Étiré le long de son fleuve éponyme, le département de la Meuse, resté français lors de l’annexion de l’Alsace-Moselle par les Prussiens après la défaite de 1871, a subi, plus qu’aucun autre, les affres de la Première guerre mondiale. Au point d’en porter toujours les stigmates, quatre-vingt-dix ans après la signature de l’Armistice, jusque dans l’esprit des Français eux-mêmes, pour qui le nom de Verdun restera associé encore longtemps aux atrocités vécues par leurs ancêtres. Verdun, dans l’esprit collectif, c’est en effet avant tout la Bataille de Verdun (au risque d’oublier celle de 1792, juste avant Valmy) qui a opposé les armées française et allemande en 1916. Plus de 300.000 morts, tous camps confondus, des millions d’obus, une génération sacrifiée, un paysage à jamais bouleversé, pour un résultat dérisoire : statu quo entre belligérants ! Impossible de ne pas y songer lorsque l’on se rend en Meuse.

Verdun aujourd’hui, ce sont évidemment des monuments commémoratifs édifiés pour la plupart dans les années 1920 et lourdement imprégnés du besoin d’affirmer la victoire, sublimer le sacrifice humain, conjurer les horreurs de cette « der des ders »… qui ne l’était pas. La pompe surannée de ces monuments ne parle plus guère aux jeunes générations, d’où la nécessité de préserver les traces palpables de la bataille et en offrir au visiteur une approche plus « intime ». C’est ce à quoi s’applique depuis 1994 le Centre mondial de la paix, installé dans l’ancien (et très élégant) palais épiscopal de Verdun. Sa muséographie basée sur la lecture de panneaux didactiques risque de rebuter mais l’endroit est accessible (rampe puis ascenseur) et le stationnement aisé. Des expositions temporaires sur des thématiques connexes y sont organisées. Le reste de la cité offre de jolies promenades en bord de fleuve et un petit centre-ville réhabilité qui fait la part belle aux zones piétonnières.

On pourra, à la Citadelle souterraine, difficile d’accès, préférer une visite, fût-elle partielle, du Fort de Vaux, situé à moins de dix kilomètres de Verdun. Construit à la fin du XIXe siècle, il avait été démilitarisé en… 1915 pour cause d’obsolescence avant d’être réaffecté en urgence. Pris par l’ennemi, puis repris, il a joué un rôle important dans la bataille et permet d’appréhender les (terribles) conditions de vie de ses occupants. Le paysage environnant conserve bien visible la trace des cratères d’obus. Accès par rampe, stationnement aisé.

Accès plus délicat mais sensations tout aussi prenantes en pleine forêt, au Kaiser Tunnel, près de Clermont-en-Argonne, sur la ligne de front. Creusé (à la pioche et en grand secret) par les Allemands, il était destiné à servir à la fois d’abri, d’hôpital de fortune et de souterrain de liaison vers les tranchées. Le froid et l’humidité y étaient (et sont toujours) permanents, renforçant, avec des plafonds très bas, la sensation oppressante. À découvrir avec un guide les dimanches et jours fériés : renseignez-vous à l’office de tourisme de Clermont en Argonne. Stationnement dérogatoire possible au plus près de l’entrée pour les titulaires de cartes européennes de stationnement. Toilettes adaptées dans le petit musée attenant. Clermont-en-Argonne jouxte, par ailleurs, un site célébrissime de l’Histoire de France : Varennes en Argonne, théâtre de la fameuse fuite de la famille royale en 1791, que commémorent de discrètes plaques à l’emplacement de bâtiments aujourd’hui disparus.

Reconstitution historique devant la Tranchée des Baïonnettes

Si les collines, désormais couvertes d’arbres, de la « zone rouge » ont conservé l’empreinte des trous d’obus, les (tristement) célèbres tranchées, moins profondes, ont en revanche disparu. Outre celle, impressionnante mais controversée, « des baïonnettes« , près de Douaumont, inaccessible en fauteuil roulant, celles, très émouvantes, du Saillant de Saint-Mihiel, au lieu dit Le Bois Brûlé, pourraient être découvertes par tous, fût-ce avec aide, si les aménageurs en adoucissaient la forte pente d’accès. Y constater, outre l’étroitesse des boyaux, la proximité des lignes se faisant face (une dizaine de mètres tout au plus) donne une idée marquante de la réalité de cette guerre.

Il en va de même avec les villages détruits, rayés de la carte par la violence des combats et dont seuls subsistent le nom, une chapelle commémorative et, parfois, le tracé des rues. Bouleversant, même si la nature a doucement repris ses droits. Une pente assez longue permet, par exemple, d’atteindre celui de Fleury devant Douaumont. Se souvenir, ici, prend un sens étonnamment intime.

Juste à côté, le Mémorial de Verdun rend très efficacement compte de cette implication de tout un peuple dans la guerre, en mêlant objets militaires et civils, mais aussi lettres, photographies et témoignages bouleversants. Une visite extrêmement instructive qui ne laisse pas indemne. Dommage que les visiteurs en fauteuil roulant, faute d’accès standard, soient obligés de contourner tout le bâtiment, et que certaines vitrines, disposées sur une estrade, restent inaccessibles.

Se souvenir, à Douaumont, procède en revanche d’une autre manière, celle de nos aïeux, celle aussi des militaires et des politiques. Exaltation des sentiments, monumentalité commémorative, l’Ossuaire de Douaumont, inauguré en 1932, abrite les restes de 130.000 soldats inconnus, sans distinction de nationalité. Seule sa nef, baignée d’une lumière couleur sang, est accessible en fauteuil roulant. En contrebas, la Nécropole nationale aligne 15.000 croix (mais aussi Étoiles de David et Croissants) d’un blanc immaculé. Pureté et monumentalité toujours au Cimetière américain de Romagne-sous-Montfaucon, où reposent, sur une cinquantaine d’hectares, plus de 14.000 soldats américains morts au combat. C’est le plus important d’Europe. De nombreuses autres nécropoles, de dimensions plus modestes, parsèment la région : on les découvre parfois au détour d’une route, en pleine campagne, édifiées là où sont tombés les hommes.

Mais la Meuse, gardienne d’Histoire, a d’autres trésors à offrir à ses visiteurs : religieux, par exemple, à Saint Mihiel, avec notamment un riche musée d’art sacré (accessible) et surtout un somptueux groupe de sculptures Renaissance, dû à Ligier Richier, dans l’église Saint-Étienne (de plain-pied). Autre ciseau, contemporain celui-là : Jean Robert, alias Ipoustéguy, décédé en 2006, artiste plus connu à l’étranger qu’en France (sauf peut-être des Lyonnais qui fréquentent la place Pradel). Son village natal de Dun sur Meuse est dépositaire, dans le centre culturel qui porte son nom (et sert également d’office de tourisme), d’une belle collection de sculptures. Ipoustéguy accordait une importance particulière au toucher, occasion rarissime de découvrir ainsi certaines oeuvres, conçues pour êtres « vues avec les mains ».

Non loin de là, le Musée européen de la bière (Stenay) installé dans une ancienne citadelle du XVIIe siècle, présente l’évolution des techniques brassicoles de l’Antiquité à nos jours dans une muséographie contemporaine, lumineuse et accessible. Une manière ludique de mieux comprendre (et apprécier !) cet antique breuvage. Des séquences vidéo en LSF et un guide braille devraient y être disponibles à partir du printemps 2009. Restauration possible sur place, stationnement aisé.

En redescendant vers Verdun, on peut également se souvenir d’une autre spécialité emblématique de la cité : la dragée, inventée là au… XIIIe siècle. Son nom, depuis, a été associé à la fabrique Braquier, dont l’usine (accessible) se visite. Plus au sud, Commercy, ville aimée du roi Stanislas (qui y a élevé un splendide château), rappelle au monde qu’elle est le berceau de la madeleine. On peut en déguster des « fraîchement » sorties du four, occasion délicieuse de jouer les Proust en Lorraine…

Jacques Vernes, octobre 2008.

Sur le web, le site Tourisme Meuse propose une information généraliste et des actualités sur la destination mais les mentions d’accessibilité ne figurent que dans les brochures papier.


Nos adresses accessibles :

Incontournable, Le Coq Hardi, à Verdun : haute gastronomie et chambres adaptées (dont certaines revampées pour le printemps 2009). Patrick Leloup, qui dirige l’établissement, sait de quoi il retourne: il utilise un fauteuil roulant…

Luxe, calme et volupté au Château des Monthairons, à Dieue sur Meuse, près de Verdun. Accessible par rampes amovibles. Grande chambre et salle de bains (baignoire) donnant sur le parc. Gastronomie régionale de qualité. Accueil attentionné.

Moins cher et tout aussi calme, L’Orée du bois à Futeau (entre Verdun et Bar le Duc) : gastronomie à prix modérés dans un coin de campagne avec une jolie vue sur les coteaux, grande chambre accessible (mais sans vue) dans un pavillon indépendant.

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