Un peu d’histoire. En 1951, Paul Corteville se lie d’amitié avec un aveugle et décide de l’aider à accroître son autonomie. Un an après il remet à son ami Dicky, la première chienne- guide pour aveugle en France. Corteville consacrera tout son temps et son argent à éduquer et offrir des chiens- guides aux non- voyants. Mais au bout de 20 ans, cette action a failli s’arrêter faute de moyens financiers. C’est grâce à la mobilisation de ceux qui avaient bénéficié de l’aide de Paul Corteville et de son équipe, ainsi qu’au rédacteur en chef du quotidien Le Parisien Libéré que le mouvement s’étend et s’amplifie. Aujourd’hui une centaine de chiens sont remis tous les ans par 9 écoles de chiens guides réparties sur l’ensemble du territoire français. Le chien est remis gratuitement au non- voyant même si aujourd’hui, il revient à 100.000FF. Les écoles sont financées par le biais de subventions versées par les collectivités territoriales, les fonds sociaux de la Sécurité sociale ou encore par des dons d’organismes caritatifs ou de particuliers.

De la famille d’accueil au domicile de son maître, le chien apprend son métier. Dès l’âge de douze mois, le chien berger allemand ou labrador, est placé par l’école dans une famille d’accueil. Il s’agit de lui inculquer les règles élémentaires de la vie, (propreté, obéissance, etc.). Pendant cette période, le chien revient régulièrement à l’école pour des séances de travail avec les éducateurs puis reste à l’école pour une période qui peut aller jusqu’à six mois. Là, c’est le véritable apprentissage du métier que lui dispensent les éducateurs.

Le parcours du maître. Guy Delfino a toujours aimé les chiens pour en avoir connu plusieurs au domicile de ses parents. Il a décidé il y a un peu plus de six ans d’abandonner sa canne blanche pour adopter Ipsos, un labrador. Mais entre le moment où il a écrit pour demander un chien et l’arrivée d’Ipsos chez lui, il a dû attendre pratiquement un an : « Il m’a fallu d’abord répondre à un questionnaire administratif et médical. La démarche suivante eut lieu à l’école. J’ai passé un jour et demi là- bas, rencontré des éducateurs, des instructrices en locomotion et un psychologue. En plus des entretiens qui ont pour objectif de vérifier équilibre psychologique et motivation, j’ai effectué avec un éducateur plusieurs trajets, d’abord avec ma canne et ensuite avec un chien. L’éducateur doit évaluer le niveau d’autonomie du non- voyant, sa capacité d’écoute aux carrefours par exemple ».

Le maître et son chien apprennent à vivre ensemble.
 Le processus de remise du chien commence à l’école. Comme tous les demandeurs, Guy Delfino a dû passer une semaine à Angers. Il faut que progressivement le chien s’habitue à obéir à son maître et que ce dernier adopte les attitudes adéquates, apprenne les mots et expressions compris par son compagnon. « J’ai effectué en compagnie d’Ipsos et de l’éducateur de nombreux trajets pendant lesquels j’apprenais progressivement à me substituer à l’éducateur ». Et pour que la transition se fasse plus rapidement, l’éducateur est absent pendant la prise des repas. Pourtant, le travail de l’éducateur ne s’arrête pas à la porte de l’école. Il accompagne le non- voyant et son chien à la maison et reste sur place une semaine. Le but est d’aider le « couple » à prendre ses marques par rapport aux trajets habituels.

Un suivi régulier et quasi-permanent. Les écoles continuent à accompagner les « équipages » chiens guides et non- voyant sans limite de temps. Guy Delfino est interrogé tous les ans par l’école d’Angers sur le comportement d’Ipsos, les problèmes éventuels, etc. Lors d’événements exceptionnels, les éducateurs n’hésitent pas à se déplacer : « quand nous avons déménagé, un éducateur est venu nous aider à trouver de nouveaux repères ».

Le regard des autres change. La présence du chien au côté d’un aveugle favorise incontestablement le contact avec les gens. Guy Delfino est régulièrement abordé dans la rue : « bien sûr, souvent la conversation débute par un échange sur le pedigree du chien mais il arrive qu’ensuite on parle d’autre chose ». Guy Delfino est président de l’association des chiens- guides du Morbihan, filiale de l’école des chiens guides d’Angers. L’une des missions prioritaires des associations aujourd’hui est la recherche de financement, « nous organisons des fêtes, des soirées théâtre et participons aux manifestations proposées par l’école ».

Nous avons pu constater lors de notre enquête que les écoles de chiens guides manquent cruellement de moyens pour faire face à une demande croissante. Au rythme actuel et sachant que la Fédération Nationale des Associations et Ecoles de Chiens Guides estime à 5.000 le nombre de non-voyants désireux d’acquérir un chien, la dernière remise aurait lieu en… 2037.

Abder Ragui, février 2001.

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