Le château de Versailles a été construit, sur un ancien pavillon de chasse de son père, par un Louis XIV désireux de s’éloigner de Paris et neutraliser les velléités frondeuses de la Noblesse. L’objectif royal de concentrer les pouvoirs et les arts a été pleinement rempli durant plus d’un siècle et sa magnificence continue d’éblouir aujourd’hui. C’est peu dire qu’on se presse dans les couloirs et les salles envahies par des groupes de toutes nationalités que déversent d’innombrables autocars.

En attendant l’aménagement prochain d’un accès facilité, le public doit d’abord traverser la cour d’Honneur, une épreuve pour tout le monde et un calvaire pour les personnes en fauteuil roulant, marchant avec une canne ou aveugles. Le stationnement n’est théoriquement possible qu’à l’extérieur, sauf autorisation spéciale. Les véhicules des personnes handicapées peuvent franchir les grilles jusqu’à l’entrée H (aile du nord, sous le passage vers les jardins) mais le conducteur (forcément valide !) devra ressortir pour garer sa voiture sur les parkings extérieurs… Une solution alternative consiste, faute de mieux, à stationner côté parc (Petite Venise, parking avec places réservées) et de remonter par les jardins ou d’emprunter l’un des transports de substitution (petit train, voiturettes, calèches) mis à disposition moyennant finances. Les visiteurs handicapés et leur accompagnateur ne paient pas, et ne font donc aucune queue. Une fois franchie la porte H, on peut, si besoin, emprunter un fauteuil roulant (uniquement pour la visite du château) et accéder avec un membre du personnel au premier étage par un monte- charge étroit qui débouche sur la Salle des États Généraux.

Les murs de cette pièce peu visitée sont couverts de peintures retraçant l’histoire de ces assemblées. Au centre, une maquette donne un aperçu très instructif du domaine de Versailles… mais on ne peut la toucher qu’avec les yeux. Peu de choses, en effet, sont actuellement prévues pour les déficients visuels, qui devront se contenter de visites guidées (groupes uniquement) des Grands Appartements comportant quelques éléments tactiles : cheminées, ornements, sculptures. Ajoutons, à leur intention, que les lieux embaument la cire répandue généreusement sur les planchers mais que le niveau sonore, surtout aux heures d’affluence, est très élevé. La visite tactile commence donc dans la nef de la Chapelle (Aile Nord), plus calme. Un conservateur travaille actuellement à la mise à jour d’un ensemble d’objets pouvant être touchés. Les sourds, quant à eux, visitent (toujours en groupe) en compagnie d’un conférencier s’exprimant en langue des signes française.

Les Grands Appartements constituent la partie « publique » de la vie du monarque, qui y recevait fastueusement la Cour et les ambassadeurs étrangers. S’y déroulait, surtout à l’époque de Louis XIV, une véritable mise en scène du pouvoir absolu : grand lever, réceptions officielles, festins, concerts, c’était là que le roi naissait, vivait et mourrait « officiellement ». Le décor, d’une infinie richesse, constitue un véritable manifeste artistique (et surtout idéologique) du « despotisme éclairé » dont les « lumières » ont dominé l’Europe jusqu’à la Révolution. La visite des Grands Appartements enchaîne les salons : Vénus, Mars, Mercure, Apollon… Le désir du monarque de s’inscrire dans une mythologie plus vaste que la « banale » Histoire de France est clairement affichée. Des artistes comme Le Brun et Rigaud, pour ne citer qu’eux, sont donc appelés à célébrer « la gloire immortelle » du « plus puissant des rois » selon les termes élogieux de ses thuriféraires, et il n’est pas un pouce de plafond, de tenture ou de mobilier qui ne chante les vertus supposées de Sa Majesté. Avouons- le, on reste bouche bée devant le résultat !

Le Salon de la Guerre clôt les Grands Appartements du Roi et conduit à la célébrissime Galerie des Glaces, actuellement en cours de restauration (par moitié; un astucieux jeu de miroirs restitue l’ampleur des lieux). Peu savent que l’endroit, qui a vu se dérouler quelques pages plus ou moins glorieuses de notre Histoire, était une simple terrasse avant sa transformation en 1688. A l’époque, on ne savait pas fabriquer de surfaces de verre plus grandes que celles qui furent utilisées, ici comme ailleurs dans le château, autant pour refléter les jardins de Le Nôtre que pour vanter le savoir- faire des manufactures royales. Le Salon de la Paix, qui s’ouvre au sud de la Galerie des Glaces, débouche sur les Grands Appartements de la Reine où se succèdent, comme chez le Roi, chambres et salons au décor imposant.

Versailles, Galerie des Glaces. © Christian Milet.

La Reine, dit-on, ne mettait jamais deux fois la même robe. Et le décor de sa chambre, des plus fins brocards d’or et de soie, changeait deux fois l’an, fleuri à partir du printemps, or et velours rouge épais dès les frimas d’automne. Car il faisait froid et humide dans ce bâtiment construit sur des marécages asséchés. Les tentures restées en place (et restaurées depuis) sont celles que connut Marie- Antoinette à son dernier été à Versailles… Vendu aux enchères après la Révolution avec les biens nationaux, le précieux mobilier du château, dont un inventaire très précis (et très utile aux historiens) fut dressé à l’occasion, a été principalement acquis par de riches collectionneurs anglais. Si quelques rares pièces sont, depuis, revenues à leur emplacement d’origine grâce à la générosité de mécènes (souvent américains), la plupart sont issues d’autres châteaux quand elles ne sont pas de simples copies du XIXe siècle.

A partir de la Salle du Sacre (celui de Napoléon 1er, que représente une copie du célèbre tableau de David exposé au Louvre), les visiteurs handicapés peuvent avoir accès aux Petits Appartements, ou appartements intérieurs, qui doublent en quelque sorte les grands avec lesquels ils communiquent (étiquette officielle oblige) par de nombreuses portes dérobées. On peut également y accéder par la Galerie des glaces. On entre-là dans l’intimité du Roi puisque seuls les proches de la famille royale avaient accès à cette partie du bâtiment. Aménagés dans ce qui reste de l’ancien pavillon de chasse de Louis XIII, les petits appartements donnent sur la cour de marbre, côté levant. Une partie des lieux (vide de meubles et, paradoxalement, de visiteurs, mais pas d’Histoire !) est librement ouverte à la visite; en revanche les pièces dites Louis XV et Louis XVI ne sont accessibles que sur réservation. Le passage des fauteuils roulants est possible, quoique délicat du fait de l’exiguïté de quelques passages de portes. Il est indispensable de réserver au préalable car le nombre de visiteurs admis chaque jour est réduit. La visite, payante et obligatoirement guidée par un conférencier, dure environ 90 minutes; elle enchantera les passionné(e)s d’Histoire qui y ressentiront l’impression littérale de « passer de l’autre côté du miroir »…

Les appartements de Louis XV (qui n’aimait pas les dorures, ses pièces intimes, telle la salle de bains, marient le blanc et le pastel) et de Louis XVI sont d’une relative simplicité, presque (grand) bourgeois : les plafonds sont plus bas, les pièces de dimensions humaines, bien que les ornements dorés des boiseries et la finesse du mobilier conservent un faste royal incontestable. Ainsi, Louis XV recevait ses intimes au retour de la chasse dans le salon des Chiens; la précieuse pendule qui l’orne est conçue pour donner la date jusqu’en… 9999 ! Le cabinet des dépêches a été récemment restauré, comme toujours à Versailles, grâce à un mécénat privé : géré par un Etablissement Public, l’Etat ne contribue en effet aux rénovations que pour une faible partie, et à la condition que d’autres financeurs interviennent. Voisine du salon de musique de Louis XV, la bibliothèque de Louis XVI abrite une partie des livres que cet amateur de sciences, en phase avec l’esprit de son temps, aimait à lire. La salle à manger a conservé sa table, miraculeusement épargnée par la simplicité de sa facture. Le vocable de « Roi bourgeois » prend ici une dimension d’étrange proximité et on est presque stupéfait de découvrir que les escaliers qui conduisent au Salon de Barbe ne sont qu’en bois grossier aux murs à peine couverts d’un badigeon blanc et marron, comme chez M. tout le monde ! Et, contrairement aux idées reçues, on n’était pas si malpropre au XVIIIe siècle puisque salle de bains et toilettes avaient ici leur place, fût-elle rudimentaire.

De retour sur terre, au propre comme au figuré, le visiteur peut ensuite découvrir à sa guise les rez-de-chaussée, lorsqu’ils sont ouverts (notamment à l’occasion d’expositions temporaires), ainsi que la Chapelle et l’Opéra (sur réservation). Les rez-de-chaussée de l’Aile du Midi, qui abritaient les appartements de Mesdames, filles de Louis XV, sont accessibles aux fauteuils roulants. Une longue rampe permet d’accéder au niveau supérieur, qui correspond au niveau zéro côté cour d’Honneur.

La Chapelle, dont on peut apercevoir la tribune royale depuis les Grand Appartements, est ouverte à la visite dans l’Aile Nord. Quintessence du style baroque, elle donnera matière à rêver aux lecteurs de Saint- Simon, de la Princesse Palatine, ou aux amateurs de Lully et Couperin. On ne le rappellera jamais assez : Versailles, à l’instar d’autres grands sites, se dévoile mieux à celles et ceux qui se pénètrent au préalable de son atmosphère, qu’elle soit historique, littéraire ou musicale… Et à ce sujet, le charmant opéra conçu par Gabriel et inauguré, dans cette même aile Nord, à l’occasion du mariage du futur Louis XVI avec Marie- Antoinette d’Autriche, est un autre témoignage des usages en vigueur à la Cour au XVIIIe siècle. Des représentations y sont toujours données mais la salle, bardée de marches, est hélas complètement inaccessible.

De même que sont inaccessibles le Petit Trianon (escaliers nombreux et étroits) et les maisons du Hameau de la Reine (fermées à la visite). Le reste du domaine, lui, est largement ouvert à tous les visiteurs. A commencer par les jardins, qu’un Louis XIV vieillissant et pourvu d’un trône monté sur roulettes a garanti de tout obstacle. Un roi tellement épris du travail de son jardinier, Le Nôtre, qu’il écrivit un opuscule sur la manière de visiter ses bosquets et ses parterres ! Il faut évidemment les découvrir, à la belle saison, lorsque les Grandes Eaux lui confèrent leur complète dimension : magie et fraîcheur sonore des fontaines, perspectives et reflets ponctués de gerbes irisées, on en oublierait presque la foule! On peut se promener dans ce chef d’oeuvre topiaire de diverses manières : par ses propres moyens physiques (attention toutefois à certaines pentes, assez fortes) et, moyennant finances, en calèche (romantique mais non accessible), en petit train et en voiturettes électriques (accessibles).

Ces dernières peuvent accueillir trois passagers, en plus du conducteur, et disposent désormais d’une rampe d’accès pour fauteuil roulant (40% de remise pour les personnes handicapées). Quant au petit train, un nouveau modèle a récemment été équipé d’une rampe amovible donnant accès à un emplacement fauteuil roulant situé dans le wagon central. Points de vente : côté droit de la terrasse du Château et Petite Venise. Le Grand Trianon, enfin, et sa superbe architecture de marbre rose, lieu de villégiature royale, se visite séparément. Il dispose d’un parking réservé et on y accède grâce à une rampe.

Ses salles, de plain- pied, sont dédiées au Premier Empire et reçoivent parfois les hôtes de marque de la République. Les jardins, en revanche, sont inaccessibles. N’espérez pas, quoi qu’il en soit, visiter tout le domaine de Versailles en une seule journée, vous n’en ramèneriez qu’une impression superficielle, voire une indigestion… et une grosse fatigue !

Versailles demain ? L’accueil du public va profondément évoluer dans le cadre d’un schéma directeur dont le déploiement prendra plusieurs années. La réservation sera systématisée pour visiter les appartements (début 2006), afin de réduire et stabiliser le nombre de visiteurs et leur permettre de découvrir ce qu’ils souhaitent avec un confort correct, sans être obligés de se présenter dès l’ouverture et endurer d’interminables queues. La généralisation des audiophones et des écouteurs pour les groupes participera, pour sa part, du confort sonore de l’ensemble. Un cheminement sera aménagé dans la Cour d’Honneur au moyen de pavés de grès sciés, roulants et confortables. Il reliera également les deux ailes du château le long d’une grille en accolade restituant l’ancienne grille Royale. Le sol de la Cour d’Honneur sera rehaussé à son niveau historique d’origine : les emmarchements disparaîtront et les bâtiments latéraux seront de plain-pied. L’accueil des visiteurs handicapés se fera provisoirement dans l’aile Nord (Gabriel) avant de rejoindre définitivement l’aile opposée (Dufour) équipée de rampes et ascenseurs. Le circuit de visite sera alors modifié, l’antique monte- charges de la porte H remplacé par un ascenseur aux normes. Des toilettes accessibles seront installées. Le stationnement des voitures se fera sur une place d’Armes rénovée et dotée d’une dizaine d’emplacements réservés (printemps 2005). Des solutions concernant plusieurs espaces sont encore à l’étude, tels l’accès à la Cour de Marbre et à l’Opéra, ainsi que le remplacement du gravier incommode de la terrasse. En 2009, l’ensemble des volumes visitables devrait être aisément accessible aux individuels comme aux groupes.

Laurent Lejard, novembre 2004.


Pour préparer votre visite : consultez le site Internet officiel du Château de Versailles. La visite libre du château est gratuite pour les titulaires de cartes d’invalidité et leur accompagnateur. Pour plus de renseignements ou pour annoncer votre passage, n’hésitez pas à contacter le service d’accueil des personnes handicapées au 01 30 83 77 84 et par Mél. Évitez, autant que possible, les mardis et dimanches, jours de très forte affluence. Préférez- leur, pour de meilleures conditions de visite et d’accueil, les jeudis et samedis.

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