Avignon est depuis longtemps sortie de ses remparts pour devenir un pôle d’échanges privilégié par sa situation géographique : elle est le carrefour méditerranéen des routes vers l’Espagne, l’Italie et le Nord. C’est à l’intérieur de ses fortifications que la cité historique étale ses trésors architecturaux parfois entamés par quelques réalisations urbaines récentes et saccageuses telles celles attenantes au Palais des Papes. Avignon fut le siège de la Papauté de 1309 à 1378. L’état pontifical constituait alors le Comtat Venaissin, un territoire allant d’Avignon à Apt vers l’est et Bollène au Nord. La France a récupéré ce territoire en 1791, laissant subsister une curiosité administrative : un morceau du département du Vaucluse est inclus dans celui de la Drôme ; on l’appelle l’Enclave des Papes (et on y produit un vin apprécié).

Le Palais des Papes est un véritable château- fort. Il est bâti sur la roche, que l’on voit poindre par endroits. Il est formé de nombreuses salles, la plupart dégradées par le temps, la furie révolutionnaire, les incendies à répétition et le casernement de soldats de 1810 à 1906. C’est dire si les sols sont peu authentiques de même que les plafonds. Il reste quelques pièces à voir, tels les appartements privés du Pape, ornés de fresques, ou la chapelle Saint- Jean. Pour le reste, peu de meubles et quelques tentures dans la Chambre du Parlement. Du haut de la terrasse de l’aile des grands dignitaires, le parvis et le Rhône s’offrent à vos yeux ébahis. Le Palais a subi de plein fouet le déferlement moderniste qui dévasta Avignon durant les années 1970 : l’aile du conclave est devenu un palais des congrès exigu, un parking souterrain kafkaïen a été construit sous le parvis, un hôtel pour cadres fait face à la grande chapelle.

L’accès au Palais des Papes est impossible aux personnes en fauteuil roulant, aucun ascenseur ne desservant les étages ; la simple traversée du parvis est pénible (calade : sol fait de pavés et galets). Les autres personnes handicapées physiques devront affronter des escaliers à répétition dont certains peuvent être dangereux. Par contre, l’audio- guide, inclus dans le prix d’entrée, est une aide utile aux aveugles et malvoyants même s’il n’a pas été conçu pour eux. Autour du parvis, quelques bâtiments attirent l’attention. Face au Palais des Papes, l’ancien Hôtel des Monnaies édifié en 1619 par le cardinal Borghese est devenu le conservatoire municipal de musique. L’entrée est surmontée d’un cartouche monumental orné des armes des Borghese. Le côté nord est barré par le Palais des Archevêques, transformé en musée dit « du Petit Palais ». Il présente des oeuvres mineures des peintres de l’école d’Avignon (XIVe au XVIe siècle). On y remarque néanmoins la présence d’une Vierge à l’Enfant de Sandro Botticelli. Ce musée n’a pas non plus prévu de recevoir des personnes handicapées.

Les personnes en fauteuil roulant pourront visiter le musée Calvet, installé dans l’hôtel du marquis de Villeneuve- Martignan (milieu du XVIIIe siècle), rue Joseph Vernet, près de l’appartement dans lequel Napoléon Bonaparte écrivit « le déjeuner de Beaucaire ». Le musée est essentiellement dédié à la peinture et à la sculpture du XVe au XXe siècle parmi lesquelles nombre d’oeuvres des maîtres locaux rassemblées autour de celles de Joseph Vernet. L’accès se fait par une rampe sur le perron du fond de la cour. Un ascenseur dessert l’étage mais comporte curieusement deux petites marches pour y accéder : aide requise, donc ! Le musée lapidaire, ancienne chapelle des Jésuites construite au XVIIe siècle, rue de la République, est équipé d’une rampe mais les absidioles ne le sont pas. Lors de notre visite, les stèles et chapiteaux antiques étant entreposés presque pêle- mêle, seules quelques vitrines semblant avoir retenu l’attention rationnelle d’un conservateur…

Le cours Jean Jaurès et la rue de République sont les deux plus larges rues intra- muros. Elles comportent deux fois deux places de stationnement GIG- GIC – la ville en est d’ailleurs bien pourvue et elles sont strictement contrôlées par la Police. On roule sur leurs trottoirs très facilement. En les remontant, vous arriverez place de l’Horloge, brasseries sur la droite, Hôtel de Ville et Théâtre Municipal sur la gauche, tous deux XIXe pur jus. Cette place est « le » lieu de rencontre des Avignonnais et des autres. On la monte et la descend et on a du mal à s’y croiser lors du festival. Les terrasses vous proposent le moyen et le pire des nourritures terrestres (pour le meilleur, allez ailleurs !) ; geste délicat, certaines brumisent de l’eau lors des fortes chaleurs de juillet…

Le Rocher des Doms fut un oppidum romain. Il a été aménagé en jardin durant le Second Empire. On y accède par des rampes goudronnées mais il est préférable d’être aidé pour les monter en fauteuil roulant. Du sommet, le panorama vous récompensera, surtout le soir. Quelques volatiles s’ébattent dans un bassin surmonté d’une « folie », des enfants conduisent des calèches à pédales, des couples viennent se faire photographier en tenue de jeunes mariés. Ils n’ont que quelques pas à faire depuis l’église voisine. Notre-Dame des Doms conserve les tombeaux de deux des papes locaux, Jean XXII et Benoît XII. Quatre marches pour accéder au perron et deux autres pour pénétrer dans l’édifice dissuaderont plus d’un visiteur !

« Sur le pont d’Avignon, on y danse tous en rond », conte une chanson vieille de six siècles. Le pont Saint- Bénézet était le point de passage des cardinaux vers leurs résidences de Villeneuve, sur la rive droite du fleuve. Ouvert en 1185, il a été en partie emporté au XVIIe siècle par les flots parfois tumultueux du Rhône et il ne reste que quatre de ses vingt- deux arches. Le pont porte le nom d’un pâtre qui aurait payé la construction de l’édifice par des dons et des quêtes. Des chapelles qui le parsemaient, une seule est restée, dédiée à Saint- Nicolas. On n’y danse plus, semble- t-il, mais les personnes en fauteuil roulant devraient y avoir accès au moyen d’un ascenseur si la promesse de la municipalité est tenue.

Les remparts ont été érigés au XIVe siècle. L’usure du temps les a ruinés et ceux que nous voyons aujourd’hui, surmontés de créneaux démesurés, sont dus à la restauration très XIXe siècle de Viollet Le Duc. Côté Rhône, vous pourrez remarquer de grosses encoches qui permettent de placer des madriers venant obturer les portes en cas de forte crue. Les remparts cernent toute la ville historique sauf au niveau du Rocher des Doms qui forme une fortification naturelle.

Le Festival d’Avignon est le plus ancien et le plus célèbre festival de France. Il a été fondé en 1947 par Jean Vilar avec la volonté de toucher un public jeune, nouveau, par un théâtre différent de celui qui se pratiquait à l’époque à Paris. Jean Vilar s’attache une troupe d’acteurs qui viendra chaque mois de juillet réunir un public de plus en plus nombreux et de plus en plus fidèle. Gérard Philipe en est resté le symbole dès 1951, avec ses rôles fameux du Cid (Corneille) et du Prince de Hombourg (Kleist). Jean Vilar est emporté par une crise cardiaque en 1971. Pendant les années suivantes, la cour d’honneur est confiée aux plus grands noms du théâtre parmi lesquels Georges Wilson, Antoine Bourseiller et Marcel Maréchal. Parallèlement, apparaît un « hors- festival », le « Off », regroupement joyeusement désordonné de compagnies désireuses de toucher le public du Festival sans pour autant avoir été sélectionnées et invitées par la direction du Festival officiel, et qui investissent tous les lieux possibles et imaginables de la ville. C’est au festival Off que l’on doit le fleurissement désormais légendaire d’affiches par les places et les rues d’Avignon au mois de juillet.

Le festival officiel a été rendu accessible à tous grâce à l’action d’une spectatrice tétraplégique. Son opiniâtreté a fait passer dans les faits ce qui n’était précédemment qu’une préoccupation de l’administration. Ainsi, tous les lieux, toutes les salles (ou presque) devraient pouvoir accueillir les fauteuils roulants. Au moins deux emplacements idoines sont prévus dans chaque lieu, à l’exception de la salle Benoît XII (long escalier étroit, pas d’ascenseur). Tous les autres sites devraient être aménagés pour une accessibilité totale. Le programme comporte un paragraphe concernant l’accueil des personnes handicapées, priées de faire connaître leurs besoins particuliers lors de la réservation des places. Les malentendants pourront ainsi être placés au mieux en fonction de leur capacité auditive ; en revanche, il n’est pas prévu de surtitrage pour les spectacles en français. Quand aux aveugles et malvoyants, ils peuvent bénéficier d’un conseil sur l’intérêt des représentations, portant par exemple sur la beauté du texte. On vous conseille de vous présenter une demi- heure avant le début du spectacle pour être accueilli(e) et placé(e) dans les meilleures conditions. Les places sont numérotées dans la Cour d’Honneur et le Cloître des Carmes. Le tarif est normal pour tous.

Quelques précisions toutefois : La Cour d’Honneur du Palais des Papes, lieu des grandes représentations, a un accès par sol pavé plutôt inconfortable avec pente moyenne jusqu’à l’entrée de la Cour. Les personnes en fauteuil sont portées par les Pompiers (l’escalier devrait bientôt être remplacé par un ascenseur). A la Carrière de Boulbon, autre lieu emblématique du festival, l’entrée du public se fait ordinairement par un long sentier pentu et empierré; les personnes handicapées accédent au site par le chemin des véhicules de secours. La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, qui dépend de la Caisse des Monuments Historiques (aménagements pour les aveugles), et les salles d’expositions (Maison Jean Vilar et Chapelle du Palais des Papes) restent absolument inaccessibles aux fauteuils roulants.

Sur le Net : le site officiel de la ville d’Avignon propose quelques données pratiques, touristiques et économiques mais rien concernant le handicap ! L’Office du Tourisme est plus généreux en informations utiles au visiteur : monuments, programmes des activités culturelles, guides, restaurants, hôtels… Sur le site officiel du festival d’Avignon vous trouverez un historique très complet ainsi que la programmation en cours. Visitez également celui du festival Off.

Jacques Vernes, mai 2001.

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