucoup de personnes handicap physique plus handicap mental ; or la très grande majorité des Infirmes Moteurs d’Origine Cérébrale n’a aucune atteinte intellectuelle ».

Une scolarisation impossible, et pourtant… Jusqu’à l’âge de 15 ans, il est resté à la maison car il ne pouvait être scolarisé. « J’ai appris à lire avec l’aide d’un voisin car il n’était pas question pour moi d’aller à l’école du village, mes parents, enseignants tous les deux, y travaillaient ». En 1953, René- Claude rencontre un médecin qui confirme qu’aucune amélioration physique n’est envisageable. « Il a dit à mes parents, essayez de lui faire faire des études et on ne sait jamais, peut- être aura- t-il une opportunité professionnelle à saisir ». Sa scolarisation en milieu ordinaire s’avérant impossible, sa mère a décidé à 42 ans de cesser son activité professionnelle pour se consacrer exclusivement aux études de son fils.

Des dispenses, mais le bac in fine ! René- Claude a pu suivre une scolarité grâce au Centre national d’études par correspondance. « J’ai obtenu une dispense pour l’examen de passage en sixième, une autre pour le BEPC et réussi à arriver jusqu’au bac ». Pour cet examen, pas de dispense, que faire ? En 1961, les personnes lourdement handicapées qui atteignent ce niveau scolaire se comptaient sur les doigts d’une main. « Il a fallu en référer à l’Inspecteur d’académie qui a saisi le recteur d’académie ; en fin de compte, au ministère de l’éducation nationale on a découvert qu’il y avait déjà eu un précédent, je ne sais où d’ailleurs ». L’examen a dû être aménagé. « J’ai pu bénéficier des services d’un secrétaire et d’un temps supplémentaire », plusieurs années avant que ces dispositions ne soient prévues par la loi.

Études universitaires, années galère. René- Claude Lachal a choisi de préparer une licence d’italien. Il habitait à 70 kms de Bordeaux, ville où se trouvait la faculté. Sa mère ne pouvant pas conduire, il devait se contenter d’aller à la fac seulement un jour par semaine. « Mes parents et moi devions nous lever tôt le matin pour pouvoir être à l’heure. La salle de cours se trouvant au premier étage, il fallait me porter et ensuite mon fauteuil ; à midi, l’opération en sens inverse et tout était à recommencer l’après- midi. Nous quittions Bordeaux vers 19 h 30 avec des livres et les notes que ma mère et des étudiants avaient prises pour moi ».

Une thèse, plutôt qu’un CAPES ou une agrégation. Le choix de son cursus, René- Claude ne l’a pas vraiment eu. « J’ai longuement discuté avec mes professeurs pour savoir quelle était la meilleure filière pour laquelle je devais opter. Ils m’ont dissuadé d’aller vers un CAPES ou une agrégation. Ces deux options exigent certes des capacités intellectuelles mais surtout une résistance physique que je n’ai pas. De plus, à l’époque, pour enseigner, une personne lourdement handicapée devait demander une habilitation et le moins qu’on puisse dire c’est qu’une réponse positive était peu probable. Je me suis résolu à me diriger vers la filière de la recherche. On a découvert qu’une personne atteinte de polio travaillait déjà au Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) ».

Un parcours professionnel. Pour entrer au CNRS, il a soutenu deux thèses : »la situation des handicapés physiques en Italie de 1947 à nos jours » pour son 3e cycle et une thèse d’Etat « les handicapés physiques et sensoriels à travers la littérature italienne ». Même si le CNRS lui avait confié des vacations, ce n’est qu’à l’issue de ce cursus que René- Claude a été intégré officiellement. « Encore fallait- il trouver une formation de recherche qui veuille bien de moi. Tout le monde est très charmant avec moi, mais dès qu’il s’agit de m’intégrer dans un programme les enthousiasmes s’évaporent »…

René-Claude Lachal a participé à de nombreuses recherches au CNRS mais aussi au sein d’associations dans le cadre de mise à disposition. Citons le Groupement d’Insertion des Handicapés Physiques (GIHP) ou encore le C.R.E.A.I. de Marseille. Après l’Italie, il s’est essentiellement penché sur l’image de la personne handicapée véhiculée par la presse. Il a même créé en 1991 l’observatoire Médias et Handicaps. « L’Agefiph nous a coupé les vivres au bout de trois ans ». Il a publié de nombreux ouvrages et articles, est intervenu dans des conférences et colloques et a même contribué à l’élaboration d’un article de la loi d’orientation de 1975.

Depuis trois ans, il travaille sur les biographies et autobiographies de personnes handicapées. La grande victoire de René- Claude : « En entrant au CNRS, j’ai réussi à assurer la seule autonomie à laquelle je pouvais prétendre, mon autonomie financière ».

Abder Ragui, avril 2001.

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