Il
y avait foule le 16 mars dernier pour l'inauguration du Train
de l'Égalité des Chances, qui a fait escale dans onze villes
françaises durant la seconde quinzaine de mars. Sans accueil
ni adaptation pour les visiteurs handicapés, ce que n'a pu que
constater Laurent Wauquiez, Secrétaire d'Etat à l'emploi : "Par
exemple, j'ai cru comprendre que le dossier de presse n'avait
pas de version braille et donc, c'est un obstacle pour vous
[Yvan Wouandji NDLR]. Essayer de veiller à ce qu'on ait une
accessibilité sur tous les lieux, dans notre politique du handicap,
c'est absolument fondamental. Faire aussi en sorte que la formation
soit plus accessible pour les personnes en situation de handicap,
c'est aussi un sujet majeur sur lequel on n'a pas assez travaillé
pour l'instant et on essaye de le faire avec toutes les associations
qui oeuvrent dans le secteur du handicap".
Pourtant,
selon le Secrétaire d'Etat, la situation des travailleurs
handicapés ne semble pas s'être autant dégradée que celle
des autres salariés : "Dans une année qui a été très dure,
poursuit Laurent Wauquiez, l'emploi des personnes en situation
de handicap a été l'un de nos rares points de satisfaction.
On a vraiment été beaucoup plus exigeant sur les obligations
qui pèsent sur les entreprises et on voit que les choses
sont en train de s'inverser puisque, et c'est rarissime,
le taux de chômage des personnes handicapées a baissé.
Après, il y a des choses qu'il faut qu'on continue à changer.
Pour les déficients visuels, des initiatives intéressantes
ont été prises, par exemple la mise en place d'outils,
de plates-formes, de centres d'appels qui permettent de
faire du support et du traitement pour des personnes en
recherche d'emploi et qui sont déficientes visuelles".
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C'est
notamment le cas chez Bureau
Veritas : "J'aide les établissements à trouver du personnel
qualifié pour des postes techniques ou administratifs, explique
Valérie Vallée, responsable diversité et chargée de mission
handicap. La plupart du temps, en vue d'une embauche en CDI,
je fais connaître notre entreprise et nos métiers au sein des
associations". Et depuis 2009, Bureau Veritas a atteint l'obligation
d'emploi de 6%, dont une part de déficients visuels : "Ils sont
sur des postes administratifs, ou chargés de clientèle par téléphone,
ils prennent des rendez-vous pour les techniciens".
A la Compagnie Générale
d'Affacturage, une filiale de la Société Générale, il manque
quatre travailleurs handicapés pour atteindre l'obligation d'emploi,
explique Barbara Essono, directrice des ressources humaines
: "La difficulté que nous rencontrons est qu'on recrute à partir
de bac + 2 jusqu'à bac + 5 et souvent, dans le monde des travailleurs
handicapés, le niveau de diplôme n'est pas aussi élevé que ce
que nous souhaiterions".
Même problème chez France
Telecom, explique Sylvie Barnada, chargée de la diversité
et du recrutement : "Malheureusement, on n'a pas beaucoup de
CV sur des postes qui nous intéressent, parce que France Telecom
recrute sur des bac + 3 à bac + 5 la plupart du temps, et on
a très peu de personnes handicapées qui postulent. Pour les
déficients visuels, ça se passe plutôt très bien parce qu'on
commercialise pour nos clients malvoyants et non-voyants des
téléphones spécifiques. Et on a une politique d'adaptation des
outils informatiques pour que les salariés déficients visuels
puissent travailler dans de bonnes conditions".
Recrutement difficile également chez Lidl,
mais pour d'autres raisons, explique un chargé de recrutement
: "On a aménagé des caisses pour des travailleurs handicapés,
on essaye d'aménager certains postes pour qu'ils puissent avoir
leur chance chez nous. On essaye de faire en sorte que ce ne
soit pas de 'gros handicaps', parce que malheureusement chez
Lidl vous êtes obligé de beaucoup bouger". Une politique qui
laisse de côté les déficients visuels : "Je ne vais pas vous
mentir, je n'en ai pas sur nos sites, c'est souvent des handicapés
moteurs parce qu'en entrepôt, une personne aveugle c'est déjà
un danger pour elle et pour les autres parce qu'il y a des machines
qui circulent, vous avez des tires-palettes. Et en magasin,
c'est malheureusement pareil parce que vous avez un flux permanent
de clientèle".
Une situation pourtant affrontée par un autre grand distributeur
: "Nous avons un accord d'entreprise depuis 2001 et nous sommes
engagés en faveur de l'emploi des personnes handicapées depuis
une quinzaine d'années, précise Erwan Le Seaux directeur de
la mission handicap d'Atac
Simply-Market, les supermarchés du groupe Auchan. On emploie
640 collaborateurs handicapés avec un taux d'emploi fin 2009
de 4,29%". Un taux qui a baissé mécaniquement en 2009, déplore-t-il,
à cause du nouveau mode de calcul de l'obligation d'emploi.
Chez l'assureur Axa,
les difficultés de recrutement sont d'un autre ordre : "L'image
employeur d'Axa, contrairement à ce qu'on peut imaginer, est
relativement peu élevée auprès des jeunes diplômés bac + 2 ou
3, concède Sophie Patrinos, responsable de la communication
recrutement. Ils nous classent en 37e position, et les bac +
4 ou 5 en 56e position ! Alors, on souhaiterait recruter davantage
de travailleurs handicapés, mais souvent on trouve des candidats
qui ne correspondent pas aux profils que nous recherchons".
Sur le site de Nanterre, où sont regroupés la plupart des emplois,
des aménagements ont été réalisés : "Tout est OK pour accueillir
des travailleurs handicapés. Pour les non-voyants en particulier,
il y a un système de coaching, c'est-à-dire que n'importe quel
collaborateur peut accompagner un non-voyant pour l'aider dans
ses déplacements au sein de nos locaux".
Parmi les wagons du Train de l'Egalité des Chances, une surprise,
l'Armée
: "On recrute des travailleurs handicapés en tant que personnels
civils de la défense et non pas en tant que militaires, précise
le commandant Jalabert, chef du centre de recrutement des forces
armées de Paris. Il peut y avoir des postes techniques de mécaniciens,
charpentiers, cuisiniers. On emploie des déficients visuels
essentiellement dans les services administratifs". Et pas dans
les rangs des militaires : qui s'en plaindrait...
Propos recueillis par Yvan Wouandji, avril 2010.
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