Samedi 21 octobre 2000, près de 1.400 personnes déficientes visuelles se sont rassemblées, à la maison de la Chimie à Paris, à l’appel du Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles et des Amblyopes (CNPSAA). Cette Convention Nationale des Aveugles et Déficients Visuels, première du nom, avait pour objet principal la remise d’une motion au Premier ministre. Cette Convention fut- elle « un coup de gueule », pour reprendre les termes mêmes du Secrétaire Général du CNPSAA, ou un coup d’épée dans l’eau ?

Une initiative voulue par les associations. En m’inscrivant fin septembre, je croyais peu à la réussite d’une telle entreprise. J’ai donc été agréablement surprise par le nombre de personnes présentes à la maison de la Chimie de Paris ou à Strasbourg qui était en duplex avec nous. Cependant, si ce premier test démontre que nos responsables associatifs sont désormais déterminés à faire oeuvre commune, ce qui est déjà beaucoup, il ne garantit pas que les personnes handicapées visuelles, membres ou non d’associations, soient véritablement parties prenantes dans cette démarche revendicative. Nous étions 1.400, mais nous ne représentions que nous : cela fait peut-être un millième des personnes handicapées visuelles vivant en France. C’est bien peu pour risquer la comparaison avec les mouvements sociaux de ces derniers mois.

Le champ d’investigation était vaste : outre les dossiers chauds concernant l’Allocation Compensatrice Tierce Personne ou la Prestation Spécifique Dépendance, nous devions aborder l’accès au livre, le financement du matériel adapté, le passage à l’Euro, la malvoyance, les handicaps associés, la collaboration inter- associative. Toutes ces questions ont été abordées, parfois brillamment, mais toujours trop rapidement à mon goût, faute de temps. L’organisation d’ateliers aurait peut- être mieux convenu pour traiter ces sujets, tous n’intéressant pas forcément tous les participants au même degré. Cela aurait par ailleurs certainement renforcé les échanges entre les personnes, et permis une meilleure prise en compte des questions des participants.

Le public, du reste, est pour moi le grand oublié de cette convention. Sauf par des réactions, tantôt chaleureuses, tantôt hostiles, nous n’avons guère eu la possibilité d’intervenir au cours de cette journée. Le « timing » était serré ! Les rares personnes qui ont pu parler n’avaient pas de micro si elles ne venaient pas jusqu’à l’estrade. Je me souviens d’une dizaine de « prises de parole » d’un public qui m’a paru attentif, et qui, si j’en crois des réactions glanées après la convention, ne demandait qu’à s’exprimer. Dommage !

Des revendications partielles adoptées sans débat.
 La Convention avait essentiellement pour objet de faire part de nos revendications au Premier Ministre. De fait, une motion nous a été lue en fin de matinée, et a été adoptée par acclamation article par article. Toutefois, nous n’avons pas été invités à la discuter, ni même à nous prononcer pour ou contre ce texte, puisque les applaudissements ont tenu lieu d’approbation. Pour ma part, j’aurais souhaité que certains termes soient clarifiés. Bien sûr j’y ai souscrit, mais je dis que parmi les difficultés que nous avons demandé au Gouvernement de prendre en compte, l’accessibilité urbaine (déplacements en ville, transports en commun ou spécifiques, signalétique), est le grand absent. Il n’en est tout simplement pas fait mention dans la motion, comme si elle n’était pas le préalable à notre insertion sociale, culturelle et professionnelle !

Le caractère politique de la Convention a bien été souligné, que ce soit par la présence de parlementaires, le sujet de nos travaux ou le principe même de la motion au Gouvernement. Plusieurs orateurs, tels le Maire de Paris Jean Tiberi en ouvrant la séance, madame le Sénateur Marie- Claire Beaudeau dans son témoignage, ou le Délégué interministériel aux personnes handicapées Patrick Ségal lors de la conclusion des travaux, ont fait ressortir cet aspect politique de notre démarche. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit, à mon sens. C’est ma place de citoyenne à part entière, que je suis allée réclamer samedi, avec d’autres, au Premier Ministre de mon pays ! Notre motion a reçu, du reste, aux dires de nos délégués, un accueil favorable d’un proche collaborateur de Lionel Jospin. Mais nous n’avons pas pu, en revanche, accompagner nos représentants jusqu’aux abords de Matignon, comme le prévoyaient les organisateurs de la Convention. Alors, pour la forme, mais sans trop de conviction, nous avons crié quelques slogans dans les rues désertes jouxtant la maison de la Chimie… Mais que vaut une manif sans témoins ?

La couverture médiatique, d’ailleurs, ne semble pas avoir été à la hauteur des espérances des organisateurs. Je tiens ici à mentionner qu’un journaliste de France- Info, Julien Prunet, animait les tables- rondes. Peut-être a- t-on parlé de notre démarche sur cette radio ou ailleurs, mais je n’en ai pas eu d’échos.

Que reste-t-il à souhaiter ? Des États- Généraux de la déficience visuelle, sinon du handicap. Aussi bien, plusieurs orateurs nous ont rappelé que nos revendications sociales sont partagées par l’ensemble des personnes handicapées. Cette formule, même restreinte aux seuls aveugles et malvoyants, permettrait de discuter plus longuement des problèmes que nous rencontrons, le travail par groupe trouvant ici toute sa place. Par ailleurs, notre motion demandant, dans son quatrième article, la mise en place d’une étude permettant de faire le point sur la situation et les perspectives concernant les personnes aveugles et malvoyantes », de tels États- Généraux, bien préparés localement par la rédaction de « cahiers de doléances », pourraient être une bonne avancée d’un chantier qui demeure vaste.

Dorothée Lombard, octobre 2000.


Le comte-rendu officiel du Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles

Samedi 21 octobre 2000, à la Maison de la Chimie à Paris, 1500 personnes aveugles et malvoyantes se sont réunies en Convention Nationale à l’appel du Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles, organisme regroupant les principales associations de déficients visuels.

Cette manifestation fut un grand succès ! C’est la première fois, en effet, qu’un rassemblement de personnes aveugles et malvoyantes a permis de réunir autant de militants, venus de tout le pays.

La Convention a adopté à l’unanimité la motion ci-dessous, qui a été portée à l’Hôtel Matignon par une délégation de 20 personnes, tandis qu’un cortège formé par tous les participants défilait dans les rues de Saint- Dominique, de Grenelle et de Bourgogne pour manifester leur mécontentement.

Motion adoptée par la Convention Nationale des Aveugles et Déficients Visuels

Réunis en Convention Nationale le samedi 21 octobre 2000, les adhérents des Associations membres du CNPSAA ont adopté les résolutions suivantes :

1ère Résolution : Constatant que l’article 146 du Code de la Famille et de l’Aide Sociale dans sa rédaction actuelle prive les personnes handicapées bénéficiaires de l’Allocation Compensatrice du droit fondamental d’hériter de leurs parents ou de recevoir une donation, les sommes recueillies par elles étant récupérées par la collectivité départementale, Constatant que ce même article prive aussi la personne handicapée du droit de transmettre, de son vivant, tout ou partie de son patrimoine aux personnes qui, après son décès, sont exclues du champ de la récupération : son conjoint, ses enfants ou sa tierce personne, la Convention demande que le « Projet de modernisation et d’harmonisation des règles de récupération des prestations d’aide sociale versées aux personnes handicapées » approuvé à l’unanimité par l’ensemble des associations de personnes handicapées regroupées au sein du Comité d’Entente, soit pris en compte par le Parlement dans les meilleurs délais.

2ème Résolution Constatant que la Prestation Spécifique Dépendance ne correspond pas aux besoins des personnes qui deviennent aveugles ou déficientes visuelles après l’âge de 60 ans, celles-ci n’étant pas « dépendantes » mais ayant besoin d’une aide pour compenser leur handicap acquis, la Convention demande, en accord avec l’ensemble des Associations de personnes handicapées regroupées au sein du Comité d’Entente, que le handicap ouvre droit à compensation, quel que soit l’âge auquel il survient, du moment qu’il est reconnu.

3ème Résolution Considérant les difficultés rencontrées dans : – la prévention, la formation et l’information des familles, – la scolarisation et la formation professionnelle, – le choix et l’acquisition du matériel adapté, – l’insertion professionnelle et la formation continue, – l’accès aux sports, aux loisirs, à la culture, à l’Euro, – la prise en compte des personnes déficientes visuelles multi-handicapées, la Convention demande que ces différents problèmes soient pris en compte et traités d’une manière interministérielle comme cela avait été promis lors du « Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées » du 25 janvier 2000.

4ème Résolution Constatant la diversité de ces problèmes et l’obligation de promouvoir une action coordonnée, la Convention réclame qu’une étude soit diligentée au plus haut niveau permettant de faire le point sur la situation actuelle et les perspectives concernant les personnes aveugles et malvoyantes.




Le communiqué de presse officiel du Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles

Le samedi 21 octobre 2000 1500 aveugles dans la rue, 600 CRS mobilisés, une délégation de 20 personnes reçue à l’Hôtel Matignon.

Pourquoi ? Parce qu’ils ne veulent plus payer leurs livres scolaires même s’ils sont en braille ou en gros caractères ; Parce qu’ils ne veulent plus avoir à rembourser leur indemnité compensatrice s’ils viennent à hériter (on ne rembourse pas les allocations familiales ou de chômage en cas d’héritage) ; Parce qu’ils ne veulent plus être confondus, après 60 ans, avec des personnes dépendantes grabataires ou incontinentes.

Alors, la colère monte et une Convention Nationale s’est tenue le samedi 21 octobre, à la Maison de la Chimie à Paris. 900 personnes étaient attendues, 1500 se sont présentées, venant par cars entiers de toute la France. Deux salles en téléconférence ont du être aménagées à la Maison de la Chimie et à Strasbourg. Une Motion en quatre résolutions a été adoptée à l’unanimité. Pendant qu’une délégation la portait à l’Hôtel Matignon, la foule forçait le barrage de police de la rue de Bourgogne pour pouvoir défiler devant le Ministère de la Solidarité Nationale, d’où l’émotion des CRS.

Monsieur Jacques Rigaudiat, Conseiller Social du Premier Ministre semble avoir pris conscience de l’exaspération du monde des déficients visuels, qui ne demandent ni avantages nouveaux, ni augmentation des prestations, mais la compensation effective de leur handicap, quel que soit leur âge, sans notion de remboursement. Des signes significatifs de détente devront être donnés dans les mois qui viennent, si l’on ne veut pas que d’autres manifestations plus musclées se produisent.

Le Bureau du CNPSAA.

Partagez !