Né à Moulins (Allier) il y a près de 56 ans, Daniel Repoux est éducateur scolaire à Reims et éditeur sonore de poésie et de documentaires à Paris, deux villes dans lesquelles il partage son temps. « Je ne suis pas une vedette, confesse-t-il. Je pense un peu comme Raymond Queneau que la poésie doit être dite, et écrite pour la po po po postérité ! ». Attiré par la poésie dès l’enfance, d’abord en l’écoutant sur des disques 33 tours, il a assisté dès ses 16 ans aux réunions parisiennes du Club des poètes, ainsi qu’à celui de son lycée, à l’Institut National des Jeunes Aveugles de Paris. « J’avais 15 ans, c’était un régime assez souple, c’est là que je suis allé au Club des poètes du 30 rue de Bourgogne qui était ouvert à l’époque tous les soirs. Créé en 1961, il a été précurseur. Il existe beaucoup d’éditeurs de poésie en France, un véritable foisonnement, même si elle est moins appréciée que dans d’autres pays. » De nombreuses oeuvres sont publiées, mais avec des tirages faibles, 300 exemplaires en moyenne.

Daniel Repoux a suivi une scolarité ordinaire jusqu’au collège de Clermont-Ferrand où il était interne, puis a poursuivi au lycée de l’INJA toujours en internat, à Paris. Là, il écoutait également une émission diffusée le dimanche vers 22 heures sur France Inter, qu’il captait en grandes ondes sur un petit transistor (et dont, en 2012, il a édité quelques archives sonores). Il a également suivi les rares émissions consacrées à la poésie diffusée à la télévision au milieu des années 1970. Après le baccalauréat, il a obtenu une licence en lettres modernes tout en travaillant comme magasinier à l’Association Valentin Haüy pour financer ses études. Il a ensuite participé au travail de Peter Brook au théâtre des Bouffes-du-Nord, notamment sur la pièce Timon d’Athènes, pour assouvir son intérêt pour le théâtre sans pour autant envisager une carrière : « Si j’ai un talent, c’est de mettre la poésie en scène, je n’en écris pas moi-même. Avec des auteurs connus, ou pour faire découvrir des sujets difficiles aux auditeurs, par exemple les femmes emprisonnées et déportées. L’édition ne me fait pas vivre, mais ça m’entretient. » Cet équilibre intellectuel s’incarne dans la maison d’édition qu’il a créée en 1990, Sous la lime, et qui compte près d’une soixantaine de titres à son catalogue. Il avait démarré cette activité deux ans auparavant, de manière informelle, en publiant sur cassettes audio : « J’ai commencé avec mes économies, aujourd’hui l’activité est équilibrée. » L’édition sonore génère en effet des frais conséquents, entre la rémunération des lecteurs-interprètes, des musiciens et du studio d’enregistrement. En s’en donnant les moyens, Sous la lime produit des livres sonores de grande qualité, tel Le rhododendron amnésique et autres histoires à deux voix, sorti à l’automne dernier dans un digipack contenant l’intégralité des textes.

Son métier d’éducateur scolaire, il l’exerce à Reims : « J’enseigne le braille, les méthodes palliatives, et je fais du soutien scolaire pour des élèves du primaire au secondaire. » Il oeuvre auprès d’élèves déficients visuels qui, pour certains, rencontrent des difficultés scolaires.

Au quotidien, ce citadin pure souche se déplace en autonomie avec une canne blanche : « J’ai toujours vécu en ville. Je regrette les lacunes d’entretien des équipements publics, notamment ceux qui facilitent la vie des piétons aveugles. » Amateur de culture, il apprécie les musées qu’il visite sans rechercher particulièrement les parcours spécifiques : il utilise les audioguides, et se fait éventuellement commenter une oeuvre lorsqu’il est accompagné.

Côté projets d’édition, c’est un bouillonnement : il conduit un travail sur Benjamin Péret, auteur surréaliste mort quelques semaines après la naissance de Daniel Repoux. Il prépare également la publication d’archives sonores de l’Institut National de l’Audiovisuel, ainsi que l’édition de poèmes contre la guerre : « La guerre est un sujet urgent, brûlant. On ne peut pas dire qu’on vit dans un monde serein. » Il a également débuté une collection, « l’art de la nouvelle », dont le second volume sera consacré à Guy de Maupassant, succédant à La femme abandonnée, d’Honoré de Balzac. Et il travaille également à un documentaire autour des modifications corporelles et du tatouage en collaborant notamment avec le sociologue Philippe Liotard. Découverte, diversité, discrétion, tels sont les maîtres-dés de l’éditeur de poésie Daniel Repoux…

Laurent Lejard, mars 2015.

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